Le grand enjeu de l'eau, pour demain, est d'arriver à réduire les contaminations chimiques provenant de l'agriculture. Un grand nombre de molécules sont impliquées, qui peuvent avoir des actions synergiques et produire des effets différents de ceux d'une molécule unique. Pour restaurer la qualité des eaux et préserver la santé, on ne pourra pas faire l'économie du passage à une agriculture durable, moins utilisatrice de ce type de produits. Dans un rapport récent, la FAO estime que l'on peut imaginer une agriculture biologique généralisée, en 2050, pour 9 milliards d'humains, à condition de mettre en oeuvre de bonnes pratiques. Nous n'avons sûrement pas encore trouvé tous les optimums de production avec le minimum d'intrants, mais un certain nombre de pratiques agricoles moins impactantes sont déjà connues, comme le semi-direct sans labourage, les sélections de graines adaptées, la rotation des cultures qui diminue les quantités de ravageurs... On s'est aussi aperçu, à Madagascar, que les rendements de riz augmentent quand on utilise moins d'eau. Cette découverte bouleverse les manières traditionnelles de cultiver et prouve qu'il y a toujours des alternatives. Il faudra que la profession agricole s'approprie les idées, les valeurs, les concepts du développement durable, même si, dans ce secteur, les réticences sont fortes. Il faut souligner que la France est le pays au monde qui consomme le plus de produits chimiques par habitant et que, pour autant, nous ne sommes pas meilleur producteur à l'hectare que les autres. D'autres pays, comme le Danemark ou les pays scandinaves, ont su diminuer par deux leur quantité de pesticides sans diminuer leur production. Il est donc possible de faire autrement...
La demande jouera un rôle dans cette nécessaire évolution du monde agricole. Aujourd'hui, les consommateurs s'orientent de plus en plus vers des produits agricoles durables et la France, premier producteur agricole d'Europe, doit importer des produits bio. Ce paradoxe français ne saurait perdurer : la production suivra. D'autre part, la crise de l'énergie sera probablement aussi un facteur d'évolution. Je pense que, dans ce contexte, les mutations agricoles sont inévitables et que, d'ici à vingt ans, la qualité de l'eau en sera considérablement améliorée.