C'est pour répondre au mieux à une telle exigence que la procédure du débat d'orientation budgétaire a vu le jour. Au niveau local, ce mécanisme a été institué à l'origine par la loi du 2 mars 1982 pour les départements (art. L. 3312-1 CGCT) avant de s'imposer aux régions (art. L. 4311-1 CGCT), aux communes de plus de 3 500 habitants (art. L. 2312-1 CGCT), ainsi qu'aux EPCI comprenant au moins une commune de plus de 3 500 habitants (art. L. 5211-36 CGCT). Constituant une étape supplémentaire dans le processus d'élaboration et d'adoption du budget local puisque devant se tenir avant l'examen de celui-ci, le débat d'orientation budgétaire se veut avant tout utile. Il se présente comme un élément de modernisme des finances locales bien que son impact reste limité dans une large mesure.
Un instrument
de démocratisation
de la procédure
L'institution du débat d'orientation budgétaire a été commandée par la préoccupation des pouvoirs publics de faire en sorte que les « membres de l'assemblée locale soient associés plus étroitement aux choix budgétaires définis par l'exécutif local » (Circulaire du 31 mars 1992 relative à l'administration territoriale de la République). Ainsi, le dispositif prévu vise à permettre aux élus d'êtres informés sur les grandes orientations du budget ainsi que sur les choix de l'exécutif local et, éventuellement, de les infléchir. L'information est en effet primordiale pour que lesdits conseillers puissent délibérer valablement sur les affaires relevant de la compétence de la collectivité (art. L. 2121-13, L. 3121-18 et L. 4132-17 CGCT), ceci à plus forte raison dans les domaines budgétaire et financier où elle tient une place toute particulière. Le juge administratif veille au respect de cette prérogative par l'annulation systématique de toute délibération budgétaire ayant été adoptée alors même que les membres de l'assemblée locale n'ont pas bénéficié de l'intégralité des informations détaillant les choix opérés (TA Nice, 25 mai 1987, Basilio, Rec., T., p. 625 ; CE, 2 février 1996, Commune d'Istres, req. n° 155583).
Ainsi, le débat d'orientation budgétaire s'analyse en un instrument d'information des élus locaux, plus particulièrement de ceux de l'opposition, qui peuvent alors préparer au mieux les futurs débats relatifs à l'adoption du budget. Plus encore, cette procédure permet à l'exécutif d'associer dans une plus large mesure l'assemblée locale à l'élaboration du budget. Elle est ainsi l'occasion d'un échange de vues et de discussions au cours duquel les conseillers pourront exprimer leurs positions et leurs avis sur les propositions faites par l'exécutif et, éventuellement, formuler en retour des suggestions ou des recommandations. Le débat d'orientation s'inscrit donc dans le cadre d'une perspective dynamique où le dialogue et la confrontation d'idées doivent pouvoir trouver leur place afin de donner une certaine crédibilité, voire une légitimité aux grands axes budgétaires qui en résulteront. Toutefois, la capacité de cette institution à favoriser la démocratie est parfois mise en cause. La difficulté pour les conseillers à appréhender de manière globale et synthétique les orientations dégagées par l'exécutif local et le clivage politique existant entre la majorité et l'opposition contribuent à rendre le débat stérile (la majorité se contentant d'approuver les axes définis par l'exécutif et l'opposition se cantonnant à émettre des critiques sans toutefois formuler de contre-proposition). De la même manière, le comportement de l'exécutif local, complètement libre pour définir le contenu de l'information dispensée et pas toujours enclin à jouer le jeu du débat démocratique, est souvent pointé du doigt. Malgré tout, là n'est pas le seul élément de démocratie potentielle introduit par le débat d'orientation budgétaire. Ce dernier peut en effet aussi être l'occasion pour les citoyens d'exercer un droit de regard sur les orientations définies par l'exécutif local et de se tenir informés des grandes masses du budget avant l'élaboration et l'adoption de celui-ci. Dans la mesure où il se déroule à l'occasion d'une séance de l'assemblée locale, le débat d'orientation budgétaire est de la sorte soumis au principe de publicité (art. L. 2121-18, L. 3121-11 et L. 4132-10 CGCT), qui permet d'assurer une véritable transparence des discussions tenues.
