Marchés locaux, Amap, maga sins de producteurs… Pour les particuliers, les solutions pour s'approvisionner en denrées alimentaires locales se multi plient. Mais pour les collectivi tés, lorsqu'il s'agit de dévelop per la restauration collective en circuits courts, la démarche se révèle un peu plus compliquée. En Rhône-Alpes, le syndicat mixte de territoire Rhône Pluriel s'est penché sur la question dès 2007. En créant l'association Recolter, il a ouvert une plateforme d'approvisionnement qui fait le lien entre producteurs locaux et cuisines de restaura tion collective. Une trentaine d'agriculteurs travaillent ainsi avec une trentaine de clients (essentiellement des restau rants scolaires et les cuisines mutualisées du conseil géné ral de l'Isère). Le client dresse sa commande sur la base du catalogue des producteurs au moins une semaine à l'avance, via le site internet de Recolter. Chaque agriculteur livre ensuite ses récoltes à la légumerie où un salarié de l'association prépare les commandes et les distribue aux établissements. « Il reste des choses à perfectionner, note Olivier Nicod, chargé de mission agriculture au syndicat. L'association étant très dépendante des restaurants scolaires, n'a pas d'activité en été, un manque à gagner qu'il faudra combler en démarchant d'autres clients, comme les hôpitaux, les maisons de retraite ou les entreprises. »
Autre difficulté : l'équilibre à trouver entre le prix payé par le client et la rémunération des agriculteurs. La seule marge de manœuvre de l'association pour maîtriser les coûts se situe dans le nombre de clients… et la quantité achetée. « Des commandes de moins d'une centaine d'euros ne rentabilisent pas la tournée, précise Olivier Nicod. Il faut donc que l'association réussisse à fidéliser ses clients sur un volume suffisant. » La communication et la sensibilisation sont les maîtres mots. « Pour un tel projet, il faut mettre beaucoup d'interlocuteurs autour de la table (élus, agriculteurs, gestionnaires…) et réussir à sensibiliser aux bénéfices des produits et aux contraintes de chacun », pour suit le chargé de mission.
Limites de la production pour les uns, exigences des menus pour les autres… proposer des produits locaux implique for cément quelques changements d'habitude. À Mouans-Sartoux, où les cantines sont approvision nées par la régie agricole bio de la ville, « il a fallu adapter les menus en fonction de la production et de la saison », explique Gilles Pérole, maire adjoint. Le fonctionnement est cependant plus simple que sur le territoire de Rhône Pluriel, car sa petite taille lui permet de tout gérer, de la fourche à l'assiette. En 2014, la régie agricole, exploi tée par un agriculteur payé par la commune, a ainsi produit 20 tonnes de légumes bio, cor respondant à 80 % des besoins des écoles, de la crèche et du restaurant municipal. Pour tout couvrir, la collectivité réfléchit à une unité de transformation qui produirait l'été, quand la demande est plus faible, des conserves ou des surgelés. Et tout cela, en limitant la hausse du coût des repas… grâce à la chasse au gaspillage. « Nous avons diminué le poids de nos poubelles de 82 %, avec des mesures simples : on propose toujours une petite ou une grande portion aux élèves, on leur apprend à ne rien gaspiller, on pèse les déchets par plat à chaque repas et on adapte les quantités en fonction des résultats… Au bout du compte, on est en moyenne à 30 g de déchets seulement par repas », se félicite l'élu.
Car la maîtrise des coûts est essentielle pour encoura ger les gestionnaires à s'engager dans l'approvisionnement local. En Meurthe-et-Moselle, où le conseil général a affiché à partir de 2011 sa volonté d'introduire des produits locaux dans les cuisines des collèges, plusieurs astuces ont été trouvées pour ne pas trop augmenter le prix des repas. « Nous avons trouvé un producteur local de yaourts. Pour que ses produits puissent rivaliser économiquement avec ceux de la grande distribution, il a été convenu avec les équipes des cuisines que le yaourt ne serait pas conditionné en petits pots mais serait livré par 5 kg et proposé en ramequins », illustre Nicole Le Brun, de la chambre d'agri culture de Meurthe-et-Moselle. Économie de temps et de matière pour le producteur, économie financière pour les gestionnaires et économie de déchets à la sortie. Avec l'aide de la chambre d'agri culture, les producteurs se sont par ailleurs organisés et ont créé une association, les Fermiers lor rains, spécialisée pour répondre aux besoins de la restauration col lective. Elle compte aujourd'hui 43 membres, qui proposent un catalogue de 300 références. Elle espère atteindre 200 adhérents d'ici deux ans afin de couvrir l'ensemble de la région avec un catalogue complet de produits.
Mais accompagner le développement de l'appro visionnement local en restaura tion collective n'est pas chose aisée. « Il y a trois grandes barrières à passer, résume Nicole Le Brun. Il faut que les acheteurs apprennent à connaître l'offre locale, puis que celle-ci se structure pour que les produits arrivent jusqu'aux cuisines et, enfin, il faut adapter l'offre aux besoins de la restauration collective, en termes de conditionnement, de prix, de logistique… » Heureusement, pour vaincre ces obstacles, les collectivités et leurs partenaires disposent de nouveaux outils. D'abord, le guide « Comment promou voir l'approvisionnement local en restauration collective », en ligne sur le site du ministère de l'Agriculture. Ils peuvent aussi s'appuyer sur le projet Casdar Realisab (Restauration et approvisionnement local : identifier des systèmes adaptés aux besoins). Lancé en 2011 à l'initiative de la chambre d'agri culture de Franche-Comté et avec la participation de 23 struc tures nationales, il s'est achevé en septembre 2014. « Le but du projet était de pallier le déficit de méthodes afin de favoriser l'arrivée des produits locaux dans les cantines », rappelle Renaud Bécheret, chargé de mission alimentation de proximité à la chambre régionale d'agriculture de Franche-Comté. À partir d'un important travail d'enquête auprès des collectivités et des producteurs, vingt et un docu ments (guide logistique, fiches pratiques de conseil pour les cuisiniers et gestionnaires de la restauration collective, pour les élus, les filières agricoles…) sont disponibles en ligne. « Ces outils répondent aux questions des acteurs de ces filières et donnent des pistes sur la façon de réorienter l'offre vers une consommation locale, résume Renaud Bécheret. Notre but est de les diffuser le plus largement possible car ils aideront à la professionnalisation et à la structuration de démarches sur les territoires. » À bon entendeur… l