Alors que les prix de l'essence et du gazole atteignent de nouveaux records, les carburants alternatifs comme l'éthanol, le gaz naturel ou l'hydrogène... sont-ils des recours pertinents ? À l'image du GNV (gaz naturel véhicule), qui ne compte qu'une quinzaine de stations publiques en France, la question du maillage du réseau de distribution reste un frein sérieux à leur essor. « Sur les véhicules lourds et sur les longues distances, le gazole a encore de beaux jours devant lui. Et pour longtemps », estime Sébastien Jacquet, responsable des gammes livraison et distribution chez Renault Trucks.
Les agrocarburants s'imposent cependant comme un complément indéniable. En France, 80 000 agriculteurs produisent du Diester à partir d'huiles végétales et « tous les véhicules Diesel roulent déjà avec un taux d'incorporation de 7 % », rappelle l'association Partenaires Diester. Avec un parc récent, ce taux peut facilement être porté à 30 % sans investissement majeur. Depuis le début de l'année, les dix semi-remorques frigorifiques de la société 3 Vallées y ont recours sans aucune modification des moteurs. Le bilan environnemental discutable du biogazole semble toutefois bloquer sa progression. D'autant que « cette évolution n'a aucun impact sur la facture globale de carburant, prévient Josianne Fegar, directrice de la société. Total, qui distribue le mélange, propose un prix identique à celui du gazole ».
Ce sont les flottes captives de véhicules de transport collectif ou de ramassage des déchets qui exploitent l'essentiel des carburants alternatifs. Ils peuvent se satisfaire d'un unique point de distribution et leurs exploitants apparaissent comme les seules entités capables de rentabiliser une station. Ces vingt dernières années, le nombre de véhicules fonctionnant au GNV a ainsi augmenté de 18 % par an pour atteindre 13 millions à l'échelle mondiale... Un chiffre qui pourrait être porté à 65 millions en 2020 d'après l'Association européenne du GNV. Ce carburant présente de meilleures performances environnementales que le gazole, rejette (un peu) moins de CO2, beaucoup moins d'oxydes d'azote (NOx) et de particules fines et sont à l'origine de moins d'odeurs et de bruit. « Les véhicules GNV ont pris de l'avance et sont prêts pour la prochaine évolution réglementaire (Euro 6 en 2014), analyse Sébastien Jacquet. Les moteurs Diesel seront complexifiés pour y répondre et l'écart de prix va se réduire. »
En France, une agglomération de plus de 150 000 habitants sur deux possède des bus au GNV et 14 % des bennes à ordures ménagères (BOM) roulent avec, selon l'association française du GNV. Illustration chez Semardel qui vient de porter la capacité de compression de sa station à 400 m3/h (contre 80 auparavant) pour alimenter vingt de ses quatre-vingt-dix camions. L'intégralité du parc devrait franchir le pas au rythme de dix nouveaux véhicules par an. « Notre objectif est d'entrer dans une logique circulaire avec une production de biométhane à partir de déchets, puis son utilisation dans les camions chargés de la collecte », justifie Jean-Noël Roche, adjoint du directeur d'exploitation chez Semavert, la filiale de Semardel qui gère la station. Son retour sur investissement (450 000 euros) est de dix ans. Le surcoût par véhicule (entre 35 000 et 40 000 euros) devrait être amorti entre cinq à sept ans.
Il semble peu probable, en revanche, qu'émergent des véhicules lourds tout électriques du fait de la puissance appelée par les moteurs. La demande de motorisations hybrides est, quant à elle, confidentielle pour des questions de coût. « On économise 25 % de carburant, mais le retour sur investissement est très long et de nombreuses incertitudes subsistent sur la durée de vie des batteries », estime Jean-Philippe Jacquet, responsable de l'efficacité énergétique du parc chez Veolia Transdev. Responsable du développement chez SymbioFCell, Bertrand Chauvet croit beaucoup, en revanche, à l'émergence de l'hydrogène. « On compte environ 250 bus opérationnels en Europe, dont 16 à Hambourg », présente-t-il. Sur le papier, la technologie a tout pour s'imposer : ni NOx, ni particules, à peine plus de bruit qu'un véhicule électrique... Et un bilan carbone plus qu'honorable si l'hydrogène est produit à partir d'une énergie renouvelable ou s'il s'agit d'hydrogène fatal, sous-produit de l'industrie. À Tavaux (Jura), Solvay s'appuie ainsi depuis le début du mois d'avril sur sa propre production pour alimenter une flotte de Kangoo électriques dont l'autonomie est triplée par des piles à combustible développées par SymbioFCell. L'avenir de la technologie dépendra toutefois de la capacité de ces piles à être produites industriellement. Elles sont actuellement trop chères pour faire l'objet de déploiements massifs.