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Zones humides cher chent sauveteurs

LA RÉDACTION, LE 1er MAI 2008
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Les observateurs sont formels, la moitié des zones humides aurait disparu en France entre 1960 et 1990. Et le phénomène se poursuit. « La dégradation des zones humides est constante. Avant même de parler de réhabilitation, il faudrait peut-être parler de conservation », s'indigne Luc Barbier, président du groupe d'experts zones humides et chargé de mission au sein du parc naturel régional des Caps et Marais d'Opale. Parmi les plus alarmistes, la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui gère neuf réserves naturelles en zone humide, estime que la France a perdu en un siècle les deux tiers de ces territoires. Et pour elle, depuis une décennie, leur destruction va en s'accélérant. Quant à l'Institut français de l'environnement (Ifen), il estime que la superficie des milieux humides se stabilise, mais que leur état, globalement, se dégrade. Quelle que soit la vision retenue, le tableau est sombre pour ces milieux dont la caractéristique commune est de se trouver à la jonction de la terre et de l'eau. La convention de Ramsar, signée en 1971, dont l'objectif est précisément d'identifier et de protéger ces sites, définit les zones humides comme « des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d'eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l'eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d'eau marine dont la profondeur à marée basse n'excède pas six mètres ». Marais, vasières littorales, forêts alluviales, prairies humides, bordures d'étangs, les zones humides prennent divers visages. Mais elles ont toutes en commun d'être menacées, alors même qu'elles jouent des rôles importants dans le maintien d'un bon état écologique. Les activités humaines mettent la pression Selon la LPO, il ne resterait que 1,5 million d'hectares de zones humides en France. La Camargue, première zone humide française, aurait régressé de près de 40 000 hectares au cours des quarante dernières années. Et en Bretagne, 65 % des zones humides littorales auraient été rayés de la carte en moins de cinquante ans. Les chiffres de l'Ifen sont beaucoup plus mesurés. Mais les causes avancées par les deux organisations, elles, restent les mêmes : l'urbanisation, le drainage intensif agricole, l'aménagement des voies de transport. À cet égard, les routes jouent le même rôle sur ces sites que les digues : une fois construites, elles empêchent les relations entre les eaux superficielles et condamnent des zones humides. Dans l'est de la France, les canalisations et l'aménagement des cours d'eau ont aussi réduit l'amplitude des variations de niveau d'eau, et donc l'efficacité épuratoire des zones humides. Et au final, selon l'Ifen, la moitié des zones restantes subit des pressions fortes à très fortes. Ces territoires jouent pourtant des rôles vitaux vis-à-vis de l'environnement et des populations humaines. Le premier bénéfice qu'on leur accorde est de constituer de véritables réservoirs pour la biodiversité. Ce n'est pas pour rien que ce sont les associations comme la LPO ou les parcs régionaux, qui, les premiers, ont pris leur défense en main. Réservoirs pour les espèces végétales, corridors pour les oiseaux, ces zones humides permettent aussi la rétention des sédiments. Et celle des hautes eaux. Les drainer, les assécher les empêche de jouer correctement le rôle tampon qui est le leur sur certains cours d'eau et met en danger les territoires en aval. Elles permettent aussi l'épuration des eaux. « L'alternance de basses et hautes eaux dans certaines zones humides est un facteur de dénitrification. La succession de milieux différents permet aux bactéries anaérobies et aérobies de jouer chacune leur rôle. Au final, les nitrates sont dégradés en azote atmosphérique », explique Jean-Charles Dor, écologue au sein du bureau d'études alsacien Ecoscop, à Fellering, dans le Haut-Rhin. Une étude menée sur les corridors fluviaux du bassin Seine-Normandie a ainsi conclu que 70 % des zones humides de ce territoire ont une efficacité épuratoire moyenne, voire bonne à excellente, vis-à-vis des nitrates. Ces sites ont aussi un effet sur les phytosanitaires, comme l'ont démontré les recherches menées par le Cemagref, qui veut développer ces pièges à pesticides (voir article page 29). Des territoires en théorie déjà protégés La plupart de ces fonctions sont bien identifiées, et depuis longtemps ! Théoriquement, ces zones humides, qui participent au bon état écologique des eaux superficielles et souterraines, sont protégées par la directive-cadre européenne sur l'eau (DCE), Natura 