DOMAINE PUBLIC Contravention de voirie – Lorsqu'aller plus loin que l'autorisation donnée constitue un empiétement non autorisé sur le domaine public routier
TA Cergy Pontoise, 8 janvier 2013, Mme B. et autres, n° 1009133
« 7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-21 du Code général des collectivités territoriales « (…) le maire est chargé (…) en particulier 1° De conserver et d'administrer les propriétés de la commune (…) ; / 5° De pourvoir aux mesures relatives à la voirie communale ». ; qu'aux termes de l'article L. 116-1 du Code de la voirie routière : « La répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire sous réserve des questions préjudicielles relevant de la compétence de la juridiction administrative » ; qu'il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à un empiétement sur la voie publique ; que si un élément immobilier vient à être irrégulièrement construit, le maire peut, le cas échéant à la suite d'une mise en demeure de le démolir non suivie d'effet, faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie afin de mettre l'autorité judiciaire en mesure d'ordonner la démolition ; 8. Considérant qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier, que cette terrasse, d'une part, est fermée par des cloisons en plaques de verre dont l'une, parallèle au trottoir, est munie d'une porte à double battant, d'autre part, possède une installation d'éclairage électrique ; que ces éléments immobiliers ont été installés au-delà de ce qu'autorise le permis de stationnement délivré le 6 mai 2010 ; qu'en application des textes précités, le maire était tenu de mettre en demeure la société de restauration de Boulogne d'enlever ces éléments non autorisés, et pouvait, le cas échéant, faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie ; qu'il s'ensuit que la décision du maire de refuser de procéder à cette mise en demeure et, le cas échéant, à faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie, est entachée d'erreur de droit ; »
Un restaurateur a obtenu un permis de stationnement pour installer un auvent d'environ 30 m2 , mais il n'a pas respecté les prescriptions de cette autorisation en installant une cloison et un système électrique.
Les contraventions de voirie routière énumérées à l'article R. 116-2 du Code de la voirie routière sont sanctionnées par le juge judiciaire (art. L. 2331-2 du CGPPP ; art. L. 116-1 du Code de la voirie routière), mais il appartient à l'autorité chargée de la police et de la conservation du domaine public routier de dresser un procès-verbal tendant à constater les faits et lancer la procédure devant le juge judiciaire. La décision de dresser ou de refuser de dresser un procès-verbal est contestée devant les juridictions de l'ordre administratif (CE 21 novembre 2011, Commune de Ploneour-Lanvern, n° 311941 ; AJDA 2011, p. 2267 ; La Gazette des communes, 28 mai 2012, p. 54, note S. Deliancourt)
En l'espèce, le maire a implicitement refusé de dresser un procès-verbal et cette décision est annulée par le tribunal pour erreur de droit en estimant que le non-respect des prescriptions du permis de stationnement constitue une contravention de voirie routière. Le maire est dans l'obligation de faire droit à la demande présentée en ce sens, à moins qu'il ne puisse se prévaloir d'intérêts généraux, ce qui n'était pas le cas ici. Par suite, le refus est annulé et le tribunal enjoint au maire de mettre en demeure la société de restauration de reti-rer les cloisons et l'installation électrique mises en place sous l'auvent autorisé et, sinon, de faire dresser procès-verbal d'une contravention de voirie.
Un aménagement non conforme à une autorisation de voirie justifie la saisine du tribunal par le maire aux fins de contravention de voirie routière.
