Comment faire coïncider la production d'électricité photovoltaïque et les besoins d'un bâtiment ou d'un îlot urbain ? La solution la plus évidente est a priori le stockage. Les technologies existent d'ores et déjà, sous la forme de batteries au lithium ou au plomb, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients. « Les batteries au lithium ont de bonnes performances, mais elles sont peu satisfaisantes sur le plan environnemental », estime Florent Poullard, chargé de projet chez SB Energy. Pour Roland D'Authier, président d'Axun Solar, il ne faut compter « que sur les batteries au plomb, moins chères et dont la filière est mature. Les brevets sont dans le domaine public depuis quarante ans. La technologie est optimisée et même le recyclage est organisé. »
Cela dit, qu'elles soient au plomb ou au lithium, les batteries présentent toutes le même inconvénient : le prix. « Installer des batteries augmente d'environ 70 % le coût de l'électricité photovoltaïque produite », chiffre Florent Poullard. Lors de leur installation, il est donc impératif d'en estimer correctement la nécessité. Axun Solar a d'ailleurs mis au point un simulateur gratuit pour mesurer les besoins en stockage en fonction des consommations et de l'installation photovoltaïque. « L'objectif est de faire monter les professionnels, mais aussi les particuliers, en compétences techniques pour éviter un faux départ de l'autoconsommation, qui serait lancé par des commerciaux désireux de vendre leurs produits », souligne Roland D'Authier. Théoriquement, pour dimensionner le stockage le plus efficacement possible, il faudrait enregistrer production et consommation sur une année entière avant d'ajouter des batteries. Pour ceux qui n'ont pas la patience d'attendre, Axun Solar propose un kit de deux batteries accompagnées d'un système d'enregistrement des consommations, de la production et de l'énergie accumulée. Le dimensionnement du stockage est ensuite revu au bout d'un an, en fonction des données récoltées.
Pour le Syndicat des énergies renouvelables (SER), il existe un marché idéal pour que le stockage fasse ses preuves : celui des départements d'outremer (DOM). « Des perspectives d'amélioration en termes de technologie et de coût existent, mais le stockage est encore trop cher pour se développer en France métropolitaine », note Romain Poubeau, responsable de la filière solaire photovoltaïque au SER. Dans les DOM, en revanche, la pertinence économique peut être évaluée dès aujourd'hui, car le prix de l'électricité fossile y est très élevé. » Selon le syndicat, les DOM pourraient ainsi devenir un laboratoire pour l'autoconsommation alliée au stockage, aux services systèmes et à la maîtrise de l'énergie. « Cela ferait repartir la filière qui est complètement à l'arrêt, puisque le mécanisme de soutien en place en France n'est pas adapté à ces régions », poursuit Romain Poubeau. La ministre de l'Écologie Ségolène Royal a d'ailleurs lancé, fin juillet, l'élaboration d'un cahier des charges pour un nouvel appel d'offres solaire photovoltaïque avec stockage en outre-mer, pour un volume prévu de 50 MW. Conjugué aux investissements massifs dans les batteries des véhicules électriques, qui pourraient également bénéficier au photovoltaïque, ce genre d'initiative devrait faire baisser le coût des technologies dans les années à venir. « D'ici à dix ans, le coût du stockage sera divisé par deux ou trois », prédit Richard Loyen, secrétaire général d'Enerplan.
Pour le moment, d'autres solutions, relevant plutôt du pilotage intelligent des consommations et de la production, commencent à apparaître sur le marché français. L'astuce la plus simple consiste à installer un « watt-water », un variateur de cumulus qui chauffe l'eau chaude en fonction de la production des panneaux solaires. « Pour un particulier qui installe plus de 1 kW chez lui, faire appel à ce genre d'outil coûte environ 1 000 euros et permet d'obtenir un taux d'autoconsommation d'au moins 80 % », détaille Roland D'Authier.
Des solutions pour gérer toutes les consommations de la maison selon la production solaire sont même proposées par certaines entreprises, telles que Comwatt et MyLight Systems. L'Indepbox Power de Comwatt, mise sur le marché au début de l'année, permettrait ainsi de passer d'un taux d'autoproduction naturelle de 10 à 15 % à un taux d'autoproduction optimisée de 50 %.
« Notre outil surveille à chaque instant la production et la consommation naturelle, et évalue s'il y a un gisement de kilowattheures disponibles, présente Vincenzo La Tosa, responsable commercial et marketing chez Comwatt. Le but est alors d'utiliser cette surproduction pour un usage demandé par le client, par exemple pour faire tourner le lavevaisselle, le filtre de la piscine, le lave-linge… » Le principe est le même chez MyLight Systems, qui propose sa solution sur le marché français depuis septembre. « Nous avons développé un système de gestion à distance qui déplace les consommations d'électricité au moment des heures solaires, en fonction des limites imposées par l'utilisateur afin de ne pas altérer son confort », précise Ondine Suavet, directrice de MyLight Systems. En y ajoutant la gestion des veilles, l'affichage et d'autres services visant la réduction des consommations, de telles solutions permettraient d'atteindre une diminution de la facture électrique de 70 % tout en gardant une puissance installée supérieure à la simple consommation de veille de la maison. « Cela change la façon dont l'installation photovoltaïque est dimensionnée pour l'autoconsommation : habituellement, la centrale est volontairement sous-dimensionnée pour garantir un bon taux d'autoconsommation en produisant moins que nécessaire au foyer. Avec notre système, il est possible de mettre plus de panneaux », compare Vincenzo La Tosa, de chez Comwatt. Le temps de retour sur investissement d'une installation photovoltaïque en autoconsommation équipée d'un tel système, dont le prix tourne autour de 2 000 euros pour un particulier, est estimé entre sept et neuf ans dans la moitié sud de la France. Seules quelques centaines d'installations de ce type ont pour le moment été réalisées. Il faudra attendre les retours d'expérience pour savoir si elles faciliteront le développement de l'autoconsommation photovoltaïque.