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L'ouverture du marché attise les convoitises

LA RÉDACTION, LE 1er JUIN 2010
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Attendu fortement par tous les grands énergéticiens européens, le périmètre précis de renouvellement des concessions hydrauliques a été défini fin avril par le ministre de l'Écologie Jean-Louis Borloo. Près de 400 barrages, exploités à 80 % par EDF et 15 % par GDF Suez à travers la Shem et la CNR, sont concernés par cette procédure. La France a choisi de séparer ces ouvrages en trois tranches appelées à être renouvelées entre 2010 et 2025. Dans les cinq prochaines années, l'État ouvrira donc à la concurrence une première tranche composée d'une cinquantaine de barrages d'une capacité de 5,3 GW. Cette mise en concurrence répond, en premier lieu, à l'ouverture du marché de l'énergie imposée par l'Union européenne, mais également au désir de l'État d'augmenter sa production hydroélectrique afin d'atteindre l'objectif de 23 % d'énergie produite à partir de sources renouvelables en 2020. Pour la première fois depuis les années 1920, cette procédure sera lancée en bonne et due forme. En effet, certaines modalités prévues par les lois de 1919 et de 1993 ont permis aux concessionnaires de renouveler le contrat des installations de gré à gré, sans mise en concurrence. Contraire aux règles européennes, cette possibilité est définitivement terminée suite à plusieurs décisions successives comme la perte du monopole d'EDF ou la transformation d'EDF en société anonyme. Le droit de préférence, dernier obstacle à une réelle mise en concurrence, a enfin été supprimé par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (Lema) de 2006. « La fin du droit de préférence offre désormais à tous les hydrauliciens sérieux une véritable chance d'être retenus », se réjouit Emmanuel Soetaert, président de Statkraft France. Face à cette opportunité, les opérateurs européens comme l'allemand E.ON, l'italien Enel, le norvégien Statkraft ou le suisse Alpiq se mobilisent et ont d'ores et déjà manifesté leur intention d'acquérir une partie de l'exploitation de cette énergie si avantageuse. Sans émission de gaz à effet de serre ou de polluants, l'énergie hydraulique est la première source d'énergie renouvelable en France. Elle offre la possibilité aux électriciens d'afficher un bon bilan carbone. Associée à un réservoir, comme c'est le cas pour la plupart des ouvrages concernés par ce premier renouvellement, l'hydroélectricité permet un stockage de l'énergie et une modulation de la production électrique. Elle joue ainsi un rôle crucial dans la sécurité et l'équilibre du système électrique, en répondant en quelques minutes aux besoins de pointe de plus en plus élevés. « L'énergie de pointe étant difficile à développer, l'hydraulique est très importante pour un fournisseur d'électricité car elle participe aussi activement à la réalisation d'un mix de production complet », ajoute Jean-Philippe Rochon, responsable de Alpiq Marché Ouest. Par ailleurs, le coût de production, estimé à 20 euros par mégawatt, est inférieur à celui du nucléaire et permettrait aux concessionnaires de dégager des marges non négligeables après retour sur investissement. Ces atouts vont pousser les futurs candidats à proposer des dossiers solides et longuement étudiés en vue d'obtenir l'une des dix concessions à renouveler. GESTION COORDONNÉE Souhaité par le gouvernement, le regroupement des cinquante et un ouvrages en dix lots différents a pour but de créer des ensembles cohérents sur le plan énergétique et environnemental. L'État confiera donc à un gestionnaire unique les barrages d'une même vallée nécessitant une gestion coordonnée et pour lesquels les installations situées en aval sont dépendantes de celles placées en amont. « Une chaîne hydraulique correspond à un objet énergétique, environnemental et local spécifique qui requiert une gestion unique avec des objectifs globaux », explique Charles-Antoine Louët, chef du bureau production électrique au sein du Meeddm. Sur une même vallée, la présence de plusieurs concessionnaires qui possèdent des visions d'exploitation de l'énergie et de protection de l'environnement