Certaines fonctionnalités de ce site reposent sur l’usage de cookies.
Les services de mesure d'audience sont nécessaires au fonctionnement du site en permettant sa bonne administration.
ACCEPTER TOUS LES COOKIES
LES COOKIES NÉCESSAIRES SEULEMENT
CONNEXION
Valider
Mot de passe oublié ?
ENERGIE

Réforme en sous-sol

LA RÉDACTION, LE 1er OCTOBRE 2012
Archiver cet article
Newsletters
Toute l'information de cette rubrique est dans : Environnement Magazine
Àpresque 60 ans, le code minier se refait une jeunesse. Le 22 juin dernier, après la polémique provoquée par le revirement gouvernemental sur la question des forages au large de la Guyane, Delphine Batho, ministre de l'Écologie, confirmait la volonté du gouvernement de faire de sa refonte une priorité. Présidé par un membre du Conseil d'État, le Comité de modernisation du code minier doit proposer un projet de loi d'ici à la fin de l'année. Un texte qui devra prendre en compte les nouvelles activités minières et les demandes de concertation des élus et de la société civile. Le code minier régit la recherche et l'exploitation des ressources minérales ou fossiles du sous-sol terrestre et marin, parmi lesquelles l'or, l'uranium, la houille, les hydrocarbures, la géothermie. « Les substances dites de mines ne sont pas la propriété du propriétaire du sol, précise François Bersani, membre du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies ( CGEIET). L'État en réglemente l'exploration et l'exploitation, au nom de l'intérêt général. » Les bases du droit minier résident dans la loi impériale du 21 avril 1810. Et le code minier a été créé en 1956 pour accompagner la révolution industrielle. Par la suite, il n'a connu que quelques évolutions et se révèle aujourd'hui inadapté. Tout d'abord inadapté au panorama actuel des activités minières. L'alerte a été donnée en 2010, lorsque les permis exclusifs de recherche (PER) de Montélimar (26), Nant (12) et Villeneuve-de-Berg (07), portant sur des hydrocarbures de schiste, ont été délivrés par le ministère de l'Écologie. Pour rappel, dans la procédure minière, deux titres miniers se succèdent. Le premier, le PER, encadre la phase d'exploration. Le second, la concession, encadre la phase d'exploitation. Les demandes de titres sont instruites par le ministère. Au sein de chaque phase, les travaux sont soumis à autorisation préfectorale. Conformément à la réglementation, les PER de Montélimar, Nant et Villeneuve-de-Berg ont été attribués es sen tiel lement sur des critères techniques et financiers, sans étude d'impact préalable. Or, après coup, des risques potentiellement élevés dès la phase d'exploration ont été évoqués. Ils sont essentiellement liés à la fracturation hydraulique, seule technique d'extraction connue à ce jour. Aussi, au nom du principe de précaution, l'État, par la loi du 13 juillet 2011, a interdit la fracturation hydraulique hors d'un cadre de recherche scientifique et a abrogé les trois permis. Prise dans l'urgence, cette loi ne satisfait ni les opérateurs, Total et Schuepbach, qui ont engagé un recours, ni les associations de protection de l'environnement, pour qui elle n'apporte pas les garanties suffisantes. En juillet dernier, nouveau signal lorsque Shell, opérateur du PER Guyane maritime, lance, à 150 km des côtes guyanaises, la deuxième phase de travaux exploratoires visant à évaluer le gisement de pétrole découvert un an plus tôt. Quatre forages sont prévus. L'ensemble du projet devrait s'étaler jusqu'en dé cembre 2013. Pour Christian Roudgé, coordinateur de Guyane nature environnement ( GNE), « le dossier présenté par Shell est incomplet et inadapté au patrimoine naturel de la Guyane ». Premier grief :l'autorisation préfectorale d'utiliser des boues à huiles pour forer. France nature environnement (FNE), GNE et Surfrider Foundation Europe ont déposé un recours devant le tribunal administratif contre cette décision, « en désaccord avec le code de l'environnement, qui interdit tout rejet en mer ». De plus, les mesures sismiques prospectives ont débuté en pleine période de naissance des cétacés et de nidification des tortues. Plus largement, intervenir, en cas de fuite sur une tête de puits, par 2 000 ou 3 000 mètres de fond, s'avère très difficile. L'accident, qui a eu lieu sur le Deepwater Horizon, de BP, l'a parfaitement illustré. Comme il a également éclairé l'étendue des risques associés pour le milieu maritime et le littoral. « Le risque zéro n'existe pas, confirme Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip). Cependant, nous possédons une expérience considérable et nous