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ÉNERGIE

[Tribune] Le CO2 est-il la molécule idéale pour stocker des énergies renouvelables ?

PUBLIÉ LE 24 MAI 2021
ELSJE ALESSANDRA QUADRELLI
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[Tribune] Le CO2 est-il la molécule idéale pour stocker des énergies renouvelables ?
Elsje Alessandra Quadrelli, directrice de Recherche CNRS à l’institut de recherche sur la catalyse et l’environnement de Lyon (IRCELyon) et titulaire de la Chaire de Développement Durable CPE Lyon. Crédits : DR
Les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 67 % entre 1790 et 2018. Pour le meilleur et pour le pire. Aujourd’hui sa concentration est record malgré les solutions alternatives. Et si nous gardions le meilleur ? Le CO2, porte battante entre chimie et énergie, peut-il devenir une molécule idéale pour stocker des énergies renouvelables ? Elsje Alessandra Quadrelli, directrice de Recherche CNRS à l’institut de recherche sur la catalyse et l’environnement de Lyon (IRCELyon), évoque les possibilités de valorisation du CO2 et son atout dans la gestion et le stockage des énergies renouvelables.

Envols sociétaux… et de CO2 ? La révolution industrielle a permis un essor économique et sociétal important. Les énergies fossiles - charbon, pétrole et gaz naturel - ont été des composantes essentielles de ce développement. Et l’industrie chimique, sans qui les progrès n’auraient pas été aussi importants, a été et est encore grandement tributaire de ces énergies fossiles. Ces émissions anthropiques de gaz à effet de serre, responsables du phénomène du réchauffement climatique, vont devenir peu à peu une préoccupation par ses conséquences potentiellement néfastes sur l’économie, la société et l’environnement. Pour l’ONU, le ralentissement industriel dû à la pandémie de Covid-19 n’a pas freiné l’augmentation record des concentrations de CO2, le principal gaz à effet de serre persistant dans l’atmosphère.

Les cycles naturels enlèvent la moitié du CO2 émis industriellement mais la partie non « recaptée » est suffisante pour déstabiliser le climat. Comment aider ce cycle naturel en ajoutant des cycles de carbonations rapides ? Des solutions ont émergé comme le captage et le stockage du CO2, où le fait de récupérer le CO2 des fumées industrielles, le comprimer, le transporter et le stocker géologiquement. En plus de ce stockage géologique, la solution du stockage chimique existe aussi avec, à la clé, la synthèse de produits à haute valeur ajoutée. Voici un exemple à haut potentiel : la collaboration entre LafargeHolcim et la start-up américaine Solidia Technologies® pour industrialiser une technologie qui produit du béton préfabriqué en utilisant du CO2 capté.

Autre exemple : les matériaux de construction de Carbon8 Systems qui sont issus de la réaction entre CO2 capté d’émissions industrielles ("flu gas") et de résidus industriels dont des mâchefers. La start-up française MeCaWaRe propose une technologie pour industrialiser le recyclage des métaux rares basée sur le captage de CO2. Mais du point de vue du cycle du CO2, ce sont des solutions de remédiation en bout de chaine et, sans autres changement, l’échelle est rédhibitoire : comment stocker chaque année chimiquement ou sous terre les 20 Gigatonnes de CO2 prévu si on ne réduit pas sa source primaire ? La gestion du déchet n’est plus suffisante : la seconde révolution doit être verte pour réussir à produire des carburants non-fossiles.

La chimie, une possibilité pour stocker et déstocker ces nouvelles sources d’énergies

Pour baisser les émissions de CO2 à la source, ce sont des énergies alternatives que nous devons utiliser. Mais les énergies renouvelables ont des variabilités saisonnières et géographiques et donc un problème de compatibilité immédiate avec nos systèmes de production qui ne suivent pas ce même cycle. La chimie devient, dans le cadre de la transition énergétique, une des clés possibles pour stocker et déstocker ces nouvelles sources d’énergies. Le CO2, porte battante entre chimie et énergie, devient une molécule potentielle idéale pour stocker les énergies renouvelables. La chimie n’est alors plus tributaire du secteur de l’énergie, mais sujet de la « création » de carburants à partir d’énergies renouvelables.

Trouver des molécules vectrices d’énergies renouvelables et les procédés associés (électro chimie, photochimie, solaire thermiques, ...) capables de donner des carburants liquides (transportables et stockables) est le cœur de la révolution copernicienne au sein de l’énergie. Le CO2 est une molécule vectrice, avec à la clé une « économie au méthanol » popularisée par le prix Nobel de chimie George Olah. Cette vision de la chimie du CO2 pour stocker des énergies renouvelables est déjà à l’œuvre. La conversion de CO2 en méthane, alimenté par des énergies renouvelables, est au cœur de la stratégie de e-mobilité du fabricant automobile AUDI avec le projet de Audi A3 g-tron qui convertit CO2 en méthane par réaction chimique avec H2, idéalement issu de la filière verte.

Nécessité d’investissement pour combler le décalage

Ce stockage d’énergie renouvelable encore plus direct est issue depuis peu de l’équipe du Pr. Robert du laboratoire de recherche académique LEM de l’université de Paris qui réussit à convertir CO2 en méthane avec la lumière comme source d’énergie. A grande échelle, la société islandaise Carbon Recycling International produit du méthanol à partir de CO2 sans émettre les quantités de CO2 normalement associés à cette production.

Il est important de noter qu’il y a évidemment un décalage entre le niveau de déploiement actuel de ces procédés alternatifs aux fossiles, encore embryonnaire pour certains aspects, versus les quantités en jeu nécessaires, qui sont, elles, massives. Cependant, quand on veut s’inscrire dans une révolution copernicienne on ne peut pas prétendre que ces solutions profondément en rupture avec l’existant aient la même maturité technologique ou la même rentabilité économique d’une solution basée sur la correction de l’existant. Mais il y a un potentiel tel que cela fait sens d’investir pour combler ce décalage.
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