Revenu des grands espaces canadiens après un exil judiciaire d’un an et demi, et réélu maire de Bordeaux l’année dernière, Alain Juppé, 61 ans, prend en main un super ministère chargé de l’Environnement, du Développement et de l’Aménagement durables, comprenant les portefeuilles des Transports, de l’Industrie et de l’Energie, une organisation ministérielle souhaitée depuis longtemps par nombre d’écologistes. L’idée d’un « vice-président de l’environnement », décrite dans le pacte de Nicolas Hulot n’est pas très loin non plus.Lors de sa passation de pouvoir avec l'ex-ministre des Transports, Dominique Perben, Alain Juppé a confirmé l’organisation en « septembre ou octobre » d’un « Grenelle de l’environnement », répondant ainsi à la volonté gouvernementale de « construire un outil nouveau au service de cet objectif du développement et de l'aménagement durable ». Alain Juppé a précisé que ce ne serait pas une énième conférence sur l’état de l’environnement : il compte arrêter un « choix d'objectifs précis » et des « actions concrètes à mettre en œuvre ». Les premières décisions pourraient être prises pour le vote de la loi de finances pour 2008.Il doit recevoir avec Nicolas Sarkozy lundi 21 mai à l'Elysée des organisations écologistes non gouvernementales (ONG) et des scientifiques pour préparer cet événement.Premières réactionsLes associations écologistes n’ont pas tardé à réagir à cette annonce de super ministère et de Grenelle de l’environnement, mais pas toutes dans le même sens. Certaines sont inquiètes du risque de dilution du budget de l’écologie dans celui d’un super ministère, d’autres estiment que c’est une réelle opportunité pour l’environnement de gagner encore plus le cœur des secteurs des transports, de l’énergie et de l’industrie.
Du côté des plutôt « pour », France nature environnement (FNE), dans un premier temps réservé « sur l’idée d’un super ministère », a été rassuré par la réintégration de l’écologie dans le titre du ministre d’Etat. La fédération souhaite « contribuer de manière à la fois constructive et vigilante à la préparation » du « Grenelle de l’environnement ».
Les Amis de la Terre, quant à eux, ne veulent pas partir avec des préjugés. Le WWF France attend de voir de son côté si la création de ce grand ministère, réelle « avancée historique », est un véritable « engagement d’Etat » et pas « un pur gadget institutionnel ».Nicolas Hulot s’est exprimé sur Europe 1 le 18 mai, déclarant être « content que quelqu'un qui ait l'expérience et l'envergure d'Alain Juppé prenne ce poste-là», tout en ajoutant que son travail sera « très difficile parce qu'il y a des logiques qui risquent d'apparaître contradictoires ».
Du côté des sceptiques, le réseau Sortir du nucléaire estime pour sa part que le soutien d’Alain Juppé à l’EPR et au laser mégajoule est incompatible avec la protection de l’environnement : il pourrait même boycotter le « Grenelle de l’environnement » si le décret autorisant la construction de l’EPR n’est pas abrogé d’ici là.Quant à l’association Agir pour l’environnement, elle a fait savoir par voie de communiqué que sa « participation éventuelle à ce Grenelle de l’environnement demeure suspendue à l’adoption préalable de quatre moratoires sur les OGM, l’EPR, la construction de nouveaux incinérateurs et le programme autoroutier, ainsi que la mise à l’ordre du jour de deux problèmes majeurs : les pesticides et la téléphonie mobile».Dominique Voynet, dirigeante des Verts, a quant à elle dénoncé un «Grenelle de dupes».Un Secrétariat d’Etat aux transports peut en cacher un autreAlain Juppé est secondé dans son ministère par Dominique Bussereau (54 ans), nommé secrétaire d'Etat aux Transports.
Ensemble, ils vont organiser le Medad autour de quatre pôles opérationnels : « les transports et les déplacements », un pôle « habitat aménagement urbain et aménagement du territoire », comprenant l'éco-construction, un pôle « gestion des espaces naturels » et un pôle « politiques énergétiques ».Alain Juppé a déjà annoncé vouloir travailler « sur les aspects fiscaux » de l’environnement. Il souhaite également donner une dimension internationale « très importante » à son ministère.Au sein de l’UMP, Alain Juppé s’est imposé depuis quelques mois comme le "Monsieur Environnement" de son parti : il a notamment mis en place une Charte écologie urbaine à Bordeaux et pris cause pour la création d'une ONU de l'environnement. Il a été chargé par Jacques Chirac d’organiser les 2 et 3 févriers derniers la Conférence de Paris sur l'environnement.Reste à savoir quelle place sera réservée à « Madame Environnement » de l’UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui était pressentie pour devenir secrétaire d’Etat à l’écologie : elle ne figure pour l’instant pas parmi les personnalités nommées mais elle pourrait hériter de ce secrétariat d’Etat après les législatives des 11 et 18 juin, pour aider Alain Juppé dans la gestion de ses larges portefeuilles.Michaël PronierCliquez ici pour écrire à la rédaction d'Environnement-online.com.