Agent réducteur bien connu, le fer est utilisé depuis longtemps dans des barrières réactives pour le traitement des nappes polluées par des composés chlorés. Des injections directes de particules de fer dans le sol ont fait l'objet de plusieurs développements ces dernières années. Cela a été le cas de Toyo Ink, industriel des encres et des pigments, qui a exploité dès 2003 son savoir-faire en matière de suspensions pour traiter des nappes au fer colloïdal. Peu de temps après, Recupyl testait sur pilote industriel un procédé analogue avec une géométrie particulière de particules. C'est ce même Recupyl qui détient aujourd'hui un nouveau brevet utilisant cette fois des nanoparticules. « L'évolution de notre procédé tient d'abord à la taille des particules dont la surface de contact est multipliée par dix et aux possibilités d'obtenir une suspension stable », souligne Farouk Tedjar, son directeur. En outre, ce chercheur a trouvé comment augmenter le pouvoir réducteur des particules : en recouvrant le support ferrique d'une nouvelle formulation de catalyseur métallique. On obtient ainsi un composé à la fois plus facile à injecter et plus fluide (donc qui se disperse aisément dans les sols) et beaucoup plus réactif. Autre propriété, la géométrie angulaire et abrasive des particules fait éclater les agglomérats de polluants et permet leur réduction par les particules métalliques. La formulation des particules peut être adaptée selon le milieu à traiter, le type de sols ou la saturation en eau de la zone. Recupyl travaille actuellement au montage d'un important projet de démonstration. Ses travaux soutiennent les ambitions du réseau Minatec sur les nanomatériaux, dont l'INPG (dont est issu Recupyl) fait partie.
La société grenobloise n'est évidemment pas la seule à travailler sur cette technique de traitement in situ. On notera en particulier les travaux d'un laboratoire de la Nasa qui viennent d'être mis en valeur par un Tech Museum Award, une récompense américaine valorisant l'innovation au service de l'humanité. Le procédé EZVI, pour Emulsified zero-valent Iron, repose comme son nom l'indique sur l'injection d'une suspension de particules nanométriques de fer, qui présente la particularité d'être constituée d'une émulsion stabilisée d'huile alimentaire biodégradable.
Particules à l'huile alimentaire
Avec pour effet que les contaminants visés, essentiellement les organochlorés (dits DNAPL - Dense non aqueous phase liquids), attirés et dissous dans les huiles sont réduits plus facilement par l'agent ferrique. L'objectif est d'obtenir des sous-produits non toxiques et facilement biodégradables par le milieu naturel. Une technique qui cible forcément les pollutions chlorées et non les pollutions métalliques qui auraient pu être également réduites par le fer. L'intérêt du procédé mis en avant par les chercheurs est sa rapidité de réaction. En effet, deux à trois mois suffisent pour traiter totalement une pollution (contre des années avec le pompage), dans des conditions économiques très avantageuses puisque le coût de traitement d'un kilogramme de solvants chlorés est estimé à 30 dollars (20,85 euros). Six entreprises américaines exploitent actuellement ce brevet, chacune avec sa propre méthode de mise en oeuvre. Deux exemples qui témoignent que la maîtrise technique et économique des nanomatériaux contribue à faire de cette technique de traitement in situ des sols une véritable opportunité industrielle.