Bornes, barrières et potelets, arceaux à vélo, corbeilles à déchets, grilles de pied d'arbre… Et bien sûr, plus visibles dans l'aménagement urbain, ces bancs publics chers à Georges Brassens ! Mobiliers d'éclairage et de signalétique forment une catégorie à part. « Le mobilier publicitaire aussi, observe Thierry Vlimant, dirigeant du cabinet de conseil Cadre et Cité. Des critères de sélection verts apparaissent dans les cahiers des charges, sur la consommation électrique des mobiliers éclairés la nuit ou l'utilisation de produits respectueux de l'environnement pour leur entretien. En vingt ans, les progrès sont lents. Je n'ai ainsi jamais vu une collectivité exigeant du mobilier écoconçu, qui pourtant existe. Bien souvent, ce n'est pas direc tement dans l'appel d'offres que sont formulées les exigences. Mais cela joue dans la note et la réponse du candidat au marché. » Appel d'offres, consultation informelle, dialogue compétitif dans les cas complexes, plusieurs modes de passation des marchés sont possibles. De l'avis des experts, la priorité pour les collectivités n'est pas de les verdir, mais avant tout de les sécuriser sur le plan juridique. Les deux ne sont pourtant pas contradictoires ! Pour plus de cohérence entre les commandes passées par divers services (voirie pour les barrières, propreté pour les corbeilles) des chartes urbaines existent. Elles nécessitent un diagnostic de l'existant et cadrent les principes d'agencement jusqu'au choix des modèles. Pas forcément réservé aux grandes villes – Montigny-le-Bretonneux (Yvelines) s'en est dotée –, c'est un bon outil pour insérer ce mobilier de façon harmonieuse dans un paysage urbain parfois saturé. L'accent y est mis sur d'inutiles accumulations à bannir, notamment pour ne pas gêner les piétons. Revers de la médaille : à trop vouloir cumuler des impératifs et orienter les choix, ces chartes tendent à fermer un peu plus le marché aux nouveaux venus.
Parmi ces impératifs, du moins si l'on s'en tient à l'exemple de la charte du mobilier urbain de Bordeaux, figure en bonne place la praticité et la pérennité du mobilier installé. Viennent ensuite les matériaux – les « teintes naturelles » sont à privilégier –, mais rien ou si peu sur l'environnement ! Ailleurs, le cas de figure le plus défavorable est quand ce type d'achat public, il est vrai modeste comparé aux sommes englouties dans la modernisation de l'éclairage urbain, est relégué au dernier plan d'un marché plus global de travaux publics. Dans ce cas, cela ne motive guère les fabricants à positionner un cran plus haut leur gamme d'équipements vertueux, pourtant émergente. Est-ce cela qui fait dire à Florent Orsoni, directeur ville durable à l'École de design de Nantes, qu'en France, on promeut avant tout « une ville de services » et que « le marché du design urbain n'est de fait pas encore mûr » ? Même son de cloche chez les fabricants : « Il y a un réel manque d'exigence, de maturité et de connaissance de la part des services techniques ou achats qui passent la commande de mobilier, regrette Ivan Nouaille-Degorce, président d'Acropose, l'un des rares fournisseurs certifiés Iso 14001. La disette des finances publiques n'arrange guère les choses. Dans le processus de choix, les critères budgétaires, de maintenance et de délais de livraison dominent. Mais lorsque la commune et ses élus sont réellement engagés en faveur de l'environnement, cela change la donne et va jusqu'à mieux orienter ces achats. »
Mais les orienter vers quoi ? Pour ne pas se tromper, des repères existent. Premier réflexe à adopter, pas si osé que cela puisque des centaines de communes visiblement l'ont : ne plus céder au diktat du prix et se détourner des catalogues de grossistes alignant des bancs à 200 euros pièce. Pas facile, car ils inondent le marché ! Mais la qualité a un prix et des dizaines de fabricants et PME locales, dont le métier est à la croisée des chemins entre menuisier et paysagiste, en proposent, tout en sachant s'adapter aux contraintes des communes. Exemple, la PME alsacienne Sineu Graff, qui exporte jusqu'au Moyen-Orient et explore l'écoconception en optimisant les sections de frêne utilisé pour ses tables de rue. En outre, ses rebuts de fabrication alimentent en interne sa chaufferie au bois.
Second pli à prendre : exiger des bois européens certifiés PEFC ou exotiques certifiés FSC. Au Centre national pour le développement du bois (CNDB), on brise à ce sujet une idée reçue : le bois en extérieur peut durer longtemps sans se dégrader « à condition de choisir une essence et une finition adaptées à l'usage ». Chêne et châtaignier sont résistants, mais gare aux remontées tanniques. Le robinier n'en génère pas et ses qualités sont proches du teck, tout comme le fait qu'il soit l'unique feuillu classé dans le haut du panier en matière de durabilité (classes 1 et 2). Pas étonnant qu'il séduise des communes de tous bords, comme Sauveterre-de-Guyenne (Gironde). Reste que son approvisionnement est compliqué. Le frêne (classe 3) tire aussi son épingle du jeu, mais doit être préventivement traité.
Lorsque le bois nécessite un traitement, préférez la solution thermique (rétification) à celle en autoclave (traitement aux sels de cuivre). Mieux, l'oléo-thermie (passage en bain d'huile, refroidissement puis séchage) le rend hydrophobe et facilitera son recyclage en fin de vie. Si l'autoclave s'impose, vérifiez la conformité du traitement avec les directives en vigueur interdisant le chrome et l'arsenic (certification CTB-P+ du CTBA). « Il faut aussi veiller aux vernis et lasures, que nous remplaçons par des huiles naturelles tout aussi efficaces », complète Ivan Nouaille-Degorce. Que le choix porte sur un produit unique sur mesure ou sur une valeur sûre produite en série, l'acheteur public sera aussi attentif à la garantie proposée, souvent décennale. Et aux conditions d'entretien du mobilier choisi, donc à sa durée de vie.
Pour les bancs, l'assise en bois étant mise à rude épreuve, Sineu Graff propose son remplacement en conservant tels quels les pieds en fonte, « pour que sa durée de vie s'allonge ». Marginal avant, ce souci des coûts d'entretien, du remplacement par des pièces détachées, est croissant. Cela se manifeste dans l'évolution de la norme sur les mobiliers d'assise (NF P 99-610), qui prend depuis peu en compte la durabilité des matériaux utilisés et les contraintes liées aux expositions climatiques. Enfin, des fabricants planchent sur des offres substituant à la seule vente une solution « bien + services » ou d'optimisation de l'état du mobilier existant. Un début d'économie de fonctionnalité appliqué au secteur ? l