Les actionnaires changent, mais, heureusement, pas les projets. Alteo, ex-Rio Tinto, ex-Pechiney, poursuit son programme d'investissements pour réduire les impacts environnementaux de l'extraction de l'alumine, à Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône. En tout, 30 millions seront investis d'ici à 2015 avec un enjeu de taille : arrêter définitivement les rejets des résidus de traitement dans l'environnement – en l'occurrence, au fond de la mer. « À cette date, le site de Gardanne sera le seul au niveau mondial, à disposer d'un traitement aussi poussé de ses résidus de traitement », assure Henri Thomas, le directeur du site.
Car l'extraction d'alumine de son minerai, la bauxite, produit 50 % de résidus, des boues rouges basiques. Et le site de Gardanne traite 1 million de tonnes de bauxite par an… Entre 1966 et 2007, les boues ont été stockées dans deux vallons à proximité. Parallèlement, leur composition étant jugée proche des limons profonds de la Méditerranée, elles sont, depuis 1986, déversées au-dessus d'un canyon sous-marin au large de Cassis, via une conduite de 55 km. Une zone aujourd'hui au cœur du parc des Calanques… Jusqu'à un million de tonnes ont été déversées, en 1986. Selon un arrêté préfectoral, ils doivent cesser au 31 décembre 2015.
Mais que faire des rejets ?
Dans un premier temps, en produire moins. « Nous utilisons maintenant la bauxite de Guinée, la plus concentrée en alumine, qui a limité nos résidus à 300 000 tonnes », raconte Henri Thomas. Ensuite… les réduire. Avec, cette fois, un filtre-presse, de conception maison. Construit en 2006 pour 5 millions d'euros, il sépare la partie solide (130 000 tonnes envoyées en stockage en 2011) des effluents. Restent 180 000 tonnes rejetées en mer… qui seront traitées par un deuxième filtre-presse, opérationnel à la fin de l'année, pour un investissement de 15 millions d'euros. Une autre tranche de 10 millions d'euros permettra la construction d'un troisième filtre-presse et d'une station de traitement des eaux.
Alteo cherche maintenant comment valoriser ces boues déshydratées. Et pour leur faciliter une nouvelle vie, un nom a été trouvé : Bauxaline. Pour l'instant, le principal exutoire est la couverture de centres d'enfouissement de déchets : 84 000 tonnes ont ainsi été utilisées en 2011. Mais la Bauxaline fait face à la concurrence des carrières, et à la fermeture programmée des centres d'enfouissement à proximité. « La Bauxaline pourrait être utilisée en technique routière, mais elle est sensible à l'eau. Aussi, nous étudions ses capacités pour le traitement des eaux et des sols pollués, car ce matériau capte le plomb et d'autres métaux lourds. Nous allons bientôt réaliser des chantiers pilotes », indique Henri Thomas. L'enjeu est de taille : 100 000 tonnes de Bauxaline pourraient être valorisées chaque année.
D'autres études sont en cours sur les effluents issus du filtre-presse. Les résultats sont attendus dans le courant de l'année. Parmi les so lutions étudiées figurent le rejet à la mer ou dans un cours d'eau, mais aussi l'injection dans les cavités souterraines, l'évaporation ou le recyclage dans le procédé.