La COP21 approche. Comment la question climatique fait-elle évoluer le métier de Bouygues ? Fabrice Bonnifet : Le développement durable et la lutte contre le changement climatique font appel à de nouvelles compétences et à des modes contractuels innovants. Il s’agit de consommer toujours moins de ressources pour toujours plus de valeur perçue par nos clients. Nous avons ainsi soutenu la création du Mastère Spécialisé « Integrated Urban Systems » avec l’école des Ponts et Chaussées. Son objectif : former des chefs de projets capables de développer dans le domaine de la ville durable des offres intégrées, où les données de sortie des uns deviennent les données d’entrée des autres. Le temps où une entreprise pouvait tout faire seule est révolu. Dans le cadre du démonstrateur de Bouygues Immobilier « Issy Grid » par exemple, nous travaillons avec Schneider Electric, Microsoft, ERDF, Steria… ou encore Embix, un opérateur énergétique urbain que nous avons créé avec Alstom. Bouygues a été le premier à construire un Bepos, un bâtiment à énergie positive. Nous travaillons désormais à l’échelle d’un îlot urbain avec Hikari à Lyon, notre première référence en matière de territoire à énergie positive.Vous avez, dans le neuf, trouvé un modèle économique pour votre bâtiment de bureaux à énergie positive, Green Office. Et pour la rénovation ?Fabrice Bonnifet : Dans le tertiaire, nous avons créé l'offre Rehagreen dès 2011. Elle propose une rénovation complète aux meilleurs standards énergétiques et de confort. Nous disposons de trois leviers pour convaincre nos clients : la baisse de leurs factures d'énergie, le confort d’usage et la hausse de la valeur « verte » du bien. Avec la rénovation de Challenger, nous avons démontré notre savoir-faire technique. Cette opération a transformé le siège de Bouygues Construction en Bepos.La question est plus délicate coté logement… Fabrice Bonnifet : En effet. Il n'existe pas encore de modèle économique stable pour le résidentiel. Malgré tout, pour les bâtiments les plus énergivores, le marché commence à décoller. Pour accélérer la transition, nous plaidons pour le développement de nouveaux modes de financement, notamment dans le cadre du Shift Project, groupe de réflexion dont nous sommes membre fondateur. Les sociétés de tiers financement sont un outil à déployer. Deuxième levier, l'obligation de rénovation à chaque mutation. Le parc résidentiel pourrait ainsi passer en classe B en trois ou quatre mutations. Nous préparons aussi avec le Crédit Agricole un nouveau produit. La banque autorisera une extension de prêt jusqu'à 38 % d'endettement, contre 35% d'ordinaire. Le client remboursera le surplus grâce à des économies d'énergie que nous garantirons grâce à un système de monitoring et de coaching énergétique.Quelles autres innovations préparez-vous ? Fabrice Bonnifet : Bouygues a ouvert en juin un premier centre de coworking à Issy-les-Moulineaux : NextDoor. Nous projetons d’en ouvrir une quinzaine. Ces espaces contribuent à la réduction des déplacements, qui représentent une grande part des émissions de CO2 liées à l’usage des bâtiments. Nous travaillons aussi sur des capteurs indiquant la disponibilité des places extérieures de stationnement en ville, sur les fermes agricoles urbaines et sur la notion de bâtiments en tant que « banques de matériaux », qui pourront constituer des gisements de ressources pour de futurs bâtiments.TB-FT