« Briser l’omerta » sur l’amiante en milieu scolaire, c’est fait : suite à la parution d’un article du Monde citant un rapport « confidentiel », remis au ministère de l’Education nationale par les inspecteurs sécurité et santé au travail (ISST), un collectif d’associations et de syndicats a transmis à la presse le document, le 26 novembre. Reste à faire de l’éradication du matériau cancérigène dans le bâti scolaire une « cause nationale », comme y appelle la Fédération des conseils de parents d’élèves.
PUBLICITÉ
46 % des écoles dont le permis de construire est antérieur au 1er juillet 1997 n’ont pas fait réaliser de document technique amiante (DTA), relève le rapport1. Un chiffre qui n’était que de 30 % selon un rapport – public – de 2016. Deux DTA sur trois ont été produits après l’échéance réglementaire (31/12/2005). Seuls 47 % des occupants et 13 % des conseils d’école accèdent à la fiche récapitulative du DTA.
« Il existe un ou des matériaux et produits contenant de l’amiante (MPCA) présentant un état dégradé dans 22 % des écoles concernées », notent les ISST. Une école sur dix ne recèle que des MPCA de la liste A – susceptibles de libérer des fibres d’amiante du seul fait de leur vieillissement2 – et 35 % font coexister les listes A et B (risque de dispersion en cas de travaux3). Seuls 22 % des DTA localisent précisément les MPCA (plan de repérage, croquis, photos) et 16 % signalent l’obligation d’évaluation triennale de l’état de conservation de ceux de la liste A.
L’Etat démissionnaire
Certes, c’est au propriétaire – la commune pour les écoles – qu’incombe l’élaboration du DTA. Ce qui ne dédouane en rien l’Etat, jugent les enseignants. « Selon la circulaire du 28/07/15, l’employeur doit veiller à la réalisation, l’actualisation et la communication aux usagers du DTA », rappelle Julie Olivier, de Sud Education. Or chacune des 30 académies ne compte qu’un ISST qui, sur celle de Versailles, « devrait étudier les DTA de plus de 4.000 établissements », observe Claudine Bézol, de la FSU. Parmi les « mesures d’urgence » réclamées par l’association Urgence amiante école : la création d’une base de données « lisible et consultable par tous ».
Michel Parigot, président du Comité anti-amiante de Jussieu, pointe « la démission des pouvoirs publics », qui n’exercent « aucun contrôle » sur l’application des textes. « Au milieu des années 1990, les premières mobilisations dénonçaient les dalles en vinyle amiante en maternelle. On en est toujours là », déplore le mathématicien.
Alain Bobbio, secrétaire de l’Association nationale des victimes de l’amiante (Andeva) pointe « la rétention d’information » : « Une étude réalisée par la Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France à la demande de l’Anses montre un empoussièrement, après nettoyage de dalles amiantées par une monobrosse, de 44 fibres par litre d’air » - quand le seuil légal est de 5F/l. La direction générale de la Santé s’opposerait à sa publication.
Le militant souligne toutefois la transparence de certaines villes : « Auxerre met sur clé USB les DTA de toutes ses écoles. »
1 : « Contrôle des obligations réglementaires relatif au dossier technique amiante dans les écoles publiques », rédigé après visite, en 2017-18, de 175 écoles dont 154 ayant fait l’objet d’un permis de construire avant le 01/07/97
2 : flocages, calorifugeages et certains types de faux-plafonds
3 : toitures, bardages, plaques d’amiante-ciment, dalles de sol en vinyle-amiante, conduites