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Raccordement : les coll ectivités serrent la vis

LA RÉDACTION, LE 1er AOÛT 2010
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La situation est encore mal maîtrisée. La plupart des grosses entreprises disposent de leur propre station d'épuration, mais l'immense majorité des PME est raccordée aux réseaux d'assainissement urbains. Or certaines PME ne possèdent pas la précieuse autorisation, voire n'effectuent pas les prétraitements nécessaires avant rejet. Depuis trois ans, les efforts des collectivités pour régulariser la situation sont donc notables, pour protéger à la fois les réseaux (contre les rejets acides, fermentescibles, gras, chargés en sables...), les stations d'épuration (contre les à-coups hydrauliques, les rejets gras ou toxiques...) et le milieu naturel. Elles sont souvent poussées dans ce sens par les agences de l'eau, qui conditionnent certains financements à la poursuite de telles actions. DES CAMPAGNES D'INFORMATION De leur côté, les installations classées subissent la pression de la police de l'eau. Les entreprises sont aussi l'objet de campagnes d'information par les chambres de commerce et d'industrie (CCI), les chambres des métiers, les syndicats professionnels et certaines associations comme la Fédération nationale des associations de riverains et utilisateurs industriels de l'eau ( Fenarive). L'ÉLU EST AU COEUR DE L'ACTION Pourtant, « la meilleure solution pour être efficace, c'est de rencontrer les élus. L'entreprise agira d'autant plus facilement qu'il y aura une implication de la collectivité et des élus », témoigne Agnès Frayssinet-Dupuis, chargée de mission Environnement à la CCI de Toulouse. Elle en a fait le constat dans le cadre d'une convention signée en 2007 avec l'agence de l'eau Adour-Garonne. Ses efforts de sensibilisation des PME lui ont semblé bien peu fructueux, jusqu'à ce que l'animateur de l'agence de l'eau la mette en contact en 2009 avec Marcel Arnauduc, maire de Gouaux-de-Larboust, en Haute-Garonne. Ce dernier travaillant à doter sa commune de soixante-cinq habitants (qui atteint plusieurs milliers de personnes pendant la saison de ski) d'une station d'épuration, il a semblé logique d'aborder en amont la problématique des effluents non domestiques. La CCI a effectué un diagnostic des rejets des neufs restaurants de la commune, puis réalisé une demande de financement auprès de l'agence de l'eau. Dans le cadre de la convention qui la lie à la CCI, l'agence prendra en charge 40 % du prix des bacs à graisse. « Le maire a été au coeur de l'action. C'est lui qui a pris l'initiative d'équiper sa commune d'une station d'épuration à haute performance environnementale pour protéger le milieu naturel. Il a ensuite organisé la réunion avec les restaurateurs. Depuis, nous contactons directement les agglomérations pour leur proposer notre intervention », témoigne Agnès Frayssinet-Dupuis. Dans les petites communes, l'appui offert aux maires par des organismes extérieurs est essentiel. Trop nombreuses sont les collectivités qui n'ont pas les moyens humains ou financiers de faire la police des réseaux, ni le poids politique face aux entreprises pour imposer le respect de la législation ou des normes de rejet. Dans un contexte économique parfois tendu, « il existe souvent une volonté forte de certaines collectivités de faire travailler les entreprises locales, même si la station urbaine ne suit pas », analyse Christophe Grosset, responsable environnement à l'agence Île-de-France de Dekra Industrial. Pourtant, « de nombreux élus ont bien compris l'intérêt de la démarche de régularisation, car les rejets non conformes se font au détriment de l'usager domestique et au profit de l'usager non domestique », d'après Franck Perru, responsable rejets industriels à la direction réseaux du Syndicat départemental d'eau et d'assainissement du Bas-Rhin ( SDEA). Ce syndicat, qui gère soixante-dix-huit stations d'épuration au profit de 440 communes et de quelque 686 000 habitants, s'intéresse depuis une dizaine d'années aux TPE rejetant un volume équivalent à moins de 500 EH. Il le fait au nom de sa mission de police des réseaux, qui lui a été déléguée par les centaines de communes adhérentes. « Pour