L'activité des recycleurs de verre du gisement non ménager s'appuie encore fortement sur les chutes de production de l'industrie. Produits non conformes et détériorés dans l'embouteillage, pour le verre creux, découpes des ateliers de miroiterie/vitrerie et production de double vitrage pour le verre plat apportent l'essentiel des tonnages. Car sur le marché de la récupération, dans l'automobile comme pour le secteur du bâtiment, les volumes sont largement inférieurs au potentiel de ces deux grands marchés du verre plat.
VHU : démarrage timide pour les parebrises
Si le remplacement de pare-brises ou de fenêtres d'habitation apporte aux recycleurs de verre un peu de matière, via des contrats de gré à gré passés avec des entreprises (garages, Carglass, poseurs de double vitrage…), la déconstruction des véhicules hors d'usage (VHU) et des bâtiments est moins performante. En cause, des contraintes logistiques, voire techniques, des coûts de traitement supplémentaires pour les opérateurs (centres VHU ou entreprises de BTP) et un manque d'engouement des filières pour des produits difficiles à manipuler, peu rémunérateurs et non dangereux. Une situation qui agace les quelques spécialistes français du recyclage du verre plat, à la recherche de volumes pour alimenter des clients qui en ont besoin. « On a les débouchés, les clients sont de plus en plus demandeurs de calcin pour de l'isolation ou de la microbille de verre pour la peinture, on pourrait vendre sans problème des tonnages supplémentaires », estime Gérard Briane, PDG de Briane Environnement, qui traite environ 15 000 t de verre industriel par an et plus de 100 000 t de verre ménager. Tous les recycleurs de verre traitent des parebrises : Solo-ver et Sibelco Green Solutions (ex-Paté) depuis 1996, via France Parebrise Recyclage, SRPVI depuis 5 ans, Ipaq, depuis 2013 sur son site d'Izon (Gironde), mais aussi sur celui de sa maison mère Maltha à Lommel (Belgique), et Briane Environnement, près d'Albi. Mais la majorité des volumes provient encore d'accords avec des partenaires qui opèrent des remplacements de parebrises (deuxième monte). « Nous sommes désolés que les centres VHU ne fassent pas plus souvent appel à nous et que l'arrêté du 2 mai 2012, qui leur impose le retrait du verre, ne soit pas appliqué, regrette Yves Vial, président de Solover (60 000 t de verre industriel par an), d'autant qu'on manque de ce produit pour lequel il y a une vraie demande. » Le potentiel de verre récupérable est supérieur à 30 000 t pour la filière VHU. Pour Olivier Gaudeau, directeur ingénierie de Re-Source Industrie, le problème pour les centres VHU, notamment les plus modestes, est d'abord économique : « On estime que l'opération de dépose du parebrise et des vitrages coûte en moyenne 4 à 5 euros par véhicule, ce n'est pas rentable pour le professionnel, même si c'est intéressant en termes de poids dans le décompte du pourcentage de matière recyclée sur un VHU. » La volonté manque, aujourd'hui, compte tenu du coût et des contraintes logistiques pour les petits centres VHU, « qui devraient aussi, pour plus d'efficacité, mettre des bennes par types de vitres, avant, arrière et latérales, précise Gérard Briane, qui exploite parallèlement un centre VHU. Les déconstructeurs gagnent de l'argent avec les batteries, les pièces de réemploi ou les pots catalytiques, ils n'ont pas envie de s'embêter avec les vitrages. » La raison essentielle est bien économique : les centres VHU encaissent de l'argent de la part du broyeur pour le verre (qui part ensuite en DIB), car les quelque 30 à 40 kg de verre plat sont comptabilisés avec la carcasse. « On essaie de sensibiliser les broyeurs au fait qu'il est plus judicieux d'extraire le verre plutôt que de l'envoyer en décharge avec les résidus de broyage automobile (RBA), mais le message n'est pas encore passé et la majorité des parebrises reste sur les carcasses », indique Pierre Lassarade, responsable commercial Europe du Sud chez Ipaq.
Pour améliorer les choses, la question est de savoir qui va prendre en charge le coût de l'extraction du verre : les centres VHU, en fournissant aux broyeurs des carcasses sans verre, les broyeurs, en proposant des barèmes de reprise avec ou sans vitrages, ou les recycleurs de verre, en offrant une rémunération supplémentaire aux centres VHU ? « Si on ne retire pas les vitrages pour des raisons économiques, il faut arrêter aussi de recycler le verre ménager, qui coûte beaucoup plus cher au contribuable que l'enfouissement, oppose Yves Vial, le recyclage a un coût, mais il faut intégrer dans le raisonnement l'économie de matières premières, notamment le sable pour le verre, la création d'emplois et la baisse des émissions de CO2 ».
