Rien n'est réglé sur le front du panneau solaire. Des droits antidumping provisoires de 11,8 % avaient été imposés aux produits chinois du 4 juin au 6 août 2013. Ils étaient supposés passer à 47,6 % si aucune solution amiable n'était trouvée entre l'Europe et la Chine. L'Union européenne ne souhaitant pas s'attirer les foudres commerciales de l'Empire du milieu, elle s'était activée et un compromis avait été trouvé le 27 juillet. Jusqu'en 2015, les panneaux chinois et leurs composants seront donc exemptés de droit antidumping s'ils sont vendus au-dessus de 0,56 euro le watt et dans la limite de 7 GW par an. Cet accord a été approuvé le 2 décembre dernier par le Conseil européen... mais il est loin de faire l'unanimité.
L'origine de cette affaire remonte à juillet 2012 avec une plainte déposée par EU ProSun, une association représentant plus d'une vingtaine de fabricants européens. « Les calculs étaient simples, retrace Milan Nitzschke, son président. Nous savions que les coûts de production en Chine et en Europe étaient à peu près les mêmes, puisque le prix des matériaux est identique et que la main-d'œuvre moins chère en Chine était compensée par une plus grande automatisation en Europe. » Or les panneaux chinois étaient vendus à des prix très bas par rapport aux matériels européens. EU ProSun a alors dénoncé le dumping des Chinois, accusés de vendre les matériels à des prix inférieurs à la valeur du marché. « Les banques et le gouvernement chinois ont tellement financé les usines de panneaux solaires que le pays dispose d'une énorme surcapacité de production : il peut fournir 60 GW de panneaux alors que le marché mondial n'est que de 30 GW », justifie le président d'EU ProSun. Les industriels chinois auraient donc écoulé leur marchandise au prix le plus bas possible, s'octroyant plus de 80 % du marché du Vieux Continent. Après neuf mois d'enquête, les conclusions de la Commission européenne ont corroboré mi-2013 la version d'EU ProSun : « À leur juste valeur, les panneaux solaires chinois devraient être vendus en Europe à un prix supérieur de 88 % à celui facturé. » D'où les mesures antidumping, puis le compromis trouvé avec la Chine. Mais l'accord sino-européen n'a pas convaincu. Un seuil à 0,56 euro le watt ? « A l'été 2013, un fabricant chinois comme Yingli Solar vendait déjà ses produits à 0,57 euro le watt. Le prix plancher a donc été fixé au-dessous du prix pratiqué, pointe Milan Nitzschke. Quant à la limite de volume à 7 GW, sachant que le marché européen est de 9 à 10 GW, cela ne changera rien. » Seule consolation : cette solution évitera que les prix ne descendent encore plus bas. EU ProSun a attaqué l'accord devant la Cour européenne de justice. Car en l'absence d'un meilleur compromis, l'association prédit la poursuite des mises en faillite des producteurs européens.