faire des contrôles de terrain, il faut que l'exploitant ait une taille critique : il doit posséder un personnel dédié », explique Franck Perru. Mais il ne peut le faire sans l'appui des élus : « ils doivent être d'accord pour lancer la procédure. » PRÉSERVATION LES RÉSEAUX Dans les communes plus importantes, les collectivités prennent souvent elles-mêmes l'initiative et demandent à leur personnel technique ou à leur délégataire de réaliser cette police des réseaux. Ainsi, la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées ( CDAPP) a confié en 2007 à Christophe Garcia la gestion des raccordements non domestiques. « Nous sommes en régie directe pour l'entretien de nos 800 kilomètres de réseaux. Nous subissons des pollutions fréquentes aux hydrocarbures et aux graisses. Les premières dégazent dans l'atmosphère, polluent les déversoirs d'orage et donc le milieu. Les secondes obstruent les tuyaux. Elles génèrent aussi des dysfonctionnements de la station d'épuration : en avril 2010, nous avons subi une poussée de bactéries filamenteuses suite à une pollution aux hydrocarbures. Nous avons voulu mettre un coup d'arrêt à tout cela. Jusque-là, seules les installations classées étaient conventionnées : il n'y avait pas eu d'effort pour signer systématiquement des autorisations de déversement, car cela semblait fastidieux. En 2007, nous avons décidé d'en signer avec les 1 800 entreprises potentiellement polluantes, dont 500 restaurateurs et 300 garagistes, qui sont les secteurs qui nous intéressent en premier lieu », précise Christophe Garcia. À ce jour, 1 000 autorisations ont déjà été signées sur les 1 800 visées. Autre situation : le réseau et la station sont gérés en délégation. Dans ce cas, « le contrat précise le rôle de chacun. En général, c'est le délégataire qui fait le contrôle des réseaux. Il réalise les visites de terrain et instruit techniquement les autorisations de déversement, remplissant une mission de conseil auprès des collectivités », explique Gilles Senellart, directeur adjoint à la direction des marchés industriels de Veolia Eau. FAUT-IL UN GUICHET UNIQUE ? De l'autre côté de l'autorisation figure l'entreprise. Cette dernière est souvent sensibilisée à l'environnement, mais aussi ignorante de l'impact de ses rejets sur les installations d'assainissement ou les milieux. « Nous devons signer des conventions avec des chefs d'entreprises qui ne savent pas ce qu'est un débitmètre, la DBO, la DCO, ni où s'écoulent leurs rejets », explique Christophe Garcia. Il faut donc faire preuve de pédagogie et de patience, et c'est ce qu'a décidé de faire la CDAPP en n'appliquant aucune surtaxe d'assainissement pendant les trois premières années de son action de régularisation. Ce report dans le temps par la CDAPP s'explique : « Pour mettre aux normes leurs rejets, les entreprises doivent souvent s'équiper en prétraitements. Celles qui ont des rejets plus polluants doivent créer des regards sur leurs réseaux et acheter des équipements de mesure pour l'autosurveillance », détaille le représentant de l'agglomération de Pau-Pyrénées. RÉMUNÉRATION DE LA STATION Une telle surtaxe est en général appliquée aux entreprises rejetant des effluents particulièrement polluants : elle rémunère la station d'épuration urbaine pour le travail de dépollution supplémentaire. Elle est inscrite dans une convention, qui s'ajoute dès lors à l'autorisation (lire l'encadré « Mode d'emploi » p. 32). Les entreprises (et les collectivités) confondent encore souvent ces deux documents. Elles sont aussi parfois perdues dans le schéma d'organisation des services d'assainissement. L'accélération de la régularisation, voulue par la loi sur l'eau (Lema), devait s'accompagner d'une simplification administrative. « La Lema a introduit un principe de "guichet unique" puisqu'une seule personne - le maire ou le président de l'établissement public compétent en matière de collecte - délivre l'autorisation », se réjouit Arnaud Comiti, secrétaire général de la Fenarive. Dans les faits, cependant, la mairie délègue souvent sa compétence assainissement à un syndicat. Ce dernier fait parfois appel à un délégataire pour l'instruction technique des déversements - mais pas toujours, comme le montre