différentes, pourrait aboutir à des variations du niveau de l'eau abruptes et non coordonnées, inconciliables avec l'optimisation des performances globales. Pour les acteurs du marché, l'instauration du regroupement par vallée apparaît comme une décision cohérente avec les objectifs fixés. « Réunir les ouvrages d'une même vallée au sein d'une seule concession a beaucoup de sens et revêt un caractère pertinent lorsque les problématiques sont communes. Mais, dans certains cas, cela n'est pas indispensable, notamment pour la Dordogne, où il était possible de créer deux ou trois lots indépendants », précise Jean-François Astolfi, directeur de la division production et ingénierie hydraulique chez EDF. JUSTE DÉDOMMAGEMENT La création de ces dix lots distincts a ainsi obligé l'État à anticiper le terme d'une quinzaine de concessions, représentant une puissance de 2 300 MW sur les 5 300 appelés à être renouvelés. Cette anticipation est en partie responsable du retard pris par l'ouverture de ce marché en raison du temps passé pour la réalisation du dossier de fin de concession. Lésé, le concessionnaire sortant percevra un juste dédommagement, « égal à l'actualisation de l'excédent brut d'exploitation moyen sur les cinq meilleures des sept dernières années ou sur la dernière année si celle-ci est plus avantageuse », indique le ministère. Cette indemnisation sera versée par le futur gestionnaire, et en raison de son montant qui pourrait atteindre un milliard d'euros pour certaines concessions, deviendra également un élément déterminant dans la stratégie des candidats. Avec l'indemnisation, trois critères permettront à l'État de sélectionner pour chaque renouvellement un candidat qui aura fait la meilleure offre. Sur le plan de l'efficacité énergétique, la mise en concurrence devrait inciter les acteurs du marché à proposer des investissements importants de modernisation des installations existantes et de nouveaux équipements pour accroître la production. TRANSFERT D'ÉNERGIE « L'amélioration du potentiel de production d'un ouvrage passe par l'augmentation et l'optimisation des débits turbinés, mais également par une meilleure exploitation des installations en améliorant le rendement des machines et en réduisant les pertes de charge », explique Luc Poyer, président du directoire d'E.ON France et président-directeur général de Snet. En 2008, le remplacement des turbines après « redessinage » des aubes a permis à Alpiq d'obtenir 6 % de gain de production supplémentaire sur le site de Flumenthal (26 MW) en Suisse. Mais ces solutions ne sont pas universelles et dépendent avant tout de l'état des lieux qui sera dévoilé dans les dossiers de fin de concession. « Même si de nombreuses solutions d'amélioration existent, il ne faut pas faire du copier-coller car chaque ouvrage a sa spécificité. Il faudra réaliser un état des lieux pour connaître les composantes techniques afin d'avoir une idée plus précise sur les possibilités d'optimisation et sur l'investissement demandé », appuie Emmanuel Soetaert. Encouragé par l'article 29 du Grenelle 1, le développement des stations de transfert d'énergie par pompage peut aider l'augmentation de la capacité hydroélectrique française et donc être une réponse efficace aux besoins de pointe de plus en plus élevés. L'amélioration de l'efficacité énergétique est un aspect important, mais les modifications pour y arriver doivent surtout respecter les autres usages et le milieu naturel. « Ainsi, il est important d'avoir une approche intégrée pour prendre en charge en même temps l'efficacité énergétique et l'environnement », insiste Emmanuel Soetaert. La prise en compte des contraintes environnementales est également un critère décisif pour l'obtention d'une concession. Les candidats devront ainsi proposer des solutions pour une meilleure protection des écosystèmes, tout en respectant les usages de l'eau autres qu'énergétiques. Cette problématique est assez bien appréhendée par les différents opérateurs européens et internationaux qui ont bien souvent fait certifier Iso 14001 leurs activités. La Shem, par exemple, est allée encore plus loin en certifiant Iso 14001 ses ouvrages, mais également la société elle-même. SOLUTIONS