Sous ses airs de bistrot classique, Le Petit Choiseul cache bien son jeu. Après avoir testé le lombri-compostage, Stéphan Martinez, le patron de ce restaurant du IIe  arrondissement de la capitale, a convaincu ses confrères de valoriser leurs déchets organiques à travers une filière créée pour l'occasion et testée jusqu'à la rentrée. Il a fallu un an pour monter l'opération au sein du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers, traiteurs (Synhorcat), dont il vice-préside la commission développement durable. L'Ademe, la Région, la Mairie de Paris l'appuient et l'entreprise Moulinot Compost a été missionnée pour la mener à bien. Plus de 300 000 euros ont été mis sur la table pour financer études et premières tournées. Chaque matin, un camion de Moulinot roulant au GNV récupère, auprès de 80 restaurants des Ier , IIe et VIIIe arrondissements, plus d'une tonne d'épluchures, de restes de repas et de marc de café compactés dans des sacs transparents. « Ils facilitent le contrôle visuel », précise Roger Beaufort, gérant de Moulinot Compost. « Remettre la poubelle au centre de la cuisine, ne plus ignorer ce qu'on y jette est un préalable indispensable », ajoute Stéphan Martinez. Après une étape à Saint-Denis, les biodéchets prennent la direction de l'Essonne, où Bionerval les traitent. Les restaurateurs ne voient-ils pas d'un mauvais œil la contrainte du tri ? « Si, mais des arguments font mouche. Sensibles au gaspillage des aliments, le fait d'en méthaniser les restes et de s'en servir comme engrais agricole naturel les interpelle. Il y a là un cercle vertueux, cohérent avec leur recherche de produits de qualité. Quant au manque de place pour trier, ce n'est pas un réel frein, ils trouvent souvent une solution eux-mêmes. » Et une solidarité s'installe : Stéphan Martinez mutualise ainsi son local à poubelles avec ces confrères voisins. Et la confiance règne : l'agent chargé de la collecte a les clés des restaurants. « L'échantillon choisi est représentatif de la profession, avec de petits restaurants et des hôtels, des traiteurs et de grandes maisons, comme Drouant et Fauchon. La dynamique est positive, pas question de la figer en plaquant dessus moult chiffres et schémas. Un bilan définitif sera tiré au congrès du Synhorcat, en novembre », annonce Roger Beaufort. L'objectif est néanmoins clair : valoriser d'ici là au moins 200 tonnes de biodéchets et trouver à terme un modèle économique pour cette filière. Une urgence car les seuils d'obligation de valorisation des biodéchets descendront à 10 tonnes annuelles en 2016. Un grand nombre de restaurateurs seront alors concernés. « La profession se prend en main, mais des freins persistent. L'opération s'enrichit d'un volet sociologique, questionnaire à l'appui. Il porte no tamment sur l'acceptation en cuisine des consignes de tri », conclut Fabien Deshayes, le jeune sociologue chargé de l'étude.