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n France, le premier appel d'offres pour l'éolien offshore est quasiment une première. Les eaux sont profondes (jusqu'à 40 mètres) et les installateurs français ont choisi des éoliennes de 5 ou 6 MW, au lieu de 3,5 MW en moyenne pour les éoliennes déjà implantées en Europe du Nord », compare Jean-Jacques Le Norment, chef de projet pour le développement du port de Brest. Au final, tout est plus grand et lourd : la nacelle (450 tonnes), les pales (70 mètres de long) mais surtout, les fondations.
Pour installer ces éléments en mer, des navires équipés d'une grue capable de soulever plus de 1 000 tonnes à une centaine de mètres sont nécessaires. Pour améliorer leur stabilité, de tels navires possèdent quatre « jambes métalliques » de plusieurs dizaines de mètres qui glissent vers les fonds marins une fois le navire arrivé sur site. Lorsqu'elles sont posées sur le sol, elles font passer le navire hors de l'eau. « Il existe des navires tout-en-un pour le transport et le grutage et d'autres destinés uniquement au grutage. Le transport se fait alors par barges. Les navires avec grues sont caractéristiques de l'éolien offshore et les barges sont soit adaptées pour ce nouvel usage, soit construites spécialement. Historiquement, les projets étaient plutôt situés près des côtes et les navires combinaient transport et grutage », raconte Jean-François Petit, directeur général adjoint en charge de l'offshore à Eole-Res, l'entreprise qui développe avec la compagnie électrique Iberdrola le champ éolien de Saint-Brieuc. « La deuxième solution devient intéressante si l'on souhaite éviter les allers-retours. Sur le site de Saint-Brieuc, les éléments arriveront du Havre et, vu la distance, nous pensons utiliser deux types de navires. »
La France ne possède pas d'embarcation spécialisée dans les éoliennes offshore et aucun armateur français n'a annoncé un tel achat. Les acteurs manquent donc de visibilité car, si près de 2 GW de projets doivent théoriquement être installés entre 2015 et 2020, d'éventuels retards ou recours pourraient décaler l'installation de plusieurs années. L'absence de flotte française ne devrait toutefois pas bloquer les chantiers. « On a beaucoup parlé de la disponibilité de ces bateaux en 2009 et 2010, mais depuis, de nombreux navires ont été fabriqués à l'étranger et des projets ont été décalés au niveau européen », relativise Stéphane His, responsable de la ligne de produits énergies renouvelables de Technip, l'entreprise qui va gérer sur le parc de Saint-Brieuc le transport des éoliennes, des fondations et du câblage.
« À l'heure actuelle, la tendance est à la suroffre pour ce type de navire et nous pensons faire appel au marché existant plutôt que d'investir quelque 200 millions d'euros dans un navire propriétaire. »
Outre ces navires, l'installation d'éoliennes offshore requiert des ports spécialement aménagés. Sous le poids des fondations et de la grue, les quais ordinaires s'effondreraient ! « Leur portance actuelle est d'environ 4 tonnes par mètre carré, alors que le chargement des fondations nécessite une portance de 10 à 15 tonnes sur au moins un module de 150 mètres », précise Jean-Jacques Le Norment. Aucun port français ne possède un tel quai, mais ceux de Cherbourg, Brest, Saint-Nazaire et du Havre ont lancé des investissements pour être prêts lors du déploiement des éoliennes du premier appel d'offres. Outre la création et le renforcement des quais, ces ports libéreront des espaces importants à proximité pour la fabrication et l'assemblage. Par exemple, Cherbourg va prolonger son quai de 220 m et libérer 44 ha. À Brest, un investissement de 134 millions d'euros a été voté pour, entre autres, aménager 35 ha à terre et construire 250 m de quais lourds. Les investissements sont lancés, mais il subsiste une incertitude car les projets peuvent encore être stoppés : les maîtres d'ouvrage ne prendront leur décision finale qu'en 2015.