Pas de contravention de grande voirie sans atteinte portée au domaine public
TA Paris, 2 avril 2013, Voies Navigables de France, n° 1203546/3
« Considérant qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé, le 8 mars 2011, à l'encontre de M. M. pour avoir exécuté sans autorisation « des travaux de modification de la superstructure sur le bateau Galoma immatriculé P015381F, stationné en rivière de Seine, rive droite de la Seine, P.K. 15,6 » à Paris ; que le procès-verbal ne précise pas la nature exacte de ces travaux ; qu'il résulte des explications fournies par le défendeur, et non contestées par Voies navigables de France, qu'il s'agit du remplacement et de la modification d'une baie vitrée sur la cabine de son bateau ; que ces travaux qui portent sur l'aménagement intérieur d'un bateau, propriété privée de M. M., quand bien même ils sont visibles de l'extérieur et auraient été réalisés en méconnaissance des prescriptions de la convention d'occupation temporaire du domaine public fluvial dont est titulaire M. M., ne peuvent être regardés comme des travaux exécutés sur le domaine public fluvial, au sens des articles L. 2124-8 et L. 2132-5 précités du Code général de la propriété des personnes publiques ; que, par suite, Voies navigables de France n'est pas fondé à déférer M. M. devant le tribunal administratif, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, pour demander sa condamnation tant au titre de l'action publique que de l'action domaniale ; »
Une contravention de grande voirie a pour objet de garantir l'affectation du domaine public au public ou au service public et/ou à garantir son intégrité physique (par ex. CE 29 juillet 1943, Rugaret, rec. p. 225 ; CE 8 juin 1966, Ministre des Travaux publics et des Transports c/ Société Worms, rec. p. 383). C'est ce que rappelle l'article L. 2132-2 du CGPPP selon lequel « Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative (…) ». C'est ainsi par exemple que le stationnement sans autorisation d'un navire sur le domaine public fluvial est constitutif d'une telle infraction (par exemple CE 6 octobre 1982, Taisne, p. 619 ; CAA Marseille, 18 octobre 2010, B., Droit de la voirie et du domaine public, avril 2011, n° 151, p. 54, concl. S. Deliancourt). Mais le seul fait que le gardien du navire ne respecte pas les prescriptions de l'autorisation n'est pas nécessairement constitutif d'un tel manquement. C'est ce que rappelle le tribunal administratif de Paris en considérant justement que des travaux d'aménagements intérieurs d'un bateau ne portent aucunement atteinte au domaine public fluvial, tant à son affectation qu'à son intégrité. Par suite, aucune contravention de grande voirie ne peut être prononcée à son encontre.
La contravention de grande voirie n'est pas automatique : l'atteinte au domaine public doit être directe.
Expulsion de Roms sur un campus universitaire
TA Lille, Ord, 11 janvier 2013, Université de Lille 1 Sciences et Technologies, n° 1206986
« 7. Considérant, en cinquième lieu, que sur les quatre sites concernés par la demande de l'Université de Lille 1 sciences et technologies, il n'est pas sérieusement contesté que les parcelles (…) sur lesquelles des familles d'origine roumaine appartenant à la communauté Rom se sont installées avec des caravanes et des abris de fortune, sont la propriété de l'État et sont affectées au service public de l'enseignement supérieur et de la recherche ; qu'en sa qualité d'affectataire du domaine public en cause, l'Université dispose d'un intérêt à agir à l'égard de ces trois sites ; qu'en revanche, il ne ressort pas des éléments du dossier que la parcelle constituant le parking (…);
9. Considérant qu'il est constant que plusieurs centaines de personnes, dont de nombreux enfants en bas âge, sont installées sur les terrains litigieux dans des caravanes, dont la plupart délabrées, et des abris de fortune ; que ces implantations, du fait de l'absence d'infrastructures sanitaires, de l'entassement d'ordures et de déchets, des branchements sauvages sur les candélabres publics et aux bornes incendie ainsi que des nuisances causées aux personnels et aux étudiants de l'Université sont de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité et la tranquillité publiques ; que, dès lors, les conditions d'urgence et d'utilité exigées par l'article L. 521-3 précité sont satisfaites ;
10. Considérant, en septième lieu, que lorsqu'il ordonne l'expulsion d'occupants sans droit ni titre du domaine public, le juge administratif ne peut assortir ladite expulsion d'un délai ; (…)
Le juge des référés du tribunal administratif a été saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative d'une demande aux fins d'expulsion de Roms qui campaient sur le campus universitaire. En l'espèce, il n'y a pas de difficulté sur l'appartenance au domaine public des parcelles concernées dès lors que les terrains sur lesquels est installé le camp de Roms appartiennent à l'État et sont mis à disposition de l'Université qui l'affecte à ses missions. Le terrain appartenant à une personne publique et affecté au service public de l'enseignement supérieur remplit les critères de définition du domaine public posés par l'article L. 2111-1 du CGPPP. »
Le juge des référés est compétent pour connaître de ce litige et statuer après audience publique eu égard au caractère quasi irréversible de la mesure qu'il peut être conduit à prendre et aux effets de celle-ci sur la situation des personnes concernées et dès lors qu'il se prononce en dernier ressort (CE 24 novembre 2006, Wuister, rec. p. 494).
