Le biométhane circulant aujourd’hui dans les réseaux de gaz provient uniquement de la méthanisation, mais d’autres technologies sont sur les rails : la gazéification de la biomasse lignocellulosique, par exemple le bois et la paille, et la production de gaz renouvelable à partir d’algues. « Actuellement, seize sites de méthanisation sont raccordés au réseau et la filière devrait décoller en 2017-2018 », prévoit Anthony Mazzenga, délégué stratégie du gestionnaire de réseau GrDF. Une vision jugée optimiste par d’autres acteurs de la filière. « Aujourd’hui, la filière de la méthanisation est à l’arrêt, les projets actuels rencontrent des difficultés économiques, regrette SébastienCouzy, expert en méthanisation pour le Syndicat des énergies renouvelables. Je pense que les projets d’injection seront moins importants que prévu. » Pour relancer la filière, les acteurs estiment qu’il faudrait relever les subventions. De plus, ils attendent l’arrivée d’unités mieux adaptées à des intrants diversifiés.
Une ressource convoitée et coûteuseMoins avancée technologiquement que la méthanisation, la gazéification est néanmoins considérée comme très prometteuse. La technologie fonctionne en laboratoire. Des constructeurs, comme le français Leroux et Lotz Technologies et le belge Xylowatt, vendent déjà des gazéifieurs. Un pilote préindustriel est en construction à Saint-Fons (Rhône) dans le cadre du projet Gaya, coordonné par Engie. Le site fonctionnera jusqu’en 2019, ce qui permettra d’acquérir une expérience significative pour une exploitation industrielle. « On pourra envisager des projets industriels entre 2020 et 2025. En 2030, la France pourrait compter dix à vingt installations industrielles » se projette Olivier Guerrini, coordinateur du projet Gaya. Mais la filière risque d’être confrontée à un manque de ressources. « Le bois est convoité, c’est une ressource coûteuse. Le nombre d’installations de gazéification alimentée en bois risque d’être très limité », prévoit Isabelle Maillot, responsable du programme de recherche bioressources au laboratoire CEA Liten. Pour y remédier, Engie estime qu’il faut rationaliser la filière d’exploitation du bois. « C’est un travail de fond qui prend du temps. Dans ce cadre, nous avons par exemple pris des parts dans des exploitations forestières », explique Olivier Guerrini.
La simplification administrative« Le gisement de bois étant difficile à mobiliser et certains déchets étant peu ou mal valorisés à ce jour, par exemple le bois de déconstruction et les pneus, nous travaillons sur la gazéification des déchets. C’est une filière intéressante pour des sites qui n’ont pas d’incinérateur couplé à un réseau de chaleur, mais il existe encore des verrous techniques », détaille Isabelle Maillot. L’émergence de cette technologie est également liée à la structuration d’une filière française de combustible solide de récupération (CSR). Tout comme la gazéification des déchets, la production de gaz renouvelable à partir d’algues est encore au stade R & D. Toutefois, le frein principal reste l’accès à la ressource. La culture d’algues est encore trop coûteuse pour une culture de masse. De nombreux autres secteurs seraient intéressés par leur utilisation, par exemple l’alimentation pour animaux. Le biométhane produit à partir de la biomasse résultante serait considéré comme un coproduit qui améliorerait les bilans environnementaux et ferait baisser le coût de production. Néanmoins, la quantité injectée dans le réseau de gaz devrait être encore négligeable en 2030. GrDF table sur une baisse de la consommation, qui passerait de 400 à 350 TWh/an. Alors que l’injection de biométhane ne représente aujourd’hui que 0,2 TWh/an, le gestionnaire voit ce volume grimper à 30 TW en 2030, auxquels s’ajouteront 5 TWh issus de la gazéification. Ces hypothèses s’appuient néanmoins sur un scénario volontariste de développement de la méthanisation. « L’objectif de 10% est réaliste si l’on s’en donne les moyens, par exemple en travaillant sur la simplification administrative et en révisant les tarifs d’achat », estime Claire Ingremeau, chargée de mission au Club biogaz.LB