Elle aura attendu le passage de la COP 21 pour se lancer. La Française de l’énergie a confirmé en mars son intention d'exploiter, en Lorraine et dans les Hauts-de-France, du gaz de mine et du gaz de charbon. De quoi s'agit-il ? Le premier s'échappe d'anciennes mines et contient 50 % de méthane, le solde étant de l'azote et du CO2. Le second, autrement appelé gaz de houille, est obtenu par forage de sites où le charbon n'est pas exploité. Le gaz récupéré comprend cette fois 96 % de méthane.Une ancienne filialeJusqu'en juin 2015, la Française de l'énergie s'appelait European Gas Limited. « La société a ses racines en Australie, où elle était autrefois cotée. Mais elle possédait déjà des actifs en Europe », retrace Antoine Forcinal, son directeur général délégué aux opérations. « Aujourd'hui, l'actionnariat et le management sont majoritairement français. D'où le changement de nom. » Et un recentrage sur le territoire hexagonal. La Française de l'énergie revendique ainsi en Lorraine deux permis pour le gaz de charbon « et deux autres que nous espérons obtenir dans les mois à venir », évoque le dirigeant. Objectif : démarrer l'exploitation en 2017. Grâce à ces sites lorrains, l'entreprise espère produire après 2025 l'équivalent de 5 % de la consommation française actuelle de gaz. Dans les Hauts-de-France, ses projets dans le gaz de charbon sont moins avancés. Mais elle compte y exploiter dans l'immédiat des sites de gaz de mine. Ils sont pour l'instant opérés par Gazonor, une ancienne filiale vendue en 2012 pour éponger les dettes de la société mais en passe d'être rachetée.Qatar et RussieCette actualité ne manque pas de relancer les interrogations sur l’impact environnemental de l’extraction du gaz de charbon. La Française de l'énergie met en avant une étude de l'institut allemand Ifeu : avec 3,4 g de CO2 par kilowattheure, son gaz de houille émettrait dix fois moins que le gaz aujourd'hui importé. Et pour cause : « Notre gaz de charbon pourra être injecté directement dans le réseau sans traitement, car il contient déjà 96 % de méthane », défend Antoine Forcinal. « À l'inverse, le gaz importé du Qatar doit être compressé, liquéfié, transporté puis regazéifié. Et celui provenant de Russie doit parcourir des milliers de kilomètres avec des recompressions régulières pour traverser l'Europe. » Le groupe assure également que ses procédés ne pollueront pas les eaux souterraines, parce que les forages seront réalisés sans produits chimiques. Il dément aussi employer des techniques telle que la fracturation hydraulique. Les opérations pourraient toutefois nécessiter de gros volumes d'eau pour maintenir une pression suffisante. D'après un rapport de l’Ineris et du BRGM datant de 2013, « les impacts possibles sur la ressource en eau constituent, selon toute vraisemblance, l’impact environnemental potentiellement le plus sensible lié à la mise en œuvre de la filière ». Ce rapport pointait le risque d’impact sur le niveau des nappes superficielles, sur la qualité des eaux souterraines et sur les eaux de surface en raison des effluents.Entre 59 et 78,5 euros du mégawattheureL’autre question porte sur l’intérêt économique de la filière. Le gaz de mine est considéré comme une énergie de récupération en vertu d’un décret du 29 mars 2014. Aujourd'hui, Gazonor le revend sous forme de gaz. La Française de l'énergie voudrait le convertir en électricité et bénéficier d'un tarif d'achat compris entre 59 et 78,50 euros du mégawattheure. Pour le gaz de charbon en revanche, aucun choix n'a encore été fait. Il faudra aussi sécuriser juridiquement les projets. Depuis le 1er juin 2012, les travaux de recherche à des profondeurs supérieures à cent mètres doivent faire l'objet d'études d'impact et d'enquêtes publiques. « La Française de l'énergie s'est dépêchée de déposer ses demandes de permis avant la date fatidique », se souvient Olivier Gourbinot, membre du réseau juridique de FNE. « Mais, même si elle a obtenu des permis d'exploration, il lui faut décrocher des concessions par décret en Conseil d’État après enquête publique pour pouvoir exploiter. Ou alors elle n'envisage pour l'instant que des tests de mise en production. » FNE émet aussi des réserves sur le procédé d'exploitation. « Aujourd'hui, vous pouvez obtenir une concession sans détailler les technologies utilisées », déplore Olivier Gourbinot. C'était l'un des enjeux de la réforme du Code minier un temps envisagé.Thomas Blosseville et Julien Dupain