L'eau est depuis toujours au centre des préoccupations de l'homme. Depuis la nuit des temps sans doute, mais plus près de nous, les civilisations antiques ont été marquées par l'ingéniosité de l'irrigation à Palmyre ou à Persépolis, par la qualité des aqueducs romains ou grecs. Car sans eau, pas ou peu de vie, et cela explique que, de tous temps, on se soit affronté, parfois battu, pour le contrôle d'un puits ou la maîtrise d'une source.
Il y a plus de quinze ans, les Nations unies déclaraient le 22 mars Journée mondiale de l'eau. L'occasion, s'il le fallait, de nous rappeler à nos devoirs : prévoir et gérer les pénuries possibles dont nous sommes le plus souvent responsables.
D'abord, en s'attaquant aux causes qui ont pour nom démographie galopante, urbanisation anarchique, climat déréglé. Ensuite, en traitant les effets qui s'appellent migrations, pollutions, inondations et d'autres encore. Puis, en agissant sur les esprits pour convaincre décideurs et grand public que l'enjeu est d'abord moral avec une dimension planétaire. Agir sur les esprits, c'est faire accepter que l'eau soit une cause d'utilité publique, État par État, ville par ville.
La question de l'énergie indispensable à l'eau illustre en vraie grandeur cette notion d'utilité publique et constitue une première urgence. Sans énergie, et en particulier sans électricité, pas de pompage, pas de stockage, pas de traitement. Or, l'énergie pour l'eau nous fait aujourd'hui gravement défaut. La flambée du prix du brut et l'accroissement important de son coût, tout particulièrement dans les pays pauvres et enclavés, privent aujourd'hui une partie de la population d'accès à la ressource. Là où, dans une brousse du Bénin ou du Mali, on pompait huit heures durant, voici trois ans encore, on ne peut guère le faire pour la même somme d'argent plus de trois heures aujourd'hui.
Résoudre ce préalable est, pour plusieurs centaines de millions de personnes, une question de survie. Trouver les réponses adaptées exige que nous mobilisions nos intelligences et nos volontés.
Intelligence pour inventer de nouvelles solutions technologiques à travers l'avènement d'énergies alternatives qui permettront, demain, de disposer de plus d'eau avec toujours moins d'énergie. Sans doute le génie de nos savants et le savoir-faire de nos ingénieurs y pourvoiront. Mais ce n'est pas assez...
Volonté pour faire accepter qu'une part de l'énergie pour l'eau nécessaire aux plus démunis doit être mise à disposition à un coût réduit. Peut-il s'agir d'un moratoire sur la croissance d'une partie du prix du pétrole ? S'agit-il d'un produit pétrolier spécifique et consacré à l'accès à l'eau ? S'agit-il d'une taxation dédiée à l'énergie pour l'eau ? Cette hypothèse et d'autres sont à examiner.
Le Conseil mondial de l'eau avec le Conseil mondial de l'énergie travaillent pour apporter des réponses à ces questions et présenter des propositions concrètes pour des financements d'un type nouveau, solidaires, durables et équitables.
Du retard a été pris pour atteindre les fameux Objectifs du millénaire. Sans doute. Mais l'essentiel est de
convaincre l'humanité qu'elle ne peut faire l'économie d'une véritable politique de l'eau.
En cette Journée mondiale de l'eau, c'est cette parole qu'il convient d'apporter. Une parole qui contribue à associer l'espoir des plus pauvres à l'impératif des plus riches.
C'est la raison d'être du Conseil mondial de l'eau, aujourd'hui et demain, de le dire haut et fort. Et c'est la raison d'être du prochain Forum mondial de l'eau, organisé avec nos amis turcs en mars 2009 à Istanbul, de rassembler tous ceux qui veulent faire avancer la cause de l'accès à l'eau.