Un outil d'analyse
et de stratégie financière
et budgétaire
Au-delà de sa dimension démocratique, le débat d'orientation budgétaire apparaît « comme le moment le plus opportun pour appréhender les finances publiques sur le long terme » (Entiope (M.), Les débats d'orientation budgétaire (État, collectivités locales), Revue du Trésor, 2001, n° 10, p. 594) et pour améliorer la gestion de celles-ci par « une meilleure perception des enjeux budgétaires » (Ibid.). Se présentant comme l'occasion d'une analyse rétrospective et prospective des finances de la collectivité, il doit notamment permettre à l'assemblée délibérante, à partir des propositions de l'exécutif, de définir les grands équilibres budgétaires et les choix majeurs en matière d'investissement, de maîtrise des dépenses, de recours à l'emprunt, d'apurement de la dette ou encore d'évolution de la pression fiscale.
L'étude rétrospective consiste en la réflexion sur les résultats et les effets de la politique financière et budgétaire menée par la collectivité durant ces dernières années. Il s'agit en quelque sorte de tirer le bilan de la stratégie suivie jusqu'alors.
Dans cette optique, trois ordres de données sont généralement exposés par l'exécutif local avec des informations sur le contexte budgétaire national et local qui aura des conséquences sur les équilibres financiers prévisionnels, des indicateurs fiscaux et financiers relatifs à l'exécution du budget de l'année écoulée qui, en complément des comptes administratifs des années précédentes, permettront de dégager les grandes tendances en matière de dépenses et de recettes, ainsi que des perspectives en matière d'investissement et d'évolution des services rendus à la population. Cependant, le risque n'est pas à exclure que l'exécutif local ne présente un bilan excessivement favorable de la politique financière adoptée jusque-là par la collectivité afin de justifier la poursuite de son action dans le même sens. Dans ces conditions, le débat d'orientation budgétaire peut se présenter comme une véritable opération d'autosatisfaction par laquelle l'exécutif et sa majorité pourraient masquer les points douloureux et les imperfections de la stratégie adoptée. Le risque est d'autant plus plausible qu'il est encouragé par la relative souplesse du régime juridique applicable à la procédure imposée par le législateur.
Une procédure juridiquement sanctionnée
L'organisation d'un débat d'orientation budgétaire, préalablement à l'examen du budget local, constitue une véritable obligation juridique pour les collectivités territoriales et les établissements publics qui en dépendent. Il s'agit là d'une formalité substantielle dont la méconnaissance est de nature à entacher d'illégalité et à entraîner la nullité de la délibération portant adoptant dudit budget (TA Versailles, 28 décembre 1993, M. Monrocq c/ Commune de Fontenay-le-Fleury, JCP, 1994, IV, 208 ; TA Montpellier, 5 novembre 1997, Préfet de l'Hérault c/ Syndicat pour la gestion du collège de Florensac, Répertoire de comptabilité, janvier 1999, p. 13).
Chaque assemblée locale est ainsi tenue d'adopter un règlement intérieur dans une délai de six mois suivant son installation (contre un mois seulement pour les conseils généraux ou régionaux suivant leur renouvellement) et d'y inclure des dispositions relatives au débat (CE, 12 juillet 1995, Commune de Simiane-Collongue, Rec., T., p. 680 ; CE, 12 juillet 1995, Commune de Fontenay-le-Fleury, Rec., T., p. 681). Cependant, le débat d'orientation budgétaire ne constitue pas juridiquement parlant une délibération car il n'a qu'un caractère indicatif. Il est en principe dépourvu de portée décisionnelle et contraignante car, à ce stade de la procédure budgétaire, il ne peut s'agir que de voeux ou de souhaits. Cela implique notamment qu'il n'a pas à être clôturé par un vote qui entérinerait d'une certaine façon les orientations discutées entre ses membres. La seule contrainte pesant sur l'assemblée locale consiste à tenir le débat au cours d'une séance spéciale retracée par un procès-verbal (TA Montpellier, 11 octobre 1995, M. René Brard c/ Commune de Bédarieux, Gazette des communes, 8 novembre 1999, p. 70), la délibération adoptée étant seulement destinée à prendre acte de la tenue du débat. Dans le silence des textes toutefois, rien n'empêche l'organe délibérant de prévoir, dans son règlement intérieur, le recours à un tel vote à l'issue du débat en vue de cristalliser les orientations définies à cette occasion (JORF, S., Doc. Parl., 5 juin 1991, n° 358, p. 57).
