L'avantage prix : tel est bien l'atout numéro un du bioéthanol en station-service, par comparaison avec le SP95 et le SP98. En 2012, l'E10, sa forme la plus répandue (à 10 % d'éthanol), coûtait 5 à 6 centimes de moins au litre que le SP95. Sous forme d'E85, un mélange à 85 % d'éthanol réservé aux véhicules à carburant modulable (Flex fuel), le différentiel atteignait 60 centimes. « Une économie de 43 centimes au kilomètre, compte tenu de la surconsommation, soit 500 euros par an », se félicite le Groupement du bioéthanol, qui a constaté un prix moyen de 0,93 euro par litre en station sur janvier dernier. Conséquence : en 2012, en volume, les ventes des deux produits ont décollé.
Les pleins d'E10 ont augmenté de 35 %, dépassant le SP98, sur un marché des essences en régression pour cause de diésélisation forcenée du parc automobile. Ainsi, en décembre, la part de marché de l'E10 atteignait 28,5 %, contre 20 % pour le SP98. Il faut dire qu'année après année, la compatibilité du parc avec ce carburant hybride progresse, tout comme l'information des automobilistes. L'E85 fait encore mieux : + 41 % en volume par rapport à 2011, mais il partait de zéro ou presque. Outre l'effet du prix, deux facteurs jouent : « Une progression des ventes de véhicules Flex fuel : + 12 %, avec 7 000 unités vendues, contre - 18 % pour l'ensemble des immatriculations des véhicules à essence. Et la disponibilité croissante du produit dans le réseau des stations-service », analyse Sylvain Demoures, secrétaire général du SNPAA (Syndicat national des producteurs d'alcool agricole). Toutefois, avec 304 pompes qui le proposent, l'E85 est encore loin de l'E10, présent dans une station-service sur trois.
Néanmoins, cette dynamique risque d'être perturbée par plusieurs éléments. D'abord, la fin de la défiscalisation accordée à la part de bioéthanol présent dans l'essence. Dans la continuité de la baisse des taux amorcée en 2004, l'exonération partielle de taxe intérieure sur les produits énergétiques (14 euros l'hectolitre) prendra fin en 2015, malgré un statu quo cette année. « Cela ne pénalisera pas notre développement », veut croire Alain Jeanroy, rappelant qu'en contenu énergétique, « l'éthanol est davantage taxé que l'essence ». Deuxième élément perturbateur : la migration de l'E10 vers d'autres appellations, suivant ce que l'Union européenne décide de retenir comme nouveau standard d'essence enrichie en éthanol : E15 (15 %), voire E20 (20 %).
L'E10 deviendrait ainsi un mélange banalisé (comme l'est le SP95, qui contient 5 % d'éthanol), laissant E15 ou E20 revendiquer le positionnement de biocarburant. Dernier élément perturbateur : l'Europe, qui a remis en cause la feuille de route assignée aux biocarburants dans le cadre de la directive de 2009 sur les énergies renouvelables. Le texte donnait comme objectif 10 % d'énergies renouvelables dans les transports en 2020. Mais à Bruxelles et à Strasbourg, des voix se sont élevées pour plafonner la contribution des biocarburants de première génération à 5 %, et privilégier la deuxième, jugée plus compatible avec les usages alimentaires et moins génératrice de CAS (changement d'affectation des sols, un phénomène qui dégrade le bilan carbone du produit). Au Groupement du bioéthanol, on ne demande pas mieux, mais on prévient que la filière de deuxième génération, expérimentée en version essence sur le pilote Futurol, dans la Marne, « risque de ne pas être disponible à cette échelle de temps ».