Sans le savoir, les ostréiculteurs et les agriculteurs de la ria d'Étel, dans le Morbihan, pratiquent depuis près de douze ans la gestion intégrée des zones côtières (GIZC). Derrière ce sigle peu engageant, se cache une démarche coopérative de pur bon sens. «Les producteurs de coquillages, explique Laurent Thibault, chargé de mission au syndicat mixte de la ria d'Étel (SMRE), ont besoin d'une eau de mer de qualité irréprochable, notamment en termes bactériologiques. Or, en 1996, un épandage irrégulier de lisier occasionné par un éleveur aurait pu dégénérer en conflit ouvert. » Par chance, les responsables des deux professions se connaissaient et ont préféré dialoguer. Ils ont initié une démarche de préservation de l'eau avec le soutien à l'origine de la chambre d'agriculture et de la section régionale conchylicole Bretagne-Sud. Les collectivités et acteurs locaux se sont rapidement impliqués. C'était parti...
La gestion intégrée a été, pour
la première fois, formalisée et
inscrite aux États-Unis, en 1972, dans la loi fédérale (Coastal Act). Les États côtiers, qui n'étaient soucieux que de leur développement économique, se souciaient comme d'une guigne de la protection de la zone côtière dont la responsabilité revenait à Washington. La loi les a obligés à se concerter.
Une méthode
qui a fait école
En avril dernier, la quatrième conférence globale sur les océans, côtes et îles réunissait à Hanoï, au Vietnam, les représentants de soixante-dix pays sur la mise en oeuvre des objectifs du sommet de Johannesburg (2002). La France, pour sa part, se conformant à une recommandation européenne de 2002, lançait par l'intermédiaire de la DATAR (DIACT aujourd'hui), un appel à projets (janvier2005) pour un développement équi-
libré des territoires littoraux par
la GIZC. Et, en définitive, vingt-
cinq dossiers ont été sélectionnés.
La GIZC n'altère pas les prérogatives des différents partenaires. En France, elle ne modifie pas les documents d'urbanisme (PLU,
SCOT...) ni les pouvoirs de chacun, en matière d'aménagement par exemple. Mais elle les oblige, à partir d'un diagnostic commun, à s'entendre sur des objectifs de protection: « Il s'agit d'avoir une vision globale du milieu marin, explique Louis-Alexandre Romana, responsable des activités environnement côtier à l'Ifremer. Toute action de l'un se répercute sur l'autre, comme c'est le cas dans l'estuaire de la Seine où je dirigeais un laboratoire. La première étape, avec l'aide de la recherche scientifique, consiste à établir un état des lieux commun et à envisager plusieurs scénarios sur les plans social, économique, biologique. Ensuite, on s'entend sur ce que l'on veut sauvegarder à une échéance de vingt ans. Cela suppose que les gens se parlent et adoptent un langage commun. » Pour utopique que cela puisse paraître, l'affaire a selon lui plutôt bien réussi lors de la réalisation de Port 2000, auHavre. Un conseil de l'estuaire a été mis en place qui réunit les trois préfets de région, les trois départements, les conseils régionaux, les directeurs de l'Équipement... Des mesures ont été prises pour la restauration des zones humides, l'entretien des digues et la cession de terrains au Conservatoire du littoral.
avec L'aide du sig
Pendant ce temps, l'initiative des producteurs morbihannais s'étendait à l'ensemble des acteurs de la ria d'Étel par l'intermédiaire de la communauté de communes, puis du syndicat mixte représentant l'ensemble des collectivités du bassin. Engagée expérimentalement pour dix-huit mois, la GIZC a entraîné notamment l'élaboration d'un diagnostic des usages du plan d'eau à l'aide d'un système d'information géographique (SIG).
Mené par un vieux briscard de la GIZC, Christophe Lefebvre, président de 1996 à 2000 du Comité international de gestion des écosystèmes de l'UICN et aujourd'hui délégué régional Nord - Pas-de-Calais du Conservatoire du littoral, le projet des trois baies (Somme, Canche, Authie) démarre: « Toutes partagent un même problème hydrosédimentaire. Tandis que le Sud s'ensable (700 000m3 en baie de Somme), par répercussion, la pointe nord de l'Authie s'érode.Nous voulons dépoldériser, rétablir un fonctionnement marin plus naturel. » Les collectivités ont à reconnaître leur intérêt commun et à mutualiser leurs moyens. « L'opinion jugera », insiste Philippe Vallette, directeur général du centre national Nausicaa de la mer, de retour de Hanoï où le rôle de la formation du public a été porté en exergue.