avons amélioré notre façon d'exploiter et d'intervenir en cas de problème. » Mais, pour les organisations de protection de l'environnement, les garanties restent insuffisantes. Et, pour Jacques Beall, rapporteur d'un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur les risques environnementaux liés aux plateformes pétrolières en mer, « le cadre juridique des activités pétrolières offshore est incomplet, en droit international, en droit européen, comme en droit interne ». L'offshore n'est pas le seul exemple de désaccord entre droit de l'environnement et droit minier. En Guyane toujours, Christian Roudgé rapporte que, « pour l'exploitation aurifère, les opérateurs obtiennent des dérogations les autorisant à dériver un cours d'eau afin de travailler sur le lit mineur, en total désaccord avec le code de l'environnement ». En résumé, « bien qu'inscrite dans le droit minier, la prise en compte de l'environnement est insuffisante », conclut-il. Le code minier apparaît aussi totalement inadapté aux nouvelles demandes sociales de participation et de concertation. Stéphane Gatignon, maire de Sevran (93), s'est ainsi insurgé contre « l'absence totale de transparence à l'œuvre dans la délivrance de permis de recherche d'hydrocarbures, laissant à l'écart les élus et les populations concernées ». Sa commune appartient au PER de Chevry, en cours d'instruction. Des demandes se font entendre, également, dans le domaine de la fiscalité. En Guyane, territoire en situation de mal développement, les attentes sont grandes quant aux possibles bénéfices économiques d'un projet pétrolier comme celui de Shell. Au cabinet de la ministre de l'Écologie, on estime « inadmissible que les communes concernées ne reçoivent aucune retombée économique ». Mais, sur ce sujet, Romain Porcheron, chargé de mission RSE des entreprises aux Amis de la Terre, appelle à la vigilance : « Il ne faudrait pas qu'une augmentation de la redevance versée aux collectivités facilite, finalement, l'exploitation du sous-sol sans réflexion sur l'environnement. » Alors, comment conjuguer la protection de l'environnement et les autres enjeux en présence ? On peut noter, déjà, l'intérêt de se doter d'outils de planification. C'est ce qu'a fait la Guyane, qui a adopté, en début d'année, le premier schéma départemental d'orientation minière (Sdom). « Ce document constitue un bon outil, dont on pourrait imaginer qu'il soit reproduit ailleurs », estime Christian Roudgé. Plus généralement, la réforme du code minier doit apporter un cadre garantissant une meilleure protection de l'environnement tout au long de la procédure minière. Ainsi, pour améliorer l'évaluation environnementale des projets, « l'étude d'impact doit faire partie de l'instruction des PER », souligne Maryse Arditi, pilote du réseau énergie de FNE. Et Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l'environnement et auteur d'un rapport sur l'articulation entre droit minier et droit de l'environnement, propose que la qualité environnementale d'un projet rejoigne les autres critères d'attribution d'un titre minier ou d'autorisation de travaux. Par ailleurs, il existe actuellement une sorte de continuum entre phases d'exploration et d'exploitation :le titulaire d'un PER, s'il découvre effectivement des ressources exploitables, est quasiment assuré d'obtenir une concession. Or, l'exploration peut révéler un milieu plus sensible, des conditions d'exploitation plus complexes ou encore un gisement plus important que prévu. À l'aune de ces nouvelles données, pour Michèle Rivasi, députée européenne de la région Grand Sud-Est, « il faudrait pouvoir revoir le cahier des charges ». « À l'issue de l'exploration, l'État doit avoir le choix d'autoriser ou non l'exploitation », ajoute Maryse Arditi. Pour Jean-Louis Schilansky, « ces propositions sont respectables. Cependant, l'attribution d'un titre minier à un opérateur l'engage à investir et donc à prendre un risque. Il ne faudrait pas que la réglementation bloque toute envie d'investir dans ce domaine et fasse disparaître l'attractivité du territoire français ». Dans le cas précis des activités offshore, selon Laurent Kelle, responsable du bureau WWF de Guyane, « les calendriers des projets prospectifs doivent tenir compte de la saisonnalité du milieu. Le cas échéant, comme le fait Shell, un observateur embarqué doit être présent pendant l'exploration sismique ». Jacques Beall souligne, lui, « la nécessité de développer des outils de sécurité financière adaptés aux activités pétrolières en mer ». Et l'avis du CESE conclut au besoin de rénover le cadre