Que vous inspire l'histoire des relations entre la France et l'Europe ?
La réglementation pour l'eau ne se décide plus en France, mais découle de transpositions de directives européennes. Cette réalité a été difficilement intégrée par la France, qui a parfois eu du mal à anticiper les textes. La directive ERU a ainsi nécessité trois circulaires et un additif pour espérer arriver enfin à la conformité des stations d'épuration. Il est aussi arrivé que la France pêche par laxisme sur des objectifs atteignables. L'application de la directive eau potable, qui pose toujours problème dans plusieurs départements (Vendée, Deux-Sèvres, Charente et Finistère) en est un exemple.
Certains autres textes, comme celui sur le seuil de plomb dans l'eau, ont demandé des efforts financiers considérables et injustifiés au regard du faible risque sanitaire avéré.
Quelles leçons en tirer ?
Tout d'abord que la France n'a pas été assez présente à Bruxelles, à l'inverse des pays d'Europe du Nord. Et ce par manque de présence régulière des représentants de l'État, limités par leurs budgets de déplacement et leurs éventuelles difficultés avec la langue anglaise. Les élus français au Parlement européen doivent eux aussi être plus sensibilisés et impliqués sur ces questions et devenir des relais d'opinion de nos élus nationaux.
Quelles évolutions réglementaires sont à attendre dans les vingt ans à venir ?
En premier lieu, il y a l'application de la DCE, avec son objectif de bon état des masses d'eau à l'horizon 2015, et des renégociations prévues en 2021 et 2027. Ce bon état est acquis pour 50 % des masses d'eau, incertain dans 25 % des cas et hors de portée pour les 25 % restants.
Deux directives filles doivent aussi être appliquées. La première, qui date de 2006 et concerne les eaux souterraines, doit être transposée avant la fin de l'année. Elle ne sera pas très contraignante en France. La seconde, sur les normes de qualité environnementale, fixe des valeurs de seuils pour trente-trois substances prioritaires, auxquelles d'autres, nouvelles, s'ajouteront. Elle devrait être publiée en 2009, transposée en France en 2011, appliquée en 2013 et s'ajoutera à la directive ERU. La France a déjà connu des problèmes sur ce sujet, avec l'application de la précédente directive de 1976. Pour s'y conformer, il faudra multiplier les contrôles des rejets, les traitements à la source, et faire évoluer nos stations d'épuration qui n'ont pas été conçues pour traiter ces substances. Il y a aussi un inventaire à faire, en priorité sur les substances les plus dangereuses et abondantes. Dans ce domaine, la France est en avance grâce au travail (RSDE) mené par le MEEDDAT avec le support de l'Ineris. Il faudra aussi définir la notion de zone de mélange, qui intègre l'aspect mélange-dilution lors d'un rejet dans le milieu naturel.
Enfin, d'autres substances,
comme le Glyphosate, seront rajoutées suite aux négociations européennes en cours.
À cela s'ajoutent la révision de la directive IPPC, la réglementation Reach, le registre EPRTR (émissions de polluants), la réforme envisagée de la politique agricole commune (PAC). Cet énorme chantier qui nous attend nous demande de travailler à la cohérence de tous ces textes. Cela sera d'autant plus difficile que la politique européenne a des exigences d'objectifs difficilement compatibles avec ceux des milieux naturels, qui demandent, eux, du temps pour se reconstituer.Que peut-on espérer de la réforme de la PAC ?
L'enjeu pour nous, est que la nouvelle PAC - qui doit sortir en 2009 ou 2010 - prenne en compte la DCE. Il faut pour cela revenir à une agriculture respectueuse de l'environnement, réhabiliter certaines pratiques et reconsidérer certaines tendances : la suppression des jachères peut-elle mettre à mal les bandes enherbées ? le labour perpendiculaire à la ligne de pente peut-il limiter le lessivage des sols ? etc. Il faut diminuer les quantités de pesticides utilisés selon des bonnes pratiques et développer l'agriculture biologique sur les périmètres de protection des captages.
Il faudra aussi repenser le choix des cultures selon les ressources en eau disponibles, gérer au mieux les différentes demandes en eau, s'intéresser en priorité aux plus gros prélèvements et revoir, lorsque cela est nécessaire, des autorisations de prélèvements.