Ce caractère facultatif du vote, qui s'explique certes par la nécessité de préserver la marge de manoeuvre du président de l'assemblée, n'en conduit pas moins à limiter la portée du dispositif initialement prévu par la loi. A partir du moment où l'assemblée locale n'est pas tenue de délibérer sur le débat qui vient de se tenir, rien ne garantit juridiquement que les grands axes tracés à cette occasion seront ensuite pris en compte lors de la discussion et de l'adoption du budget local proprement dit. Il serait en effet tout à fait possible pour l'assemblée locale de voter un budget s'écartant largement des grandes lignes précédemment tracées (CE, 4 juillet 1997, Région Rhône-Alpes, RFDA, 1997, p. 1092), ce qui peut laisser penser que le débat d'orientation budgétaire n'est rien d'autre qu'une formalité préalable obligatoire de plus.
Une obligation difficilement identifiable
Si la tenue d'un débat d'orientation budgétaire préalablement à l'examen du budget local constitue une obligation légale, celle-ci demeure sur deux points relativement peu circonscrite en raison de l'imprécision et/ou du silence des dispositions textuelles applicables. En premier lieu, les textes ne mentionnent pas expressément ce qui relève des « orientations budgétaires » sur lesquelles doit être organisé le débat. Seule exception notable concernant les communes, l'article R. 2311-9 du CGCT impose la présentation, par l'exécutif local, des autorisations de programme ou d'engagement (ou de leurs révisions) que celui-ci est habilité à proposer aux membres de l'assemblée locale. De son côté, l'ordonnance du 26 août 2005 a élargi, pour toutes les catégories de collectivités territoriales, le champ d'application du débat aux engagements pluriannuels envisagés par chaque collectivité. En dehors de ces deux dispositions, aucune autre indication n'est donnée sur le contenu précis du débat d'orientation budgétaire. Le juge s'attache pour l'essentiel à la présentation d'ensemble des documents budgétaires dont notamment, dans les communes de plus de 3 500 habitants, à la note explicative de synthèse que le maire est tenu d'adresser à chacun des conseillers municipaux sur les affaires soumises à délibération (TA Lyon, 9 décembre 2004, Amaury Nardone, req. n° 00200825 ; CE, 12 juillet 1995, Commune de Simiane-Collongue et Commune de Fontenay-le-Fleury, préc.). En revanche, il n'est pas exigé que l'information dispensée à cette occasion porte sur des éléments techniques et chiffrés, la loi laissant ainsi à l'assemblée locale le soin de déterminer l'essentiel des termes du débat d'orientation budgétaire dans son règlement intérieur.
En second lieu, l'encadrement dans le temps du débat d'orientation budgétaire se révèle relativement souple puisque les textes imposent que ce débat soit tenu dans le délai de deux mois précédant l'examen du budget de la collectivité (art. L. 2312-1 et L. 3312-1 CGCT), ce délai étant de dix semaines pour les régions (art. L. 4311-1 CGCT). Il introduit en contrepartie un élément d'incertitude en ce qui concerne l'identification précise du moment au cours duquel le débat est censé avoir lieu. Dans l'esprit des textes, ce moment se situe idéalement dans des délais tels que l'exécutif puisse tenir compte des orientations lors de l'élaboration du budget et, parallèlement, à une date suffisamment proche du vote du budget pour que ces orientations ne soient pas remises en cause par des évènements ou des évolutions récentes apparues à l'approche du vote (Rép. Min., n° 5825, JORF, S., Q., 2 septembre 1999, p. 2930). Si la tenue d'un débat plus de deux mois avant la discussion du budget primitif en assemblée ou au moment de l'examen dudit budget (TA Montpellier, 5 novembre 1997, Préfet de l'Hérault c/ Syndicat pour la gestion du collège de Florensac, préc.) aurait pour effet de vicier la procédure budgétaire, reste néanmoins posé le problème de l'identification du moment ou de la date au-delà duquel le débat d'orientation ne saurait valablement se tenir avant l'examen du budget lui-même. Une fois encore, c'est à l'assemblée locale, par le jeu de son règlement intérieur, qu'il revient de déterminer une telle date ou, à défaut, une période suffisamment éloignée de la réunion budgétaire. Cette grande latitude d'ensemble laissée par le législateur caractérise d'ailleurs tout à la fois la philosophie et les limites du débat d'orientation budgétaire local, dont l'intérêt et l'utilité sont directement tributaires de la volonté des élus locaux d'en faire un élément essentiel de la procédure budgétaire locale.