En plein coeur de la capitale, Paris Habitat-OPH a choisi le béton de chanvre pour isoler son nouvel immeuble de quatre étages. Le bailleur a été séduit par les vertus constructives et écologiques de ce mélange de granulats de chènevotte, de chaux et de liant hydraulique. Il demande peu d'énergie grise, améliore nettement la qualité de l'air intérieur, garantit un confort hygrométrique bien supérieur aux laines minérales et est efficace puisque la consommation de ces huit logements sociaux est estimée à 45 kWh/m2/an.
Au final, « il n'y a pas de surcoût, mais un vrai dilemme réglementaire, explique l'architecte Ilhem Belhatem, associée du cabinet Atelier D. Il n'existe ni DTU (document technique unifié, ndlr), ni règle professionnelle pour le béton de chanvre en immeuble ».
Pour passer l'obstacle juridique, elle a imaginé une technique originale : un empilement de constructions R+1 avec des coupures entre les étages, en l'occurrence des profilés métalliques fixés à l'ossature en bois. « Nous allons désormais mener une campagne de mesure des performances pour asseoir la crédibilité encore fragile du procédé », annonce-t-elle.
En Champagne-Ardenne, le bailleur Plurial-L'effort rémois mise, quant à lui, sur la paille et la laine de chanvre pour construire un parc de dix maisons, par ailleurs chauffées grâce à des poêles à granulés de bois. Comme dans le projet parisien, l'écomatériau n'arrive qu'à l'issue d'un travail sur l'orientation du bâtiment, l'optimisation de la surface vitrée, la végétalisation des toitures pour former un coussin thermique... « Nous testons différents systèmes constructifs », justifie Alain Niboyet, son directeur des produits nouveaux. Décidé à intégrer une part croissante d'écomatériaux dans ses constructions, il reconnaît volontiers que leur généralisation n'est pas pour demain.
Le budget des bailleurs n'étant pas extensible, le recours aux laines végétales reste conditionné aux marges réalisées par ailleurs (sur le prix du terrain, les voies d'accès aux logements...). Meilleur marché, la paille crée des difficultés plus organisationnelles. « Avec des panneaux préfabriqués en atelier avant d'être montés sur le chantier, nous souhaitions nous affranchir de l'aléa climatique, explique-t-il. Finalement, la sécheresse a conduit à une rupture d'approvisionnement en paille, qui nous a fait souffrir. » Peu habituées à ces modes constructifs, « les entreprises locales hésitent enfin à répondre aux appels d'offres ou proposent des prix dissuasifs », souligne celui qui a finalement fait appel à une société allemande.