TECHNIQUES En Allemagne, en Suisse ou en Norvège, la question de la protection de l'environnement a été depuis assez longtemps intégrée dans la politique d'exploitation des ouvrages hydroélectriques. « Le groupe E.ON est ainsi engagé dans de nombreux partenariats avec des associations environnementales dont l'IUCN (International Union for the Conservation of Nature). De plus, une large part des 212 centrales hydrauliques gérées par le groupe respecte déjà les quotas de la directive-cadre sur l'eau qui seront seulement imposés en 2015 », détaille Luc Poyer. Certains acteurs comme Alpiq ou Statkraft s'impliquent même dans des programmes de protection de la faune et de la flore. En Norvège et en Suède, Statkraft possède une activité de producteur de saumons grâce à la mise en place de plusieurs écloseries. Cela a permis de réimplanter près de 2,8 millions de poissons dans des lieux précis en 2009. Pour limiter au maximum l'impact de l'activité hydroélectrique, des solutions techniques existent comme la mise en place de passes à poissons ou l'intégration au process d'huile biodégradable. De son côté, la Shem a testé en novembre 2009 un procédé technique innovant permettant de nettoyer la retenue du barrage de Castet sans la vider. L'impact sur le milieu aquatique ainsi que l'impact visuel ont ainsi considérablement diminué. Par ailleurs, les hydrauliciens devront tenir compte des demandes des responsables locaux dans leurs projets et participer à l'économie locale en développant ou en aidant certaines activités comme la pêche, le nautisme ou le tourisme. Bien intégrés dans le paysage, les barrages peuvent ainsi aider à la mise en valeur du patrimoine d'un département. Plusieurs candidats ont donc entamé des discussions avec les décideurs locaux pour connaître leurs désirs afin de voir s'ils seraient réalisables. « Pour élaborer un projet intéressant d'un point énergétique et environnemental, la consultation des élus locaux est nécessaire et primordiale. En Suisse, il n'y a pas de projet sans concertation avec l'ensemble des acteurs locaux, sous risque de voir un référendum populaire se mettre en place », explique Jean-Philippe Rochon. Acteurs de la vie économique locale, EDF et la Shem connaissent déjà certaines attentes des usagers de l'eau. « Cette situation qui pourrait nous favoriser est à double tranchant car il est toujours plus facile de faire des critiques au sortant », explique Jean-François Astolfi. PAIEMENT D'UNE REDEVANCE Ces deux premières conditions, environnementale et énergétique, sont complétées par un critère économique avec l'instauration d'une redevance payée par le concessionnaire. Le plafond de cette redevance, proportionnel au chiffre d'affaires de l'ouvrage, sera défini vallée par vallée et réparti à 50/50 entre l'État et les collectivités locales. Pour les communes, cette somme remplacera l'énergie réservée, désormais supprimée. Face à cet enjeu financier, la très grande majorité des hydrauliciens montraient quelques craintes sur le plafonnement. « Le plafonnement de la redevance évite de donner trop de poids au critère financier et permet de valoriser les deux autres critères davantage qualitatifs. Mais, ces derniers, plus subjectifs, seront plus difficiles à évaluer », pointe Michel Crémieux, country manager de France et Belgique d'Enel. Selon Charles-Antoine Louët, les trois critères ne seront pas pondérés mais traités au même niveau, le but étant d'obtenir la meilleure offre au titre du développement durable, grâce notamment à la phase de dialogue compétitive. Les candidats attendent désormais de connaître la hauteur de ce plafonnement et espèrent qu'il sera raisonnable. « Un plafonnement autour de 25 % semble cohérent avec les attentes de l'État. De toute façon, il serait impossible de donner 40 à 50 % de son chiffre d'affaires si, parallèlement, les concessionnaires devaient investir dans les installations pour atteindre les objectifs fixés », appuie Claude Girard, directeur général de la Shem.Lors de l'attribution d'une concession, l'État portera aussi son attention sur les exigences de sécurité des personnes et des installations ainsi que sur la disponibilité de la ressource hydraulique. Entre 2010 