La directive CSRD, entrée en vigueur en 2024, exige désormais un reporting extra-financier d’une précision quasi comptable. Pourtant, 90 % des entreprises continuent de déclarer leurs déchets sur la base d’estimations. Elles travaillent par tonnage approximatif, marges d’erreur comprises, souvent loin de la réalité des flux. Or, dans le nouveau paysage de la conformité, de la notation ESG et de la pression des investisseurs, le flou n’a plus sa place.
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Nous entrons dans l’ère d’un réalisme environnemental basé sur la donnée. La donnée fine. Ultra-locale. Vérifiable. Le kilo arrondi n’a plus la cote. Ce qui compte, c’est le gramme exact, intégré à un système de traçabilité capable de restituer à chaque entreprise le vrai visage de ses déchets. C’est à ce prix que l’on peut piloter sérieusement son scope 3, éviter les sanctions réglementaires, optimiser sa note extra-financière et gagner la confiance des marchés.
Cette traçabilité fine permet aussi d’ouvrir un nouvel angle d’analyse : celui de la fin de vie des matières. Savoir précisément quels déchets sortent de votre entreprise, c’est connaître l’impact réel que vous avez sur l’écosystème industriel de traitement final en France. En d’autres termes, quelle est la contribution de votre organisation à l’économie circulaire nationale ? Cette visibilité change tout. Elle permet de mesurer les flux réinjectés dans les filières de réemploi ou de recyclage, et d’affiner la lecture de votre impact carbone. Car selon la nature, la destination et la valorisation des déchets, les incidences carbone peuvent varier considérablement. Disposer de données fiables, traçables, vérifiables devient ainsi un levier direct de pilotage du bilan carbone – un indicateur désormais central dans les stratégies des groupes engagés.
Derrière cette exigence se dessine un enjeu plus large : le repositionnement des déchets comme levier de performance globale. Car il ne s’agit plus seulement de gérer des flux sortants. Il s’agit d’observer, analyser, réduire, anticiper. De faire du déchet une data stratégique, un miroir des usages internes, un indicateur de transition.
Cela suppose de repenser toute la chaîne logistique environnementale, du point de production au traitement, en passant par la collecte, le tri et la valorisation. Cela suppose aussi d’associer les métiers de la data aux métiers du déchet, les ingénieurs aux logisticiens, les responsables RSE aux opérateurs terrain. Bref, cela suppose de sortir d’un fonctionnement cloisonné pour entrer dans une logique d’intelligence collective, capable d’aligner objectifs opérationnels, indicateurs environnementaux et narration responsable.
Les déchets sont la donnée de l’ombre qui influence désormais les marchés. Mieux les connaître, mieux les suivre, mieux les valoriser, c’est créer un avantage compétitif mesurable. Et dans un monde où la réputation vaut parfois plus que la marge, il serait temps que la data des déchets prenne sa juste place dans la gouvernance d’entreprise.