Depuis vingt ans déjà, année après année, la consommation d'eau baisse en Île-de-France, d'environ 1 % par an. Entre 1987 et 2007, elle a ainsi diminué de 37,5 % pour Paris et de 16 % pour le Sedif - qui dessert 144 communes et 4 millions d'habitants de la périphérie. Dans ce contexte, la question de la réduction des capacités de production en Île-de-France se pose. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait, dès 2003, la Cour des comptes puis la chambre régionale et enfin, en novembre 2005, le Conseil de la concurrence.
Chez les différents services d'eau concernés que sont Eau de Paris, le Sedif, le Syndicat de la presqu'île de Gennevilliers (SEPG), le Syndicat mixte pour la gestion du service des eaux de Versailles et Saint-Cloud (SEVESC), l'idée suit son cours. En mars 2008, André Santini, président du Sedif, conviait dans une tribune tous les services d'eau du « Grand Paris » à s'associer pour « optimiser la gestion des ressources en eau et mutualiser leurs coûts de production, au bénéfice des consommateurs » et d'abord à se réunir d'ici à la fin de l'année 2008. Alors, véritable projet ou manoeuvre politicienne ? On peut se le demander, tant les couleurs politiques de la Ville de Paris et de ces syndicats sont différentes. Paris est en train de se remettre en régie, tandis que les syndicats sont liés à différents concessionnaires privés et n'ont pas suivi la logique de la capitale. D'aucuns soupçonnent André Santini de vouloir imposer la domination du Sedif tout en détournant l'attention de la renégociation de son contrat avec Veolia Eau. Autre facteur de différenciation, la taille de ces quatre acteurs, qui peut varier de un à dix !
QUATRE USINES ET DES CAPTAGES
Outre un classique conflit de pouvoir, les difficultés techniques sont bien concrètes. Pour servir 7 millions de Franciliens, les quatre distributeurs disposent de quatre usines sur la Seine, deux sur la Marne et de captages d'eaux souterraines. Afin de pallier à toute défaillance ponctuelle d'approvisionnement, ils ont également mis en place un maillage dense d'interconnections à l'intérieur de chacun de leurs réseaux et entre ceux-ci.
De fait, aucun producteur n'anticipait, il y a vingt ans, la baisse de la consommation. Aujourd'hui, tous se trouvent confrontés à un effet de ciseau : leurs ventes diminuent tandis que leurs coûts de production croissent avec le renforcement des normes sanitaires et la qualité décroissante de la ressource en eau.
Du point de vue des consommateurs, l'affaire est néanmoins entendue : « Il n'est pas acceptable, martèle François Carlier de l'UFC Que Choisir, que les consommateurs soient pénalisés du fait de la baisse de la consommation et que le prix du mètre cube augmente pour absorber les frais fixes. » Côté distributeurs, ce n'est pas si simple. En dehors de toute arrière-pensée, ils se posent la question de la praticabilité : que faire, à quel coût et pour quel bénéfice final ? À ce propos, Jean-Luc
Lefebvre, président du SEPG, remarque que le coût de l'eau ne représente qu'un tiers du prix du mètre cube, composé pour les deux tiers de taxes.
Et n'y a-t-il pas problème plus urgent à régler, par exemple le choix du délégataire pour le Sedif, ou le passage en régie à Paris ? Anne Le Strat, présidente d'Eau de Paris, se dit d'abord préoccupée par la dégradation de la ressource qui pourrait faire s'envoler les coûts de production : « Face à la baisse de la consommation, Paris envisage de fermer son usine d'Ivry. Chaque distributeur devrait d'abord rationaliser son propre outil de production. Ce serait même un bon préalable. » À bon entendeur...