Plus que jamais dans ce contexte, sécuriser l’accès à l’eau pour tous est un impératif absolu, pour la santé publique comme pour la prospérité économique. C’est pourquoi nous devons repenser notre modèle de gestion de l’eau et trouver des solutions pour optimiser nos usages de l’eau. La réutilisation de l’eau (REUT) est l’une d’entre elles, mais elle va mettre du temps à se déployer à grande échelle.
La France accuse un retard considérable : à peine 1 % des eaux usées traitées sont aujourd’hui réutilisées, contre 14 % en Espagne1 par exemple. Le Plan Eau, lancé en 2023 par le gouvernement, ambitionne de multiplier par dix cette part d’ici 20302. De quoi susciter une sérieuse accélération dans l’adoption des technologies de réutilisation d’eau, notamment pour les acteurs industriels, en première ligne.
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Si certains travaillent déjà sur le recyclage des eaux usées pour l’eau potable, force est de constater que cette dimension de la REUT paraît peu réaliste à court terme, et ceci pour trois raisons majeures. D’abord, il s’agit d’un défi sanitaire et réglementaire considérable. Assurer la re-potabilisation des eaux usées nécessiterait des traitements extrêmement stricts et un cadre législatif complexe.
Ensuite, un problème d’infrastructure se pose. Redistribuer une eau recyclée nécessiterait le dédoublement des 850 000 km de canalisations en France, pour permettre de redistribuer cette eau sur un réseau spécifique. Un chantier colossal et extrêmement couteux.
Enfin, il y a une question d’acceptabilité sociale. Même parfaitement traitée, la consommation d’une eau ayant déjà été utilisée reste un sujet sensible. Face à ces limites, la priorité doit être donnée aux usages où la REUT est immédiatement applicable et efficace.
… Elle constitue une véritable opportunité pour l’industrie
Si réinjecter les eaux usées dans le réseau domestique est complexe, leur réutilisation pour assurer la pérennité des activités industrielles, en particulier face aux épisodes de sécheresse,est une solution immédiatement viable.
Selon les données du ministère, l’industrie représente environ 6 % de l’eau consommée en France, mais elle est directement responsable de 19 % des prélèvements totaux. Son rôle dans la gestion durable de la ressource en eau est donc majeur. Les sécheresses des dernières saisons estivales ont révélé la vulnérabilité de certaines filières, notamment agroalimentaires. En Bretagne par exemple, plusieurs usines ont frôlé la fermeture en raison de la baisse critique du niveau des cours d’eau et des restrictions d’accès à la ressource, menaçant la continuité de la production.
Cette situation a accéléré la prise de conscience des industriels : préserver la ressource en eau est aussi un impératif économique. Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises adoptent des systèmes de réutilisation des eaux usées, qui non seulement garantissent un approvisionnement plus stable, mais permettent également de réduire la consommation énergétique en valorisant la chaleur contenue dans ces eaux traitées.
La REUT, une des clés de l’avenir de l’eau
La réutilisation des eaux usées devrait s’imposer comme une solution d’avenir pour limiter la pression sur les ressources en eau et réduire les prélèvements dans les milieux naturels. Les technologies existent déjà, et il est probable que les contrôles et les réglementations se renforcent dans les années à venir pour accompagner cette transition. La gestion de l’eau ne doit plus être pensée comme un simple processus linéaire, mais comme un cycle continu. Entreprises, collectivités, décideurs publics : ensemble, faisons de la REUT un pilier de l’avenir de la gestion de l’eau en France.