Incinération, l'industrie la plus propre
Rappelons tout d'abord que le traitement thermique des déchets est un secteur particulièrement réglementé, avec les valeurs limites d'émission autorisées les plus basses de toutes les activités industrielles comportant une combustion. Autre particularité réservée aux incinérateurs de déchets : ce sont, depuis 1998, les seules installations de combustion à devoir mesurer plusieurs fois par an leurs émissions de dioxines et furanes alors qu'elles sont faiblement émettrices de ces polluants puisqu'elles représentent aujourd'hui moins de 5 % du total des émissions de dioxines et furanes en France. « Il est vrai que la méfiance à l'encontre des incinérateurs, née à la suite de la crise des dioxines fin 1980-début 1990 et, hélas, entretenue par certaines associations à la vie dure, alors que depuis la mise en œuvre des premiers traitements de fumées multifonctions en 1986, l'incinération est devenue l'activité de combustion la plus propre », souligne Hubert de Chefdebien, président du SNIDE.
Plusieurs études scientifiques confirment que les risques pour la santé et l'environnement liés aux émissions des incinérateurs sont négligeables.
Ainsi l'Institut de Veille Sanitaire (InVS), dans une étude de 2009, menée avec le ministère de la Santé et l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), devenue depuis ANSES, estimait que les populations résidant à proximité d'incinérateurs ne présentaient pas d'imprégnation anormale par les PCB, les dioxines, le plomb ou le cadmium. Sa conclusion : « Ces résultats ne conduisent pas à préconiser de nouvelles mesures de gestion car la réduction des émissions polluantes des incinérateurs et leur mise aux normes a déjà fait l'objet de mesure ».
Complémentarité avec le recyclage
Certaines associations environnementales opposées à l'incinération présentent les incinérateurs comme des « aspirateurs à déchets » qui détourneraient des flux de déchets du recyclage. Les statistiques européennes montrent au contraire que plus les États membres sont performants en matière de recyclage, plus ils recourent à la valorisation énergétique.
« Nous ne traitons plus que les déchets résiduels, c'est-à-dire ceux restant après valorisations matière (recyclage) et biologique. En effet, les valorisations matière et biologique ne s'appliquent de manière satisfaisante qu'à certaines fractions du gisement des déchets », explique le président du SNIDE.
De plus, la réglementation française, renforcée en 2008, par le Grenelle de l'Environnement, impose le sous-dimensionnement des usines d'incinération pour l'obtention du permis d'exploitation. Objectif : favoriser le recyclage. « Avant 1998, lors du di men sion-nement des usines, on prenait en considération le gisement existant de déchets, auquel on ajoutait l'augmentation attendue du fait de l'accroissement démographique et de la consommation. Aujourd'hui, nous dimensionnons les installations avec des capacités de traitement inférieures au gisement des déchets disponibles pour encourager la valorisation matière, souligne le président du SNIDE. Il n'est donc plus question de surcapacités qui viendraient compro mettre tout effort de recyclage. »
Rôle positif sur l'effet de serre
L'énergie produite par les unités d'incinération à partir de déchets d'origine non fossile, soit environ la moitié, est reconnue par l'Union Européenne comme étant d'origine renouvelable et le CO 2 résultant de la combustion de ces déchets n'est pas comptabilisé pour l'effet de serre car il aurait de toute façon été remis en circulation à court terme. Pour promouvoir cette énergie, le SNIDE a adhéré au Syndicat des Énergies Renouvelables (SER) en 2007. D'autre part, le CO 2 qui est émis par l'incinération à partir du carbone d'origine fossile contenu dans l'autre moitié des déchets, a un potentiel de réchauffement global (PRG) en masse bien inférieur (25 fois) à celui du CH 4 qui aurait été libéré par la dégradation de la fraction organique des déchets si ces derniers étaient simplement enfouis. Bien que les installations de stockage modernes s'efforcent de capter le biogaz, il y a inévitablement des fuites.
Enfin, la valorisation de l'énergie des déchets se substitue à l'énergie d'origine fossile (gaz, pétrole, charbon) qui reste ainsi séquestrée (émissions de gaz à effet de serre évitées). La valorisation du mâchefer et des métaux ferreux et non ferreux (contenus initialement dans les déchets) permet aussi d'économiser les ressources naturelles et d'éviter les impacts environnementaux associés à leur extraction et production, dont l'effet de serre.
Pour ces trois raisons, l'incinération contribue à la réduction de l'effet de serre.
Augmentation de TGAP – suppression des critères de dégrèvement – Fausse bonne idée
À en croire ce qui se dit ou s'écrit ici ou là, l'augmentation de la TGAP sur l'incinération en supprimant, par exemple, les critères de dégrèvement, aura forcément un effet positif sur le taux de recyclage. Il n'en est rien.
Rappelons à ce propos que la Suède avait introduit une taxe similaire en 2006 avec le même objectif : augmenter le taux de recyclage. Or quatre ans après, une commission, mandatée par le gouvernement suédois pour faire le bilan de cette taxe, concluait à l'inefficacité de celle-ci pour changer le comportement des personnes et augmenter ainsi le taux de recyclage. La taxe a donc été supprimée.
Développer la valorisation thermique
Actuellement, la moitié de l'énergie des déchets résiduels est utilisée, soit environ 4 millions de tonnes équivalent pétrole par an. La principale raison est que bon nombre d'installations d'incinération ne sont pas raccordées à un réseau de chaleur et ne font donc que de la valorisation électrique ce qui ne permet qu'un rendement énergétique moindre.
« La construction des centres de valorisation énergétique à distance des zones d'activités ou des villes pour raison politique n'a pas non plus encouragé la vente de chaleur, explique le président du SNIDE. Il faut, à présent, un engagement fort des pouvoirs publics pour amorcer un réel développement de la valorisation thermique. Dans un premier temps, le Fonds Chaleur renouvelable de l'ADEME doit être prolongé et, ensuite, des dispositions prises afin qu'il facilite la création et l'extension des réseaux de chaleur alimentés par les centres de valorisation énergétique. »
Des mesures de soutien complémentaires peuvent être envisagées :
l'uniformisation sur l'année du tarif d'achat de l'électricité produite par les incinérateurs afin d'inciter la production de chaleur en hiver
et l'exonération de TGAP pour les incinérateurs au rendement énergétique élevé.
« Vaste chantier en perspective, souligne le président du SNIDE, qui n'attend que le feu vert des pouvoirs publics pour débuter ; peut-être à l'issue de la Conférence environnementale ? » La route est encore longue en France avant que les installations de traitement thermique des déchets ne soient considérées comme des centrales thermiques à part entière comme en Suède ou au Danemark où elles contribuent significativement à l'indépendance énergétique du pays.