Les éco-organismes, organisateurs du tri et du traitement des recyclables ? C'est l'un des scénarios peu orthodoxes proposés par le comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap). Bien que contenue dans un rapport non rendu officiel, l'idée a tout d'un brûlot. Elle a provoqué l'ire d'élus locaux lors du colloque d'Amorce sur les REP, qui s'est tenu à Paris le 4 février 2015. Nombreux sont ceux qui y voient des velléités de privatisation. L'ombre de ce rapport plane-t-elle sur un autre scénario, selon lequel certains centres de tri des collectes sélectives se limiteraient à un tri peu poussé et enverraient leurs flux à des unités spécialisées ? Sylvain Pasquier, de l'Ademe, invite à poser le débat en termes techniques et non de compétences : « Jusqu'où le service public doit-il aller dans le tri ? Il n'y a pas de schéma, ni de solution unique. Les standards offrent aujourd'hui une grande plage de manœuvre, entre des matériaux relativement en mélange, ou différenciés entre les types de résines ou de fibreux. Un consensus réside dans le fait que les très petits centres de tri, avec beaucoup de tri manuel, ne peuvent pas perdurer. »
Le rôle de l'ESS
Aux yeux de Carlos de Los Llanos, d'Eco-Emballages, trois catégories se distinguent, correspondant en partie aux seuils présentés dans la récente étude prospective de l'Ademe. Dans les centres d'environ 10 000 tonnes, « à une échelle qui ne permet pas de s'équiper à un coût acceptable, ce serait le tri simplifié ». Dans ceux d'environ 30 000 t, le schéma dépendrait du contexte local, car « si le premier recycleur est à 800 ou à 50 km, ce n'est pas la même chose ». Les centres plus gros « pourraient séparer les flux qui iraient directement dans les industries du recyclage ». Dans le domaine des fibreux, « la notion de centre de tri spécialisé existe d'ores et déjà pour les flux d'activités économiques », relève Marc Heude, d'Ecofolio. Benoît Jourdain, vice-président déchets et REP d'Amorce, préfère mettre en avant une autre orientation, celle de l'économie sociale et solidaire, face au constat que « les centres de tri sont de moins en moins générateurs d'emplois peu qualifiés ». Reste la question des coûts. Le tri des plastiques, dans le cadre de l'extension des consignes, représente 1 700 euros la tonne, d'après Eco-Emballages, soit « deux fois le coût d'une résine vierge », note Carlos de Los Llanos. Selon l'Ademe, les centres de tri devraient voir leur capacité portée dans une fourchette de 10 000 à 80 000 t (contre 2 000 à 45 0000 t à présent), pour faire face à l'objectif d'augmenter les quantités recyclés, tandis que le gisement entrant évolue, avec « des produits plus petits, plus souillés, moins de papier et plus de plastique », résume Sylvain Pasquier. Ce dernier évalue entre 30 et 40 % la baisse des coûts rendue possible par une augmentation des capacités.