2000 ainsi que par la convention de Ramsar (voir encadré ci-dessous). « Certes, la loi sur l'eau a mis en place des garde-fous... pour les zones importantes. Mais pour les petites surfaces, il n'y a pas de dossiers à remplir. Tout comme pour le drainage de petites zones hydromorphes à des fins agricoles. Et, mises bout à bout, ces modifications de l'environnement ont un impact sur le bassin versant », alerte Jean-Charles Dor. Les agences de l'eau ont bien compris l'urgence de la situation et ont inscrit dans leur neuvième programme (2007-2012) une politique ambitieuse de préservation et de restauration de ces zones humides. « Pour que des projets ciblés de protection émergent, il faut des maîtres d'ouvrage, comme dans tout projet d'hydromorphologie. Mais les syndicats de rivières manquent de moyens et d'ambitions. Ils se heurtent aussi aux complications de la structure des maîtrises d'ouvrage », remarque Hugues Haeffner, ingénieur géologue délégué à la ressource en eau chez Lyonnaise des eaux. Un discours repris en octobre par les acteurs de la gestion des zones humides lors d'un colloque organisé par l'agence de l'eau Seine-Normandie dans le but de trouver une solution à ce marasme. « Il y a une absence de mobilisation des acteurs, renchérit Aïcha Amezal, spécialiste du sujet à l'agence de l'eau Seine-Normandie. Les maîtres d'ouvrage (collectivités territoriales, associations, établissements publics, EPTB...) ne sont pas sensibilisés, ils ne sont pas assez nombreux et n'ont souvent pas les compétences requises pour gérer des zones humides. » Les collectivités locales, qui sont les premiers maîtres d'ouvrage potentiels, mettent souvent la priorité sur le développement économique et démographique de leur commune. Un axe pas forcément compatible avec la protection et la gestion des zones humides. Il existe pourtant une fiscalité dédiée(1) et des mesures de compensation. Dans le pire des cas, comme pour les zones humides alluviales, le cours d'eau est vu comme un danger. L'État finance encore des digues, qui vont à l'encontre d'une bonne gestion des zones humides. Le manque de volonté ou d'information des maîtres d'ouvrage potentiels n'est pas seul en cause. « Les actions sont limitées par les cadres institutionnels et financiers. Même quand les budgets existent, il faut trouver les porteurs de projets. Les Sage donnent des objectifs concertés, mais ils ne suffisent pas pour définir des projets », explique un observateur. Les élus, quant à eux, réclament une indemnité spéciale zones humides. « Mais les moyens demandés ne sont pas au rendez-vous », constate Luc Barbier. rarement prioritaire Même si les agences de l'eau sont prêtes à subventionner des projets, elles n'assureront pas 100 % des financements. Il faut trouver l'argent disponible dans les budgets publics et locaux, mais la gestion ou la réhabilitation des zones humides apparaît rarement aux collectivités comme une priorité. Comment pourrait-elle en être une au niveau local alors qu'au niveau national, l'État ne s'implique pas beaucoup ? Depuis 2006, les financements des pôles relais dédiés aux zones humides, créés lors du précédent plan d'action gouvernemental 1995-2005, ont été réduits de 50 %, à 75 000 euros par an. Et au début de l'année, le ministère de l'Écologie a tout simplement cessé de les financer. Le rapport d'inspection de ces pôles par les Diren avait pourtant souligné leur efficacité. En mars, après trois mois de tergiversations, le ministère s'apprête finalement à reconduire le financement... mais pour un an seulement ! Une année transitoire après laquelle les pôles relais, s'ils existent encore, passeront sans doute sous l'égide de l'Onema. Le problème est que ces structures n'ont aucune visibilité au-delà de 2008. « Il faut un nouveau plan d'action gouvernemental, dans la lignée du premier ! », réclament tous les acteurs. De fait, toutes les zones ne sont pas logées à la même enseigne. « Un phénomène de loupe intervient plus sur les captages d'eau potable, et là, les maîtres d'ouvrage sont bien identifiés, mais pour les zones en aval, et particulièrement les forêts alluviales ou les prairies humides, il y a un manque d'intérêt », déplore Jean-Charles Dor. De son côté, Luc Barbier manifeste quelques regrets : « Les ministères en charge de l'Écologie et de l'Agriculture nous proposent d'utiliser Natura 2000 et la DCE pour identifier les moyens financiers propres à préserver durablement les zones humides. Il faut toutefois constater que les zones humides françaises n'ont pas été inscrites de façon systématique dans des périmètres relevant de ces deux directives, ils sont loin de couvrir tous les types de zones humides. Elles ne représentent