l'exemple de Pau. Il arrive aussi que l'interlocuteur technique ne possède pas lui-même tous les éléments qui lui permettraient de dire si un effluent industriel peut être accepté. Il faudra alors faire appel à une expertise extérieure. La liste des interlocuteurs s'allonge. Dans le cas où l'entreprise doit signer une convention, la complication augmente. Le directeur industriel de la chaîne de blanchisseries industrielles Elis, Frédéric Deletombe, raconte que « dans la petite couronne de Paris, le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne ( Siaap), le département et la commune doivent chacun signer la convention. La procédure peut prendre une année... » CONCERTATION Les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) sont soumises en sus à la surveillance de services étatiques régionaux dédiés (Dreal ou Drire). Ces derniers ont leur mot à dire sur les rejets des installations, au travers de valeurs limites précisées dans les autorisations d'exploitation. « Il faut que les collectivités et les Drire se concertent pour que les critères pris en compte, les limites de rejets, les modalités de l'autocontrôle soient les mêmes dans l'autorisation de déversement et l'autorisation d'exploiter », explique Jean-Claude Koenig, chargé de mission à la Drire Île-de-France. Une telle concertation n'existe pourtant que rarement. MUTUALISATION La SDEA bénéficie en cela d'une situation pour ainsi dire exceptionnelle : « Nous sommes représentés au Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), où siègent aussi les agents de la Dreal. Nous voyons ensemble passer tous les dossiers d'autorisation ICPE. Nous avons un accord tacite avec la Dreal : les valeurs limites des rejets sont calées sur nos besoins, alors que nous nous ajustons aux exigences de la Dreal pour définir l'autocontrôle », explique Franck Perru. Au-delà de la bureaucratie, les entreprises sont sensibles au côté financier de la régularisation. « Les industriels nous sollicitent pour réaliser des études d'impact et voir s'il est possible d'adapter les normes de rejet », explique Christophe Grosset. La référence des collectivités pour fixer les normes de rejet des industriels est un arrêté du 2 février 1998. D'après Christophe Grosset, il ne contient pourtant que des valeurs-guides : « Si une étude d'impact montre que les valeurs-guides peuvent être dépassées sans incidence sur le réseau, la station et le milieu, il est possible de revoir ces concentrations à la hausse dans les conventions de déversement. Par exemple, nous avons mis en place une convention de rejet qui prévoit une valeur de DCO de 10 000 mg/l, alors que la valeur-guide est de 2 000 mg/l. Cette entreprise produit des effluents très organiques, donc facilement biodégradables par la station d'épuration urbaine. Elle a un flux de pollution journalier compatible avec la capacité de la station. Nous avons aussi mis en place un prétraitement, avec tamisage, dégraissage et bassin-tampon pour écrêter les pointes, réguler le pH et homogénéiser l'effluent. » Cette souplesse est évidemment appréciée par les entreprises, qui n'ont pas toujours les moyens d'installer et d'exploiter un traitement autonome. « Pour les PME, si l'on ne mutualise pas les coûts de l'épuration, la situation devient ingérable », estime Franck Perru. Veolia Eau a imaginé de son côté une solution mutualisant le prétraitement des eaux non domestiques. Portée par le Service aux industriels pour la dépollution des effluents (Sidef), elle se positionne en amont de la station d'épuration urbaine. Elle comporte plusieurs zones de dépotage, chaque effluent étant prétraité séparément pour éviter les mélanges. Une solution de ce type, comportant trois cuves de 30 mètres cubes chacune, fonctionne sur le Sivom Est d'Agen depuis quatre ans. Une telle installation « doit être proche du bassin économique et offrir un coût d'admission inférieur à un centre de traitement spécialisé. Outre l'intérêt économique pour les entreprises, l'un des avantages pour l'exploitant de la station urbaine est de protéger sa filière de valorisation des boues en concentrant les contaminants dans un faible volume de boues, qui sont éliminés en filière spécialisée », explique Gilles Senellart. DES REDEVANCES