réglementaire dans le sens d'une application, en toutes circonstances, du principe pollueur-payeur et d'une affirmation de la responsabilité pleine et entière de l'opérateur. Des activités minières plus propres devraient aussi réduire les séquelles laissées par les activités et ainsi faciliter la gestion de l'après-mine. Dans le Pas-de-Calais, l'exploitation passée des ressources houillères a entraîné « des désordres considérables du point de vue de l'hydrologie de surface », rappelle Yvan Razafindratandra, avocat spécialiste du droit minier. Et le Limousin est confronté, depuis la fin des années 1990, à « l'insuffisance des réhabilitations réalisées sur les mines d'uranium », témoigne Antoine Gatet, membre du réseau juridique de FNE. Il apparaît donc également nécessaire de re penser et de clarifier les règles de cessation d'activité ; une demande partagée par FNE et par l'exploitant, Areva. Sur ce point, la législation minière pourrait s'inspirer du régime de cessation d'activité des ICPE, auxquelles sont notamment soumises les carrières, ou encore de celui des sites et sols pollués. Enfin, pour s'accorder au diapason de la société, le droit minier doit être mis en conformité avec la Convention d'Aarhus et la Charte de l'en vi ron-nement. Ces textes, à valeur constitutionnelle, posent les principes de l'information et de la participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Depuis la réforme de l'enquête publique, les travaux de forage d'exploration et d'exploitation minière de plus de 100 mètres de profondeur y sont systématiquement soumis. Mais, contrairement à ce que souhaitent FNE et les Amis de la Terre, ce n'est pas le cas des PER. Pour Yan Chauvin, porte-parole du collectif Stop au gaz de schiste Ardèche, « une consultation publique devrait être organisée à chaque étape de la procédure d'attribution des titres miniers et des autorisations de travaux ». Mais, si une information accrue du public s'avère nécessaire, Jean-Louis Schilansky émet des doutes sur la faisabilité d'une consultation sur « des permis dont le périmètre couvre plusieurs milliers de kilomètres carrés et plusieurs centaines de communes ». D'autre part, ajoute Isabelle Mouratille, juriste chez Total, « au stade du PER, notamment pour des questions de concurrence, certaines informations relevant du savoir-faire développé par l'explorateur ne pourront pas être communiquées dans le cadre d'une consultation publique. Il va falloir trouver un équilibre entre exigence de transparence et exigence de mise en concurrence », poursuit-elle. Finalement, pour les industriels, « la modernisation du droit minier doit avant tout déboucher sur une plus grande stabilité juridique, nécessaire pour lancer de gros investissements », souligne Jean-Louis Schilansky . Dans le cas des hydrocarbures de schiste, l'État a créé une loi pour abroger des permis légalement obtenus. « Juridiquement, une suspension de permis sans qu'aucune infraction n'ait été commise est inacceptable », estime David Desforges, avocat du cabinet Jones Day. Aussi, Arnaud Gossement recommande de « préciser les conditions d'engagement de la procédure de retrait d'un titre minier ou d'une autorisation de travaux, de manière à réaliser un meilleur équilibre entre la sécurité juridique du titulaire et la protection de l'environnement ». C'est dire que la rédaction du droit minier du XXI e  siècle est un chantier complexe. D'autant qu'il ouvre un autre débat, plus vaste encore, « celui du rapport de la société au droit de propriété, à son économie, à son environnement et à son énergie », observe Arnaud Gossement. La réforme saura-elle faire accomplir au droit minier la révolution intellectuelle et juridique nécessaire pour répondre aux enjeux, aux préoccupations actuelles et aux défis à venir ? Réponse dans quelques mois. l


PARTAGER :
À LIRE ÉGALEMENT
Lydie Evrard nommée directrice générale de l’Andra
Lydie Evrard nommée directrice générale de l’Andra
EMR : 10 co-exposants de Nouvelle-Aquitaine au salon Seanergy
EMR : 10 co-exposants de Nouvelle-Aquitaine au salon Seanergy
Le réseau de chaleur Mans Nord Enr'gie alimente les projets Carbocage et Carbonagri
Le réseau de chaleur Mans Nord Enr'gie alimente les projets Carbocage et Carbonagri
Le SID Sud-Ouest signe un CPE à Uzein
Le SID Sud-Ouest signe un CPE à Uzein
TOUS LES ARTICLES ENERGIE
Les plus lus
L'essentiel de l'actualité de l'environnement
Ne manquez rien de l'actualité de l'environnement !
Inscrivez-vous ou abonnez-vous pour recevoir les newsletters de votre choix dans votre boîte mail
CHOISIR MES NEWSLETTERS