pas un enjeu majeur. » Nos grands décideurs ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre la plus-value apportée par une zone humide exploitée par l'élevage. « Sur la zone humide du marais audomarois, l'agriculture maraîchère pluriséculaire régresse, tout comme les surfaces en prairies. C'est une gestion d'abandon ! » Faute d'outils, de contrats et de financements adaptés, les agriculteurs vont abandonner ces prairies humides : « Les contrats proposés aux agriculteurs s'investissant dans une bonne gestion des zones humides agricoles ne sont pas assez attractifs et ne permettent pas une bonne lisibilité dans le temps. Ils courent sur cinq ans quand les prêts, eux, sont contractualisés sur quinze ans ! Et ce niveau de contractualisation est trop faible. Nous ne sommes pas fichus de donner les moyens de garantir les systèmes agropastoraux, qui représentent pourtant un tiers des zones humides, estime encore Luc Barbier. L'outil qui coûte le moins cher pour les gérer est pourtant l'élevage. » Quelques réussites exemplaires Les agences de l'eau, elles, suggèrent de développer la maîtrise d'ouvrage, en créant de nouveaux maîtres d'ouvrage ou en les faisant évoluer. Cela passera par une mission d'information et de sensibilisation sur le terrain. Les agences sont aussi à la recherche de partenaires locaux : les conseils généraux, les parcs naturels régionaux, les conservatoires de sites régionaux pourraient jouer ce rôle. De fait, quand les maîtres d'ouvrage sont motivés, on obtient de belles réussites. Le conseil général des Yvelines a ainsi acquis le « biotope du bout du monde », à Epône, et vient de le réaménager avec l'aide de Lyonnaise des eaux. À Croissy, où ce même opérateur exploite les bassins de réalimentation de nappes (des zones humides artificielles), la zone humide ainsi créée est devenue un refuge pour la faune qui vient s'y réfugier. Une partie de la zone est désormais réaménagée pour organiser des visites et développer des synergies entre la protection des ressources et la mise en valeur de la biodiversité. Quantifier les dégâts et les bénéfices L'avenir passera sans doute par une vision beaucoup plus opportuniste, pragmatique. « La notion de service écologique a émergé ces dernières années, remarque Jean-Charles Dor. Il s'agit d'un service rendu gratuitement au citoyen par son environnement, mais qu'il faut désormais identifier et quantifier. » L'intérêt est de donner à ces services (dénitrification, rétention des sédiments, des hautes eaux...) une valeur. « Ainsi, en Allemagne, cette démarche a conduit à la mise en place d'une politique de restauration des zones humides, pour éviter les inondations sur les villes situées sur la partie basse du Rhin. Les Länder concernés, essentiellement le Land de Bade-Würtemberg, ont chiffré les dégâts potentiels et les ont comparés au coût des travaux de décaissement des polders de la rive droite du fleuve, de Bâle à Karlsruhe. Les aménagements l'emportaient, de loin », témoigne Jean-Charles Dor. Les Allemands ont décaissé une dizaine de polders sur la rive droite, et ont sollicité la France pour deux polders à Erstein. Les États-Unis ont mis en place un système qui permet de monter, sous l'égide d'une banque, un projet compensatoire si un aménagement touche une zone humide. Un système similaire est en train d'être mis en place en France par la Caisse des dépôts et consignations. C'est elle qui devrait centraliser ces compensations. Elle a déjà commencé sur d'autres problématiques environnementales, celle des parcs éoliens par exemple. « Mais le système a ses limites : on compense la disparition de zones humides plutôt que de les intégrer dans les PLU », regrette Jean-Charles Dor. Pourtant, « l'approche des zones humides est en train de changer. Nous sommes passés, dans la gestion de ces territoires, d'une approche dans laquelle elles apparaissaient comme une contrainte à une approche bien plus intégrée aujourd'hui, dans laquelle on tient compte des bénéfices environnementaux qu'elles apportent, des synergies que l'on peut y développer », explique Hugues Haeffner. Selon lui, depuis dix ans, de plus en plus de projets allant dans ce sens sont développés. Christelle Pagotto, à la direction technique de Veolia Eau, tient le même discours : « La gestion des zones humides reste encore une activité marginale chez Veolia, mais nous nous y intéressons de plus en plus. Parce que nous sommes conscients que cela peut contribuer à la protection de la ressource en eau. » Selon elle, le sujet est appelé à se développer pour aller dans le sens d'une gestion plus intégrée du cycle de l'eau. Il y a donc bon espoir.


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