En sa qualité d'affectataire des terrains occupés, l'Université dispose d'un intérêt pour agir, pour introduire la demande d'expulsion concernant les cinq parcelles concernées, quatre étant situées à proximité des résidences universitaires et l'une étant un terrain de sport. En revanche, la parcelle à usage de parc de stationnement située à proximité du campus universitaire n'est pas regardée comme affectée au service public susmentionné. S'il s'agit d'une dépendance du domaine public routier puisqu'elle susceptible d'appartenir à la voirie de Lille Métropole communauté urbaine, l'Université n'a pas d'intérêt à demander l'expulsion des personnes l'occupant. Elle n'en est pas propriétaire et cette seule proximité du campus n'est pas suffisante.
Au fond, le juge fait droit à la demande présentée au motif qu'elle est à la fois utile et urgente, ces deux conditions faisant souvent l'objet d'une appréciation commune de la part des juridictions saisies (CE, 8 juillet 2002, Commune de Cogolin). Tel est le cas en l'espèce puisque le juge relève que ce sont plusieurs centaines de personnes qui occupent ces terrains dans des caravanes, en l'absence d'infrastructures sanitaires. L'entassement d'ordures et de déchets, les branchements sauvages sur les candélabres publics et aux bornes incendie ainsi que les nuisances causées aux personnels et aux étudiants de l'Université, sont de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité et la tranquillité publiques. On note qu'il s'agit ici de considérations de police générale qui permettent éventuellement de renforcer l'urgence, mais pas de l'établir. L'urgence existe du fait même de l'occupation. En outre, l'urgence s'apprécie concrètement et ne fait pas obstacle à ce qu'un délai pratique – nécessairement bref – soit octroyé aux occupants. Les occupants sollicitaient un délai de six mois pour quitter les lieux, mais cette demande est rejetée car elle n'entre pas dans l'office du juge (CAA Paris, 29 janvier 1998, Parenteau, req. n° 97PA02279). Le caractère d'urgence qui justifie le prononcé de la mesure induit une libération immédiate, au besoin assortie d'une astreinte (CE 6 avril 2001, Ministre de l'Éducation nationale c/ Cros Decam et Michel, rec. p. 180). Le tribunal ordonne l'expulsion des Roms et autorise l'Université, si les lieux n'ont pas été immédiatement libérés, à requérir le concours de la force publique.
Attention à la qualification de l'urgence : la collectivité peut demander le recours à la force publique, qui n'est pas automatique.
Étêter n'est pas élaguer
TA Amiens, 11 janvier 2013, Mme D. c. Commune de Venerolles, n° 1001628
« 5. Considérant qu'il résulte [des dispositions des articles L.161-1, L.161-3, L.161-5 et D.161-24 du Code rural et de la pêche] que les propriétaires riverains ont l'obligation d'élaguer leurs haies à l'aplomb des chemins ruraux qu'elles bordent, afin de préserver la sûreté et la commodité du passage sur lesdites voies ; qu'en cas de carence des propriétaires, et après mise en demeure restée infructueuse, l'autorité municipale peut procéder à l'élagage d'office des haies, et mettre à leur charge le montant des travaux strictement nécessaires à la réalisation de l'obligation précitée ;
6. Considérant (…) que le maire de la commune de Vénerolles était fondé à lui demander de procéder à l'élagage de sa haie et, en cas de mise en demeure restée sans résultat, à effectuer d'office les travaux d'élagage à ses frais ; (…). ;
7. Considérant, toutefois, qu'il résulte des pièces du dossier que le maire de la commune de Venerolles a mis à la charge de la requérante le montant des travaux d'élagage et d'étêtage de sa haie pour un montant total de 1 495 euros ; que seul l'élagage de la haie était strictement nécessaire à la réalisation de l'obligation incombant normalement aux propriétaires ; que, dès lors, les frais correspondant aux travaux d'étêtage ne pouvaient être mis à la charge de la requérante ; (…) ; que, par suite, Mme D. est fondée à demander l'annulation du titre exécutoire en date du 1er février 2010 en tant qu'il excède ce montant ; »
L'article D. 161-24 du Code rural et de la pêche maritime exige de la part des propriétaires riverains des chemins ruraux que les branches et racines des arbres qui avancent sur l'emprise desdits chemins soient coupées dans des conditions qui sauvegardent la sûreté et la commodité du passage ainsi que la conservation du chemin. Ce même texte précise qu'en cas de carence de la part des intéressés, les travaux d'élagage peuvent être effectués d'office par la commune, à leurs frais, après une mise en demeure restée sans résultat (Deliancourt (S.), « Le maire et les arbres : des difficultés de taille », Les Annales des loyers, janvier 2013, p. 89.). La commune doit ensuite émettre un titre exécutoire correspondant au montant des travaux réalisés. Ce même mécanisme est désormais prévu pour les voies relevant du domaine public routier communal en vertu de l'article L. 2212-2-2 du CGCT introduit par l'article 78 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.
