Journal des Communes Durables -Deux rapports sur les antennes-relais ont été remis au Gouvernement fin août. Pouvez-vous nous rappeler dans quel cadre et selon quelle méthodologie ces rapports ont été élaborés ?
Jean-Marie Danjou -Ces rapports sont le fruit d'un travail engagé, il y a quatre ans, suite à la table ronde du printemps 2009 sur les radiofréquences. Il s'agit d'un travail collectif qui a réuni l'État, les élus locaux (AMF, AMGVF, AVICCA…), les associations (CLCV, CRIIREM, FNE, Priartem… et Robin des Toits jusqu'en janvier 2013), ainsi que les opérateurs télécoms. Des expérimentations ont été menées dans neuf communes sur l'information et la concertation et dans seize communes sur l'exposition aux antennes-relais.
Une boîte à outils à l'usage des maires a ainsi été constituée pour l'information et la concertation. Elle comprend notamment des fiches de l'État sur les antennes-relais et la santé ou sur les obligations qui incombent aux opérateurs. À partir des expérimentations dans les neuf communes, le Conseil général de l'Environnement et du Développement durable (CGEDD) a tiré une dizaine de recommandations.
Le travail sur l'exposition a cherché, quant à lui, à évaluer ce qui se passerait si l'on réduisait l'exposition. L'objectif était d'éclairer les débats avec des résultats fiables obtenus de façon rigoureuse et consensuelle. Ce travail est inédit. Il a associé des mesures sur le terrain et des modélisations informatiques. Celles-ci permettent d'avoir une vision exhaustive de l'exposition au sol et sur toutes les façades de bâtiments à l'échelle d'une commune. Les résultats s'appuient ainsi sur des calculs de l'exposition dans plus de 320 millions de points dans les seize communes sélectionnées.
JCD -Après ces 4 ans de travaux, qu'apprend-on sur l'exposition des Français aux antennes-relais ?
J.-M.D. -On apprend avant tout que l'exposition aux ondes radio émises par les antennes-relais est d'ores et déjà très faible. Elle est inférieure à 1/10e des seuils OMS dans plus de 99 % des 320 millions de points où la modélisation a calculé un niveau d'exposition. Elle est inférieure à 0,1 V/m dans plus de 50 % des points et inférieure à 0,7 V/m dans plus de 90 % des points. J'ajoute que les seize communes ont été choisies dans différents types d'environnement géographique, allant du rural à l'urbain très dense.
Je viens d'évoquer les seuils recommandés par l'Organisation mondiale de la Santé. Il s'agit des seuils en vigueur dans vingt pays de l'Union européenne, dont la France. Ils s'appliquent à toutes les sources d'ondes radio. Aux fréquences utilisées par la téléphonie mobile, ils sont compris entre 40 et 61 V/m.
JCD -La 4G est-elle prise en compte dans ces travaux ? Avec le déploiement de la 4G, qu'est-ce qui va changer dans l'exposition des Français aux ondes radio ?
J.-M.D. -Il n'y avait pas de réseaux 4G quand les travaux techniques ont été lancés en 2009. Aujourd'hui, ces réseaux sont encore en cours de déploiement et ne fonctionnent pas encore à « plein régime ». Pour autant, il était intéressant de profiter de la plate-forme technique du Copic pour estimer l'évolution de l'exposition avec l'ajout de la 4G. Des réseaux théoriques ont ainsi été modélisés avec des hypothèses maximisantes qui considéraient que tous les émetteurs 2G, 3G et 4G fonctionnaient en même temps à puissance maximale, ce qui ne sera pas le cas dans la réalité. Ces modélisations ont montré qu'avec l'ajout de la 4G, l'exposition continuerait d'être inférieure à 1/10e des seuils OMS, même si elle pourra augmenter un peu. L'exposition serait ainsi inférieure à 0,2 V/m dans plus de 50 % des points et inférieure à 1 V/m dans plus de 90 % des points. Il s'agit, je le rappelle, de travaux théoriques et maximisants. Seules des mesures sur le terrain permettront d'apprécier véritablement l'évolution de l'exposition aux antennes-relais.
Concernant l'exposition individuelle des utilisateurs de mobiles, elle va sensiblement diminuer avec la 4G. En effet, l'exposition moyenne de l'utilisateur est au moins 100 fois plus faible avec un mobile fonctionnant en 4G ou 3G que lorsqu'il fonctionne en 2G. De plus, les usages Internet rendus possibles par la 4G ou 3G amènent à regarder l'écran et donc à éloigner le téléphone de la tête – ce qui réduit aussi l'exposition.
JCD -La principale conclusion est qu'il faudrait multiplier par trois le nombre d'antennes-relais pour réduire l'exposition. Êtes-vous d'accord avec cette recommandation ?
J.-M.D. -Tout d'abord, le rapport Copic présente les résultats d'une étude technique. Il ne formule aucune recommandation et donc ne recommande certainement pas de multiplier par trois le nombre d'antennes-relais.
L'étude technique montre qu'il serait nécessaire de multiplier au moins par trois le nombre d'antennes-relais uniquement pour compenser les pertes de couverture dans l'hypothèse d'un seuil à 0,6 V/m. La multiplication par trois est un minimum. Elle ne garantirait pas, pour autant, la qualité de fonctionnement des réseaux mobiles, compte tenu des hypothèses très simplificatrices qui ont été utilisées.
Passons maintenant des modélisations à la réalité. Il a fallu plus de 20 ans pour installer les 55 000 antennes-relais en service en France. Au moment où notre pays a besoin de réseaux 4G, pensez-vous qu'il serait raisonnable et supportable d'installer au moins 110 000 antennes-relais supplémentaires 2G ou 3G, uniquement pour compenser les pertes de couverture causées par le passage à un seuil qui est sans fondement scientifique et qui n'est en vigueur nulle part au monde ?
JCD -Que vont devenir ces deux rapports ? Quelles sont les prochaines étapes ? Et quelles sont vos attentes ?
J.-M.D. -Ces rapports s'inscrivent dans un ensemble plus large de travaux. Ils font suite à plusieurs avancées construites collectivement suite à la table ronde du printemps 2009 : information du public (www. radiofrequences.gouv.fr, nouveau www. cartoradio.fr...), rénovation du dossier d'information sur les projets d'antenne-relais, rénovation de la mesure de l'exposition, nouveau financement pour la recherche scientifique sur les ondes radio...
Ils seront prochainement suivis de deux rapports qui sont annoncés dans le courant de l'automne : le nouveau rapport de l'Agence nationale de Sécurité sanitaire sur les ondes radio, puis le rapport de la mission mandatée par le Premier Ministre sur la sobriété en matière d'ondes radio.
Sur la base des documents déjà publiés et des deux rapports à venir, il reviendra au Gouvernement de tirer des conclusions. En ce qui nous concerne, nous souhaitons une information claire et pédagogique de la part de l'État sur tout ce qui s'est passé depuis quatre ans, sur les résultats obtenus et sur ce qui a changé. (Interview réalisée le 18 septembre 2013)