Sur l'espace qui s'étend de Bâle (Suisse) à Mayence (Allemagne) en passant par l'Alsace, un tiers de la ressource en eau ne peut être consommé sans traitement préalable. Peu profonde et sans la protection d'une couche argileuse, la nappe phréatique du Rhin supérieur se montre vulnérable aux polluants d'origine agricole et industrielle. Pour lutter contre sa dégradation, l'Alsace et les Länder de Bade-Wurtemberg et de Rhénanie-Palatinat travaillent main dans la main depuis plusieurs années, avec l'appui des programmes européens Life et Interreg. Dernière avancée en date : la mise au point de 28 indicateurs transfrontaliers destinés à évaluer l'efficacité des politiques de préservation de la nappe phréatique. Ils ont été réalisés sous maîtrise d'ouvrage de l'Aprona (Association pour la protection de la nappe phréatique d'Alsace). « Ces indicateurs permettront d'assurer la continuité du suivi entre les états des lieux programmés tous les cinq ou six ans depuis 1997 », décrit Lucienne Gartner, chargée d'études au service environnement de la Région Alsace. Pression-état-réponse Construit selon le modèle pression-état-réponse de l'OCDE, le tableau de bord transfrontalier affiche pour les phytosanitaires des indicateurs d'état au rouge, notamment pour l'atrazine dans le sud du Haut-Rhin, où le seuil de potabilité de 0,1 µg/ l était dépassé sur 24 des 144 points de mesure en 2003. Cet herbicide a été interdit dès 1991, en Allemagne, mais seulement en 2003, en France. Les indicateurs dits de réponse (diversité des terres arables, rotation des cultures...) ne sont guère plus satisfaisants. Quant aux indicateurs de pression, « nous n'avons pas réussi à les renseigner tous, car les données sur les ventes de produits sont inaccessibles », pointe Paul Van Dijk, de l'Association pour la relance agronomique en Alsace ( Araa), qui a apporté sa collaboration technique. Côté nitrates, les inventaires de 1997 et 2003 concluaient à « une certaine stabilisation à un niveau élevé ». En Alsace, la moyenne de 27 mg/l calculée en 2003 demeure supérieure à l'objectif de 25 mg/l fixé par l'Union européenne. Pour ce polluant, les indicateurs transfrontaliers complètent l'outil de modélisation de la pollution des eaux souterraines par les nitrates (MoNit) conçu par le Bade-Wurtemberg. Différents scénarios tenant compte de l'évolution de l'agriculture ont été imaginés de 2005 à 2050 et comparés à une option « statu quo » et une « zéro nitrates ». Quant aux chlorures, dont les concentrations supérieures au seuil de 250 mg/l sont surtout enregistrées au nord de Mulhouse, ils restent un encombrant héritage des mines de potasse. Mais, leur évolution suscite moins d'inquiétude en raison des travaux entrepris sur les mines. En profondeur, des études sont encore en cours. À noter que le tableau de bord ne prend pas en compte les solvants chlorés, les méthodes étant trop disparates des deux côtés du Rhin. « Il faut maintenant faire fonctionner ces outils et les mettre en réseau pour qu'ils soient actualisables. En effet, la directive-cadre sur l'eau impose une bonne qualité des eaux souterraines pour 2015, mais aussi une vision coûts-bénéfices. D'où l'importance de ne rien perdre de notre travail », avertit Lucienne Gartner.