et 2013, les premières concessions à être renouvelées sont actuellement exploitées par la Shem. Installée à Toulouse depuis 1919, la Shem est un acteur reconnu de l'économie locale et territoriale dans le Sud-Ouest. La possible perte des concessions des vallées d'Ossau, de la Têt ou du Louron aurait des conséquences importantes sur le devenir de la société ainsi que sur ses activités dans la région. Mais, avec un niveau de disponibilité élevé (91 % en 2009) répondant aux exigences de l'État, la filiale de GDF Suez se veut confiante et attend avec impatience le début de la procédure de renouvellement. « Favorable à la concurrence, la Shem souhaite que le calendrier présenté par le ministre soit maintenu et respecté. Ce processus de renouvellement qui permet de créer une émulation sera une étape importante dans l'élaboration de nouveaux projets innovants », précise Claude Girard. Même si la Shem convoite quelques concessions dans le Massif central, elle espère surtout conserver les 80 % de son parc concernés par la procédure d'ici à 2015. Sa maison mère, GDF Suez, souhaite quant à elle rattraper son retard en matière d'hydroélectricité sur son concurrent EDF et ambitionne un gain de capacité compris entre 1 500 et 2 000 MW. DES SYSTÈMES COMPLEXES « Dans cette ouverture du marché, EDF a bien plus à perdre qu'à gagner ». Cette analyse de Jean-François Astolfi est partagée par tous. Le groupe français a conscience qu'avec la fin du droit de préférence, il risquerait de perdre plusieurs barrages. Mais, préparée à cette grande concurrence, EDF n'a pas l'intention d'abandonner des installations sous sa gouverne depuis plusieurs décennies. Son désir est de conserver certains lots intéressants qui requièrent un concessionnaire apte à gérer au mieux des systèmes hydrauliques complexes comme la Dordogne ou la Truyère. La visite récente du président d'EDF Henri Proglio sur le site hydroélectrique de Montezic confirme la volonté de l'entreprise de garder des ouvrages de grande capacité. Ces derniers aiguisent également l'appétit de plusieurs grands groupes comme Enel, E.ON ou Verbund. Comparable par ses capacités financières et techniques à GDF Suez ou EDF, E.ON est un candidat crédible et légitime. Troisième producteur d'énergie en France après l'intégration de Snet, l'allemand considère cette ouverture comme une formidable occasion de diversifier son mix énergétique et de contribuer plus encore à l'équilibre du système grâce à son expertise des outils de pointe. L'obtention de l'exploitation de quelques concessions françaises participera également à atteindre l'objectif plus général du groupe de produire 36 % d'électricité à partir de sources renouvelables d'ici à 2030. Premier producteur européen d'énergies renouvelables, Statkraft s'intéresse depuis quelques années au marché français du fait de ces conditions spécifiques (énergie de pointe et grand potentiel). À l'instar des deux candidats précédents, le norvégien cible en premier lieu les lots de concessions de taille importante qui nécessitent de gérer un véritable système hydraulique. De son côté, Alpiq s'est déclaré candidat, par voie de communiqué, très rapidement après l'annonce du calendrier et des termes du renouvellement. Exploitant une trentaine d'ouvrages en Suisse, en France et en Italie, la société estime possible de décrocher quelques marchés mais ne se portera pas candidat pour tous les lots. Chaque dossier demandant beaucoup d'heures de travail et un gros investissement financier. « L'objectif d'Alpiq est d'obtenir une production nécessaire de quelques centaines de mégawatts pour répondre au développement de notre portefeuille client, tout en leur proposant un approvisionnement compétitif », confirme Jean-Philippe Rochon. Souhaitant jouer un rôle industriel en France, Enel, géant de l'hydraulique européen avec 31 GW de capacités et fort de son expérience dans ses centaines d'ouvrages en Espagne et en Italie, veut quant à lui répondre au plus grand nombre d'appels pour espérer conquérir quelques concessions de la première tranche. Plus discrets, le français Maïa Power et l'espagnol Iberdrola sont également sur les rangs.


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