ÉPINEUSES Outre la question de l'investissement en installations de prétraitement, d'après Frédéric Deletombe « l'achoppement sur la question des redevances assainissement devient rapidement l'objet principal des échanges avec le gestionnaire, dans un climat très tendu ». Le directeur industriel d'Elis ne comprend notamment pas pourquoi le coefficient de collecte n'est pas pris en compte dans le calcul des redevances assainissement des entreprises. En outre, selon lui, la connaissance sur le coût du service rendu est lacunaire, et manque parfois de transparence : « N'allons-nous pas payer la baisse du prix de l'eau pour le particulier ? », s'interroge-t-il. Enfin, il regrette que les changements tarifaires soient « parfois brutaux et non planifiables budgétairement. Qui plus est, sur les cinquante-cinq centres Elis de France, nous devons faire face à une quarantaine de formules de calcul des redevances et à des argumentations très différentes ». LA BASE DES TARIFS DES REDEVANCES Comme le dit Christophe Boucaumont, animateur de la filière industrie dans la région Sud-Ouest pour Saur, bien souvent « les discussions n'en finissent pas sur les analyses des données de mesure », qui vont fournir la base des tarifs des redevances assainissement. Pour limiter les conflits, la SDEA encourage les entreprises à fixer elles-mêmes leurs limites de rejet à partir des données de l'autocontrôle. La question des redevances risque de se compliquer encore dans les mois et les années qui viennent. Conformément à la Lema, les collectivités ne reçoivent plus de l'agence de l'eau de primes pour l'épuration des effluents non domestiques. Elles risquent donc de vouloir augmenter les redevances assainissement payées par les entreprises. « Le statu quo financier n'est pas aisé à atteindre, d'autant qu'il va dépendre des redevances pour pollution payées par les entreprises à l'agence de l'eau, variables selon les agences », explique Franck Perru. Ces redevances devraient diminuer. Les entreprises sont pourtant dans l'expectative, craignant d'avoir à débourser plus. Cette situation pourrait les inciter à se séparer des stations d'épuration urbaines. Le pas est d'ailleurs franchi par de nombreuses entreprises agroalimentaires du Sud-Ouest, à en croire Christophe Boucaumont. Elles produisent des effluents très biodégradables, donc adaptés à la méthanisation directe, et pour lesquels la frontière entre prétraitement et traitement est floue. LE POIDS DES EFFLUENTS Dans cette région où les communes sont en majorité de taille réduite, le poids des effluents industriels dans une station d'épuration urbaine peut être important. Les entreprises préfèrent donc selon lui, dans la mesure du possible, s'équiper de leurs installations d'assainissement propres, quitte en sous-traiter l'exploitation. Christophe Boucaumont souligne aussi que, à l'exception des artisans, « les entreprises peuvent avoir une croissance relativement imprévisible ou connaître des changements de production. Des variations de charge difficiles à supporter par des stations d'épuration de 5 000 à 10 000 EH ». La situation se complique aussi avec l'action de recherche de substances dangereuses dans l'eau (RSDE), destinée à faciliter l'atteinte du bon état chimique des masses d'eau. Elle prévoit pour l'instant la recherche de 41 substances dangereuses dans les rejets des ICPE. Les stations d'épuration de plus de 10 000 EH devraient y être bientôt soumises ; or cette action prévoit que les substances dangereuses soient réduites, voire éliminées des rejets, d'ici à 2015 ou 2021. Pour cela, il deviendra nécessaire de réduire les flux de polluants entrants. « Nous allons réadapter nos conventions au fur et à mesure. Mais il faudra aussi prévoir des traitements tertiaires complémentaires car il ne sera pas possible de tout traiter à la source », reconnaît Christophe Garcia. Ces pressions risquent de menacer aussi l'activité des entreprises si leurs autorisations sont remises en cause. La question de leur raccordement va donc au-delà d'un problème d'exploitation des réseaux et des stations : elle doit entrer dans le cadre d'une véritable planification du territoire et de son développement.


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