EM : En quelques années, le concept d'économie circulaire a connu une extraordinaire appropriation. Comment le définiriez-vous ? J-CL et VA : Nous sommes partis de l'examen de dizaines d'études de cas avant d'aboutir à une p ro p o s i tion de définition. L'économie circulaire est, pour nous, un principe organisateur, dont la forme ne doit pas être figée, qui vise trois objectifs : le découplage entre activité économique et quantité de matières premières extraites, la décarbonatation, les circuits courts. On a besoin à ce stade d'un vocabulaire partagé et clair, soignant la sémantique. Mal définie, l'économie circulaire pourra en effet vite glisser vers une commodité de langage, un fourretout vide de sens. Pour le reste, les outils existent. On a toutes les cartes en main avec les approches d'écoconception, d'économie industrielle, d'économie d'usage, de recyclage, etc. ainsi qu'avec les démarches d'Agenda 21, d'écoquartiers, d'écovilles, de consommation collaborative, de zéro déchet, etc. Il reste à établir une règle du jeu, c'est-à-dire une stratégie organisationnelle qui connecte ces éléments. Pour cela, pas de modèle, mais on peut sans doute dégager des lignes directrices, un canevas à décliner selon les territoires.
EM : En quoi l'inscription de la démarche dans le territoire est-elle capitale ?
J-CL et VA : L'économie circulaire, comme le développement durable, n'existe pas hors-sol. Il y a une certaine polarisation du concept sur le cercle économique, mais la question fondamentale est celle de l'organisation mise en place par les collectivités, planificatrices et gestionnaires du territoire. Bien sûr, comme il s'agit de fédérer les acteurs, des gouvernances adaptées sont à créer. Il faut aussi coordonner les niveaux d'organisation, qui sont enchevêtrés, tant en termes de millefeuille territorial, que spatialement, entre intercommunalités voisines par exemple. Aucun échelon territorial n'incarne plus qu'un autre un rôle de chef de file : chacun peut agir à son échelle et selon ses compétences. Toutefois, seules les collectivités ayant la maîtrise du foncier sont un bon territoire d'organisation. Les autres ont à remplir un rôle différent, en soutien, par l'orientation de leurs politiques publiques.
EM : Pourquoi parlez-vous d'une « hypothèse » de l'économie circulaire et insistez-vous sur le besoin d'évaluation ?
J-CL et VA : Même si beaucoup d'expériences concrètes existent, en France et à l'étranger, personne n'est pour l'instant en capacité d'en faire une analyse précise. Car on ne sait pas quantifier les effets imputables à ces démarches et à elles seules (bilans matière, financier, emploi), ni évaluer le degré de circularité d'un système économique. II est donc nécessaire d'inventer des indicateurs pour mesurer les bénéfices économiques et scientifiques avérés de l'économie circulaire. C'est indispensable pour valider l'intuition que l'on a de l'intérêt de la démarche.