Le tribunal rappelle que peu importe que la haie ne gène pas le passage puisque dès lors qu'elle empiète sur le chemin rural, elle doit être élaguée. Lorsque la commune procède à des travaux d'élagage le long de chemins ruraux aux frais des propriétaires défaillants, il lui appartient d'apporter la preuve que ces travaux n'ont pas excédé ceux nécessaires pour assurer la sécurité publique et la commodité du passage (TA Limoges, 22 décembre 2011, Botte et Leclerc, req. n° 1000651). Selon l'article D. 161-24 du code précité, « les haies doivent être conduites à l'aplomb de la limite des chemins ruraux ». C'est pourquoi le tribunal rappelle que l'élagage doit concerner la haie à l'aplomb de la limite du chemin rural, ici une longueur de 60 mètres, et non pas l'étêtage de cette même haie, ce qui représente des travaux d'un montant de 720 €. Le tribunal annule ainsi l'acte contesté en tant qu'il excède cette somme. L'exécution d'office nécessite en principe une autorisation législative, ce qui n'est pas le cas des chemins ruraux. Aussi est-il possible d'exciper de l'illégalité de cette disposition réglementaire pour obtenir l'annulation totale des actes émis sur son fondement (TA Caen, 24 mars 2009, Falet, req. n° 0701516).
Les modalités d'exécution d'office sont d'interprétation stricte.
Une DUP n'entraîne pas nécessairement expropriation et peut donc concerner une dépendance du domaine public
TA Montreuil, 21 février 2013, Société Rameau, n° 1103802
« 14. Considérant que la déclaration d'utilité publique n'entraîne pas, par elle-même, transfert de propriété des parcelles qu'elle vise au profit de la SAEM Sequano Aménagement ; que si des terrains relevant du domaine public départemental se trouvent inclus dans l'emprise de l'opération projetée, il est constant que leur acquisition par voie amiable ou par voie d'expropriation n'est pas certaine et qu'en tout état de cause, l'accord de la collectivité propriétaire devra être recueilli avant l'exécution des travaux et aménagements envisagés sur ces terrains ; que, dès lors, la société Rameau n'est pas fondée à soutenir que l'accord du conseil général aurait dû être recueilli préalablement à la décision litigieuse, non plus que l'arrêté attaqué porte atteinte au principe d'inaliénabilité du domaine public départemental ; »
Les dépendances qui relèvent du domaine public ne peuvent faire l'objet d'une procédure d'expropriation (Voir CE 21 novembre 1884, Conseil de fabrique de l'église de Saint-Nicolas-des-Champs rec. p. 803, concl. Marguerie. Voir L. Drevet, « L'expropriation du domaine public », Thèse, Toulouse, 1923). Un avis du Conseil d'État estime ainsi que « Le principe d'inaliénabilité du domaine public fait obstacle à ce que des dépendances domaniales fassent l'objet d'une procédure d'expropriation (…) qui conduirait à opérer un transfert de propriété d'une collectivité publique à une autre collectivité publique. » (CE, Avis, Section Travaux publics, 26 mai 1992, EDCE, 1992, p. 431). Il s'agit d'un principe qui peut être rattaché, malgré certaines critiques doctrinales, au principe d'inaliénabilité rappelé (CE 19 décembre 2007, Commune de Mercy-Le-Bas, n° 288017, rec. p. 841 ; BJCL 2/2008, p. 120, concl. Y. Aguila ; Dr. adm. 2008, comm. n° 37, note N. Foulquier) par l'article L. 1311-1 du CGCT et l'article L. 3111-1 du CGPPP. »
La question est donc celle de savoir si une déclaration d'utilité publique (DUP) est illégale lorsque parmi les terrains compris dans le périmètre de l'opération, un ou plusieurs relèvent du domaine public de personnes publiques. La réponse est négative. Selon le tribunal, la déclaration d'utilité publique n'entraîne pas, par elle-même, transfert de propriété. Si des terrains relevant du domaine public se trouvent inclus dans l'emprise de l'opération projetée, il sera toujours possible d'obtenir l'autorisation de la collectivité qui en est propriétaire. Une DUP n'entraîne par ailleurs pas nécessairement l'expropriation des terrains (CE 22 décembre 1976, Roux et Pelenc, rec. p. 916), même si elle n'a d'autre objet que de permettre l'aliénation, et la circonstance que parmi des fonds compris dans le périmètre visé par la déclaration d'utilité publique, des terrains relèveraient du domaine public ne peut être regardée comme ôtant son caractère d'utilité publique à la déclaration (CAA Marseille, 28 février 2005, Careghi, req. no 03MA01707). Le moyen est donc prématuré. En outre, il se peut que les parcelles concernées conservent leur caractère de domaine public et que seul un changement d'affectation soit prononcé, avant l'exécution des travaux, sans déclassement préalable et sans transfert de propriété (CE, 13 janvier 1984, Commune de Thiais, rec. p. 6 ; AJPI 1985, p. 136, obs. R. Hostiou ; D. 1984, II, p. 605, note P. Bon.).
