La gestion des services d'eau et d'assainissement en France repose sur deux principes qui lui confèrent sa qualité et sa performance universellement reconnues : d'une part, la responsabilité qui incombe aux communes d'assurer les compétences en la matière, avec la possibilité de se regrouper à plusieurs pour les exercer, dans des structures intercommunales ; d'autre part, l'obligation pour ces collectivités d'assurer le financement des services dont elles ont la charge par les seules ressources en provenance des usagers de ces services, que résume le vocable souvent utilisé « L'eau paie l'eau ».
C'est la raison pour laquelle le prix du service d'eau ou d'assainissement est variable selon les situations locales, conduisant à des valeurs plus faibles là où la ressource est abondante et de bonne qualité et à des valeurs plus élevées dans des zones où son accès est plus difficile compte tenu de sa qualité ou de sa rareté. Un tel système a des conséquences vertueuses dans la mesure où il conduit le consommateur
à maîtriser d'autant plus sa consommation que la ressource est limitée et le prix élevé.
Depuis une vingtaine d'années, on constate une baisse continue des consommations qui a fait suite à une période de forts besoins en eau, ayant entraîné des investissements importants en matière de moyens de production, de stockage et de distribution d'eau. Une telle inflexion s'explique par le fait qu'après une période d'équipement des ménages en appareillages sanitaire et électroménager, consommateurs d'eau, ces ménages ont investi dans un renouvellement de ces appareils par des équipements moins consommateurs d'eau. Sur ces causes connues et identifiées, se greffent des facteurs portant sur les comportements du citoyen, devenu plus « écoresponsable » et sur le déploiement généralisé des politiques de développement durable dans les entreprises et les services.
Des études menées par différents organismes, dont le Credoc, confirment ce constat d'une baisse durable des consommations au-delà des variations observées du fait des aléas climatiques.
Dans le même temps, on ne peut que constater le poids grandissant des contraintes environnementales sur les services d'eau et d'assainissement, du fait des directives européennes.
En outre, le gestionnaire de service d'eau et d'assainissement est conduit à élargir son champ de responsabilité, passant du « petit cycle de l'eau » au « grand cycle de l'eau », quand on lui demande, par exemple, d'intervenir dans la protection des aires d'alimentation des captages d'eau contre les pollutions diffuses ou dans la réduction des rejets de substances dangereuses dans le milieu naturel.
Sur le plan économique, si l'on intègre dans la durée ces facteurs d'évolution (baisse du volume des services et accroissement des charges), l'équilibre entre le coût du service d'eau, constitué de plus de 90 % de charges fixes, et les recettes perçues, dont une majeure partie est assise sur les volumes consommés, ne peut plus être assuré.
Si l'on veut éviter une remise en cause du modèle de gestion des services d'eau et d'assainissement en France et de son efficience, à l'heure où des défis importants sont à relever par la France en matière d'environnement et de développement durable, il est indispensable que tous les partenaires concernés (État, collectivités, opérateurs publics ou privés, agences de l'eau) puissent agir ensemble pour reconsidérer ce modèle en l'adaptant à ces paramètres.
Pour cela, plusieurs pistes de réflexion sont envisageables. D'une part, trouver d'autres sources de financement que le mètre cube d'eau, en provenance d'autres bénéficiaires des améliorations attendues de la qualité des milieux aquifères (nappes phréatiques, rivières, littoral marin). D'autre part, rémunérer le service sur la base de paramètres objectifs liés aux caractéristiques physiques et organisationnelles de celui-ci, ainsi qu'aux performances atteintes par l'opérateur, y compris dans le domaine de la préservation de la ressource en eau (dans le cas de services où celle-ci est rare).C'est l'enjeu de cette décennie : redéfinir ensemble un mode durable de financement des services d'eau et d'assainissement.