Décryptage Le décret 2013814 du 11 septembre 2013 modifiant la nomenclature des installations classées (JORF n° 213 du 13 septembre 2013, page 15414, texte n° 20) a revu quatre rubriques. Parmi elles, la rubrique 2910 relative à la combustion. Encadrant la majorité des projets énergétiques ayant pour ressource de la biomasse, la question se pose de savoir si la modification de cette rubrique permet leur essor. Dans un souci d'harmonisation des législations, les rédacteurs du décret ont souhaité exprimer leur volonté de conformité avec la directive IED (« Directive on Industrial Emissions » ou directive n° 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles). Son article 3 liste les substances pouvant être assimi-lées à de la biomasse. On y trouve : « les produits com-posés d'une matière végétale agricole ou forestière suscep-tible d'être employée comme combustible en vue d'utiliser son contenu énergétique ; les déchets végétaux agricoles et forestiers ; les déchets végétaux provenant du secteur industriel de la transformation alimentaire, si la chaleur produite est valorisée ; les déchets végétaux fibreux issus de la production de pâte vierge et de la production de papier à partir de pâte, s'ils sont coïncinérés sur le lieu de production et si la chaleur produite est valorisée ; les déchets de liège ; les déchets de bois, à l'exception de ceux susceptibles de contenir des composés organiques halogénés ou des métaux lourds à la suite d'un traitement avec des conservateurs du bois ou du placement d'un revêtement, y compris ceux provenant de déchets de construction ou de démolition ».
C'est dorénavant à cette définition qu'il convient de se référer pour la soumission à la rubrique 2910. Notons que la nouvelle version du texte insiste sur la finalité énergétique du produit pour se voir qualifié de biomasse. La liste des substances concernées se réfère é ga lement à des déchets végétaux, sans pour autant insister sur leur potentiel énergétique. Cela n'empêchera pas leur qualification de biomasse. Cela signifie, en revanche, qu'un produit composé d'une matière végétale et forestière, s'il n'a pas de vocation énergétique, ne pourra se voir qualifié de biomasse, à l'inverse du déchet. La nouvelle définition apparaît donc réductrice, et alimentera sans aucun doute les nombreux débats doctrinaux sur la division entre produit et déchet.
L'utilité de l'harmonisation des définitions nationales et européennes est indéniable, compte tenu de l'existence d'autres définitions de la biomasse au sein de l'ordre juridique. Ainsi, l'article L. 212-2 du Code de l'énergie définit la biomasse comme étant « la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l'agriculture, y compris les substances végé-tales et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers ». La directive 2009/28/ UE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables décrit la biomasse comme « la fraction biodégradable des produits, des déchets et des résidus d'origine biologique provenant de l'agriculture (y compris les substances végétales et animales), de la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et l'aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et muni-cipaux ». Deux définitions presque identiques. Ne serait-il pas utile, dans le souci de faciliter la compréhension ainsi que l'application des textes, de n'avoir accès qu'à une définition unique de la biomasse ?
De même, une harmonisation des puissances de référence devenait indispensable. En effet, la directive IED raisonne en puissance nominale, que le Code de l'environnement définit dans son article R. 224-20, comme « la puissance thermique maximale fixée et garantie par le constructeur comme pouvant être cédée au fluide caloporteur en marche continue ». Quant à la nomenclature ICPE, elle faisait référence à la puissance maximale, définie dans l'ancienne rubrique 2910 « comme la quantité maximale de combustible, exprimée en PCI, susceptible d'être consommée par seconde ».
Par ailleurs, certains arrêtés raisonnent en puissance maximale, d'autres en puissance nominale. L'adoption d'un terme unique, dans un souci de clarté et de sécurité juridique, semblait donc nécessaire. Le décret du 11 septembre a penché pour la puissance nominale comme puissance de référence, toujours dans une volonté de conformité avec la directive IED.
Après analyse des deux définitions, il ne nous semble pas que ce choix permette un essor des énergies de sources renouvelables en facilitant leur mise en œuvre, no tamment administrative. En effet, le fait de se conformer à la directive IED en ne gardant que la notion de « puissance nominale » aura pour seul impact d'avoir dorénavant des puissances précisément déterminées, garanties par le constructeur lui-même, favorisant ainsi une sécurité juridique. « La quantité maximale de combustible susceptible d'être consommée par seconde » était pour le moins floue et forcément source de complexité technique et administrative pour les porteurs de projet. Avec le choix effectué, les puissances ne seront pas augmentées, et les lourdeurs administratives afférentes à la police des installations classées ne seront pas réformées. Le dé ve-lop pement des énergies de sources renouvelables, et plus particulièrement la biomasse, en sera forcément ralenti.
Le régime de la rubrique 2910 a par ailleurs été modifié. Ainsi, la rubrique 2910-B prône dorénavant un régime d'enregistrement. Un seuil intermédiaire est créé en son sein, exonérant les installations de combustion d'une puissance comprise entre 0,1 et 20 MW de la lourde procédure de l'autorisation, en les soumettant au régime, plus souple, de l'enregistrement. Il est évident que cet apport constitue un allégement de certaines procédures et certains régimes pour l'installation d'unités de combustion, et dans un souci de promotion des procédés de production d'énergie de sources renouvelables, nous ne pouvons qu'accueillir avec satisfaction cette initiative.
Par ailleurs, le nombre d'installations relevant du régime de la rubrique 2910-B se voit élargi par le décret. En effet, sont, en outre, concernés par les prescriptions de cette rubrique, les déchets végétaux provenant du secteur industriel de la transformation alimentaire, si la chaleur produite est valorisée ; les déchets végétaux fibreux issus de la production de pâte vierge et de la production de papier à partir de pâte, s'ils sont coïncinérés sur le lieu de production et si la chaleur produite est valorisée ; les déchets de bois, à l'exception de ceux qui sont susceptibles de contenir des composés organiques halogénés ou des métaux lourds à la suite d'un traitement avec des conservateurs du bois ou du placement d'un revêtement, y compris notamment ceux provenant de déchets de construction ou de démolition.
Ces modifications favoriseront-elles la valorisation énergétique de la biomasse ? Force est de constater que les installations de combustion des déchets concernées se voient soumises à un régime plus contraignant que s'ils étaient soumis à la rubrique 2910-A. Ce postulat ne concerne que les installations d'une puissance thermique nominale inférieure à 20 MW. Sous la rubrique 2910-A, ils n'auraient été soumis qu'à la procédure de déclaration contrôlée. Mais la proposition de décret les a soumis au régime plus lourd de l'enregistrement, sous la rubrique 2910-B. En outre, entre 0,1 et 2 MW, la rubrique 2910-A exonère ses installations de toute procédure, quand la 2910-B leur impose toujours une soumission à la police des installations classées.
Suivant ce raisonnement, nous pouvons affirmer que la nouvelle rubrique 2910 alourdit le régime qui s'applique aux déchets concernés en les soumettant à la rubrique 2910-B, tout en assouplissant le régime applicable aux petites installations mettant en œuvre leur combustion.
Une définition de la biomasse floue et technique, un régime plus contraignant pour une partie des procédés énergétiques, la récente modification de la rubrique 2910 de la nomenclature ICPE ne contribuera pas au développement des énergies produites via la biomasse. Quant à l'ambition de simplifier le droit de l'environnement, elle est loin d'être atteinte. l