En dépit de ce jugement, il est suggéré d'être vigilant sur la délimitation géographique d'une DUP
Une collectivité veillera à ne pas s'exproprier elle-même
Un vieux pont supportant une voie communale et enjambant un canal : qui doit supporter les travaux de réfection ?
TA Chalons en Champagne, 2 mai 2013, Commune de Marnay-surMarne, n° 1100650
« 2. Considérant, d'une part, que le pont de la Pommeraie dont la commune demande la réfection par l'État constitue un ouvrage public qui a succédé, par sa reconstruction après faits de guerre, à un pont dont l'État était propriétaire grevé, aux termes d'un procès-verbal de récolement de 1887, d'une servitude de passage au bénéfice de la commune de Marnay-sur-Marne ; que s'il ressort des pièces du dossier que par le procès-verbal susmentionné en date du 10 avril 1958, l'État a fait remise de la chaussée et des trottoirs du pont de la Pommeraie reconstruit à la commune de Marnay-sur-Marne, cette convention n'a pas d'autre objet ni portée que de mettre l'entretien de la chaussée et du trottoir à la charge de la commune, ainsi que la responsabilité subséquente ; qu'ainsi l'État est resté, nonobstant en tout état de cause la création de Voies Navigables de France, propriétaire et maître de l'ouvrage du domaine public routier ; 3. Considérant, d'autre part, que si la convention en date du 10 avril 1958 prévoit la répartition des charges de l'entretien du pont, elle n'a pas pour portée de faire obligation à l'État d'assurer la continuité de la voirie communale, ni même de garantir la pérennité de l'ouvrage public en cause ; que, dès lors, la commune ne peut utilement s'en prévaloir pour en tirer une obligation pour l'État, nonobstant la responsabilité de ce dernier en qualité de maître d'ouvrage pour les dommages que la ruine de l'ouvrage pourrait entraîner, d'exécuter des travaux de réfection ; »
Un pont permettant de relier deux éléments d'une route relève du domaine public routier, peu importe la nature des obstacles, naturels ou artificiels, qu'il permet de franchir (Voir S. Deliancourt, Le statut juridique des ponts, La Gazette des communes, 4 février 2013, p. 56.). Ainsi que l'a réaffirmé le Conseil d'État, « les ponts ne constituent pas des éléments accessoires des cours d'eau ou des voies ferrées qu'ils traversent mais sont au nombre des éléments constitutifs des voies dont ils relient les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage ; que, par suite, un pont supportant une route départementale appartient à la voirie départementale » (CE 23 juillet 2012, Département de la Marne, publié au recueil Lebon ; AJDA 2012, p. 2008, note J.-F. Finon ; AJCT 2012, p. 635, note J. Coronat).
En l'espèce, le pont surplombant un canal et supportant une voie communale avait été construit par l'État qui en était donc propriétaire. Rappelons que le fait qu'une personne publique participe au financement des travaux d'entretien et/ou de réfection d'un tel ouvrage n'est pas de nature à entraîner un transfert de propriété (CE 27 mai 1964, Chervet, rec. p. 300.). Toutefois, ce pont nécessitait des travaux eu égard à son état et aux risques d'effondrement qu'il présentait. Se posait la question de savoir quel patrimoine public devait supporter ces coûts. Le tribunal considère que cette charge doit être supportée par la commune dès lors que l'État a mis à la charge de la commune les coûts d'entretien de la voie communale portée et qu'il n'a pas l'obligation, ainsi que le relève le tribunal, d'assurer la continuité de la voirie communale, ni même de garantir la pérennité de cet ouvrage public.
Un pont est avant tout la continuité d'une voie.