«D ans les années 1960, les rivières étaient de véritables égouts à ciel ouvert, dans lesquels se déversaient les effluents industriels et municipaux. À cette époque, certains pensaient qu'il n'était pas possible de changer. Pourtant, la mise en place d'un système réglementaire et d'incitation économique a considérablement réduit ces pollutions. Si bien qu'aujourd'hui, les rivières n'ont jamais été d'aussi bonne qualité, même si de nouvelles pollutions diffuses (nitrates, phosphates, pesticides...), liées principalement à l'agriculture, sont apparues.
L'agriculture se trouve ainsi dans la même situation que l'industrie, un demi-siècle plus tôt. Un changement systémique est nécessaire, car les modèles actuels de développement agricole ne prennent pas en compte l'environnement. Certes, les nouveaux modèles qui permettraient à la profession agricole d'évoluer font encore trop souvent défaut. Et, à en croire certains, ce ne serait jamais le bon moment de faire le grand saut, du fait des difficultés rencontrées par les agriculteurs quand les prix sont trop bas, ou de la crise alimentaire engendrée par des prix élevés.
Il faut pourtant enclencher ce changement pour que, dans vingt ans, l'agriculture soit devenue une activité économique comme une autre, même si elle continue légitimement à être aidée, comme pratiquement partout dans le monde. Nous pouvons, par ailleurs, nous appuyer sur une vraie prise de conscience des problèmes environnementaux par le grand public et sur l'arrivée de nouvelles générations d'agriculteurs beaucoup plus intégrés dans la société.
Ce changement passe par une évolution des techniques, des types de cultures et par une relance de la recherche agronomique. Par exemple, les semences utilisées ont longtemps été choisies pour être productives, au détriment de leur résistance. Désormais, il n'y aura plus que le seul critère de la productivité pris en compte. Un travail est également à faire sur les itinéraires culturaux (rotation, choix des espèces...), avec une meilleure adaptation de la culture à son territoire.
Certes, le débat actuel sur la crise alimentaire nous rappelle que la France, tout comme l'Europe, doit disposer d'une indépendance alimentaire. La question de la productivité a donc encore du sens. Mais alors que le rendement à l'hectare est de 75 quintaux en France, contre une moyenne mondiale de 30, ne vaut-il pas mieux porter les efforts dans les pays où ce rendement n'est que de 10 quintaux ?
Enfin, un effort de formation et de diffusion des connaissances existantes est nécessaire, via les réseaux de techniciens agricoles des chambres d'agriculture, par exemple. Il faut aussi créer un réseau de deux à trois mille installations pilotes en France. Ce sera le cas pour le plan pesticides découlant du Grenelle de l'environnement, qui s'est fixé pour objectif le retrait du marché de 50 % des cinquante pesticides les plus dangereux, et la diminution de moitié les volumes de ceux qui sont utilisés. L'optimisme est donc de rigueur, pour autant que le monde politique et le monde agricole prennent leurs responsabilités. »