Mieux Pilote connaître les territoires pour exploi-Sur le marché ter judicieusement leurs ressources et mieux les protéger des catastrophes naturelles : tel est l'objectif du Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) en lançant une campagne de mesures géophysiques aéroportées sur l'île de la Réunion, pour un montant de 2,4 millions d'euros. Un procédé bien rodé, puisque le BRGM a déjà opéré à Mayotte en 2010, et à la Guadeloupe et la Martinique en 2013.
Deux technologies sont mises en œuvre depuis un hélicoptère volant à faible altitude. Les mesures magnétiques, basées sur l'analyse des variations naturelles du champ magnétique terrestre, fournissent une cartographie des grandes formations géologiques du sous-sol, jusqu'à plusieurs kilomètres de profondeur. Elles donnent des indications sur les failles et les accidents géologiques. La deuxième technologie consiste à envoyer un signal électromagnétique vers le sol et à enregistrer ses modifications lorsqu'il interagit avec les roches. On mesure ainsi leur conductivité électrique. Ces méthodes électromagnétiques sondent bien moins profondément, jusqu'à 200 mètres, mais apportent des informations cruciales sur la nature des roches. En effet, elles permettent de connaître leur porosité, la présence de fluides, la salinité, et elles sont sensibles à la présence d'argile.
L'intérêt des mesures aéroportées est double. Tout d'abord, elles offrent une vision globale de tout un territoire, à l'exception des zones urbaines, alors que les mesures de terrain demeurent forcément cantonnées aux petites zones fa cilement accessibles. D'autre part, leur coût au kilomètre carré reste faible. Le BRGM prévoit plus de 10 000 km de lignes de vol, espacées de 400 mètres, voire plus rapprochées dans les zones les plus intéressantes.
Les mesures à la Réunion auront lieu pendant l'hiver austral (l'été 2014 en métropole). Les données concernant la Guadeloupe et la Martinique sont en cours de traitement. Les premiers résultats sont très prometteurs. « Nous cartographions en 3D des intrusions salines dans les aquifères d'eau douce, souligne Bertrand Aunay, hydrogéologue au BRGM. Objectif : prélever la juste quantité d'eau sans amplifier le phénomène naturel de pénétration de l'eau salée. » L'idéal reste de prélever l'eau en altitude, au-dessus des zones urbanisées ou des exploitations agricoles. Là encore, les mesures aéroportées sont utiles pour localiser ces ressources.
La recherche exploratoire en géothermie à haute et moyenne énergie dans la plaine du Lamentin en Martinique bénéficie également des mesures aéroportées. « Nous avons cartographié les discontinuités et les failles des roches, et avons précisé les zones les plus intéressantes pour ce projet, indique Guillaume Martelet, géophysicien au BRGM. Ces mesures sont un élément de décision important. »
Le BRGM s'intéresse aussi aux glissements de terrain. À la Réunion notamment, deux glissements de grande ampleur dans les zones habitées déplacent plus de 300 millions de mètres cubes de matériaux, à une vitesse de 10 à 40 centimètres par an, et jusqu'à plus d'un mètre pour certaines habitations. Les mesures aéroportées permettront de réaliser des imageries 3D de ces zones à risques. « Aujourd'hui, nous savons ce qui se passe en surface, mais pas en profondeur, indique Bertrand Aunay. Grâce à ces mesures, nous connaîtrons mieux la géométrie et l'architecture des roches dans le sous-sol. »