Le bâtiment, gros marché, gros soucis
Quant aux débouchés éventuels d'un tri postbroyage sur RBA, la seule solution serait l'utilisation en sous-couches routières, car « l'industrie verrière n'acceptera pas ces produits trop pollués pour les exigences du process verrier, résume Gérard Briane, nous avons fait des essais et il est impossible d'obtenir une matière à moins de 20 ppm d'impuretés. »
Autre filière, autres problèmes. Dans le secteur du bâtiment, le verre prend le plus souvent la direction des centres de stockage de déchets inertes (classe 3) avec les graves. Les volumes potentiellement récupérables sont bien supérieurs à ceux de la filière VHU, même s'ils restent dif-ficiles à chiffrer. « Contrairement aux VHU, le BTP n'a pas encore de réglementation sur la déconstruction, et la déconstruction sélective ça coûte de l'argent », note Yves Vial. Et Gérard Briane d'ajouter : « Les professionnels doivent dépolluer avant de démolir, mais cela ne concerne pas le verre qui est un déchet inerte. » « Sur des chantiers avec des fenêtres en aluminium, les déconstructeurs sont intéressés par le métal, donc on peut récupérer du verre », précise Laurent Maladry, directeur de SRPVI. Idem sur certains chantiers avec des objectifs environnementaux de recyclage. Ipaq confirme aussi le potentiel : « Certains professionnels nous sollicitent pour trouver une solution permettant d'isoler le verre des autres déchets, car ils ont un volet développement durable dans leur appel d'offres, mais c'est rare », reconnaît Pierre Lassarade. La collecte des vitrages issus de la déconstruction est de toute façon difficile à mettre en œuvre pour des questions logistiques. Il faut d'abord que le déconstructeur accepte de placer une benne spécifique sur le chantier, et « surtout qu'il parvienne à la garder propre, notamment exempte de cailloux », rappelle Laurent Maladry.
Même les déchetteries professionnelles n'ont pas forcément de place pour des bennes de verre et les risques de pollution de la matière restent importants. Sur le secteur de la rénovation individuelle, le marché dispose également de volumes, en raison entre autres de l'arrivée en fin de vie d'un grand nombre de fenêtres en double vitrage de première génération. « C'est une filière très intéressante, mais la collecte est délicate car les volumes sont très diffus, souligne Pierre Lassarade, on travaille sur la recherche de partenaires pour trouver des solutions de collecte et améliorer la captation des gisements. »
Répondre aux exigences des verriers
En attendant le développement des marchés de la récupération postconsommation, les ateliers de miroiterie/vitre-rie fournissent le gros des volumes du verre plat industriel et les embouteilleurs ceux du verre creux. « Nous travaillons avec les gros producteurs de double vitrage, qui ont des volumes importants, indique Laurent Maladry. Pour les petites miroiteries qui produisent 10 tonnes par an c'est plus délicat, car les chutes sont très mélangées et contiennent des vitrocéramiques, que nous ne traitons pas. » De son côté, Solover mise sur une optimisation de son process (lire encadré) en investissant dans le tri des vitrocéramiques, qui figurent parmi les pires ennemis des traiteurs de verre, car ces produits fondent à une température supérieure donc contrarient le process des verriers. « Nous ne pouvons pas garantir à nos clients un calcin sans vitrocéramique, ce qui nous ferme certaines portes, que nous souhaitons ouvrir dans deux ou trois ans avec notre nouvelle installation », explique Yves Vial. Chaque client verrier a son propre cahier des charges en matière de granulométrie, d'impuretés (vitrocéramique, résidus de PVB), de couleur, d'humidité. Les process des producteurs de calcin reposent sur les mêmes étapes : extrac-tion des métaux, tri manuel, broyage, séparation des légers par courant de Foucault, systèmes de tri optique. « Les contraintes de qualité sont les mêmes que pour le verre creux, affirme Gérard Briane, certaines exigences peuvent même être plus pointues sur du verre blanc. » « Le verre feuilleté est un peu plus complexe et nécessite des opérations supplémentaires pour séparer le polyvinyle de butyral (PVB) », ajoute Pierre Lassarade. Les débouchés se trouvent majoritairement dans la production de vitrages, l'embouteillage, les microbilles comme additifs dans la peinture, la laine de verre, la céramique.
Contrairement à d'autres acteurs du recyclage, les recycleurs de verre sont relativement optimistes sur l'avenir de leur marché. Premier point positif : une demande soutenue qui laisse entrevoir des débouchés pour des volumes supplémentaires. De plus, « on arrive à maintenir un niveau de prix correct », souligne Gérard Briane. « Il y a une concurrence assez saine dans notre petit milieu, même si les marges ont tendance à se réduire un peu », note Pierre Lassarade. Deuxième aspect encourageant : les gisements potentiels. Sur les VHU, d'abord, si la filière règle le problème du coût d'extraction des vitrages. Sur le bâtiment, ensuite, « si l'on tient compte des perspectives de construction de logements en France, dans les prochaines années et des rénovations », espère Laurent Maladry.
Cependant, tout n'est pas rose. D'abord, sur les vo-lumes de déchets. « On pourrait vendre deux ou trois fois plus que ce que l'on traite actuellement, trop de matières partent en inertes ou en DIB, regrette Yves Vial. Nos clients nous demandent des produits que l'on n'a pas et sont obligés d'utiliser du sable. » Sur les chutes de production, la situa-ion n'est pas non plus idyl-ique : « Nos clients découpent oins de verre, donc achète oins de verre aux producteurs t au final on récupère moins e chutes », constate Laurent aladry. Ce qui, pour Pierre assarade, est « sans comp-er l'optimisation des process erriers ». Depuis deux ou trois ans, la production de verre plat a tendance à baisser, hormis en 2011, où des dispositifs d'incitations fiscales avaient soutenu la rénovation et l'isolation thermiques. Mais les investissements de la filière du verre industriel montrent que l'optimisme reste de mise. n Guillaume Arvault