Un peu de bons sens ! Pourquoi utiliser de l'eau potable pour l'arrosage des espaces verts et des terrains de sports ou laver des rues, des véhicules et des canalisations ? Trouver des ressources alternatives à l'eau potable est un axe en plein développement. Il s'agit essentiellement, « en complément d'une consommation maîtrisée, d'utiliser une eau dont la qualité est adaptée à l'usage », explique Patrick Faucher, directeur développement durable de la ville de Bordeaux.
En France, deux catégories d'eaux font l'objet d'une réglementation spécifique. L'arrêté du 21 août 2008 définit les conditions d'usage, à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments, de l'eau de pluie récupérée en aval de toitures inaccessibles. « Dans les bâtiments, elle peut être utilisée pour laver les sols et alimenter les chasses d'eau des toilettes, essentiellement », précise Emmanuel Morice, chef du bureau des eaux souterraines et de la ressource en eau, du ministère de l'Écologie (Medde). Son utilisation est interdite dans les bâtiments abritant des populations considérées comme sensibles du point de vue sanitaire, parmi lesquels les établissements de santé, les maisons de retraite, les crèches, les écoles maternelles et élémentaires, etc. L'arrêté du 2 août 2010, réglemente, quant à lui, l'utilisation, à l'extérieur des bâtiments, des eaux usées traitées. Ce texte est en cours de révision. Enfin, le recyclage des eaux grises au sein d'un bâtiment n'est pas encore réglementé. Le sujet a toutefois fait l'objet d'un projet de loi déposé en 2008.
L'emploi d'eau non po table
à l'intérieur des bâtiments des collectivités reste anecdotique, et plutôt réservée aux projets neufs. Mais à l'extérieur des bâtiments, les projets fleurissent. « Arroser un stade de 5 000 à 6 000 m2 utilise entre 4 000 et 7 000 m3 d'eau par an », note Clément Guyot, technicien du service des espaces verts à la ville de Bourges. Aussi, les services des sports et des espaces verts, dont les consommations représentent une bonne part des consommations in ternes des collectivités, utilisent de l'eau de pluie en complément de l'eau potable, pour l'arrosage. Le service des sports de Poitiers pousse plus loin la réflexion, en équipant quelques terrains de foot en gazon synthétique. Cependant, Jean-Pierre Forget, à l'Agence de l'eau Loire-Bretagne, s'interroge sur le bilan carbone de l'opération. À Mérignac, en Gironde, l'eau de pluie récupérée de la toiture d'une serre est utilisée pour arroser les végétaux. Et à Saint-Étienne, les élus incitent aussi les particuliers. « Nous avons soutenu financièrement l'équipement des jardins familiaux en cuves de récupération d'eaux de pluie », précise Geneviève Albouy, adjointe en charge du développement du rable à la ville de Saint-Étienne.
Le nettoyage des rues, des véhicules et des canalisations ne nécessite pas non plus une eau de qualité potable. Depuis juin 2010, la société de transport du Grand Angoulême (STGA), la SEM exploitant le réseau de transport urbain, n'a plus eu recours à l'eau potable pour nettoyer ses véhicules. « Avant l'installation de la station de récupération des eaux de lavage et des eaux de pluie, en moyenne sur dix ans, nous utilisions environ 4 500 m3 d'eau par an pour laver 95 bus », précise Patrick Renaud, responsable de la SEM. Le principe de l'installation ? Réutiliser l'eau de lavage en circuit fermé et collecter l'eau de pluie. « Conçue par Technifluide, une entreprise locale, la station permet, chaque année, d'économiser 3 000 m3 d'eau potable, soit plus que la capacité du bassin d'une piscine olympique », souligne Patrick Renaud.
Les solutions alternatives
ne se réduisent pas à l'eau de pluie. Par exemple, un nombre important de projets vise à ré u-ti liser les eaux des piscines. « La piscine constitue sûrement le poste le plus consommateur d'une municipalité. Mais c'est en même temps celui dont le potentiel d'économies est le plus élevé », constate Alcime Leguennic, à l'Agence régionale de santé des Pays de la Loire. Une révision de la réglementation sur ces établissements est en cours. Depuis deux ans, Rennes réutilise les eaux issues des deux vi danges annuelles de trois piscines, pour alimenter ses laveuses et balayeuses. « Nous avons lancé une étude de faisabilité sur notre plus grosse piscine. L'eau serait alors utilisée, également, dans nos hydrocureuses », annonce Soazig Lecalvez, responsable du programme d'économie d'eau de la ville de Rennes. Certains projets se révèlent particulièrement inventifs. La ville de Lyon, par exemple, nettoie les rues des IIIe et VIe arrondissements avec les eaux de la patinoire de Baraban et de l'eau de pluie. « Former la glace ne nécessite l'ajout d'aucun produit chi mique », souligne Carole Suzanne, responsable piscines et patinoires à la direction des sports de la ville de Lyon. Pour une dépense de 30 000 à 40 000 euros, le temps de retour sur investissement est estimé à trois ans. Paris, enfin, entend renforcer l'usage de l'eau du canal de l'Ourcq, véhiculée à travers son réseau d'eau non potable. Quelle que soit la qualité de l'eau utilisée, « tout point d'eau non potable doit être signalé », souligne Emmanuel Morice. Et le gestionnaire doit garantir la déconnexion des deux réseaux, eau non potable et eau potable.
Bien dimensionner ces installations est essentiel, mais pas évident. Pour l'eau de pluie, le guide du CSTB sur la gestion durable de l'eau précise à ce propos : « L'ar rivée de l'eau de pluie ne coïncidant ni en temps ni en quantité avec les usages, il est in dis pen sable de stocker l'eau. Le volume du stockage doit être déterminé de manière judicieuse, de sorte à pouvoir mettre en relation ressource et usages de manière satisfaisante, sans aboutir à un di men sion nement démesuré. » Cette notion d'adéquation entre les ressources et les besoins s'applique partout, quelle que soit l'eau utilisée. Trouver le bon équilibre nécessite de caractériser la ressource, fréquence et volumes disponibles, et d'évaluer les besoins.
Dans l'ensemble, ces projets sont coûteux. Aussi, malgré l'en gouement des mu ni ci pa-lités, certains restent prudents. « Compte tenu des contraintes réglemen taires et du coût des projets de substitution, ces derniers arrivent en bas de la liste des actions à mettre en œuvre pour économiser l'eau », note Solenn Briant, chargée de mission eau au conseil général du Morbihan. Dans certains cas, s'en tenir à l'utilisation de produits hydro-économes s'avérera tout aussi pertinent.