Il a été introduit en dernière minute dans la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (Lema), pour se propulser dans son premier article : le « droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ». Il est donc désormais inscrit dans le marbre de la loi. « Autrement dit, chacun a droit à l'eau, même s'il ne peut pas la payer », résume de façon abrupte Henri Smets, membre de l'Académie de l'eau, lors d'un colloque organisé dans la capitale européenne par l'École nationale du génie de l'eau et de l'environnement de Strasbourg (Engees) et le Cemagref.
aider financièrement
Que se passe-t-il le jour où un ménage n'a plus les moyens financiers d'acquitter sa facture ? En attendant ses décrets, la seule Lema ne répond pas à la question. Le texte, muet au demeurant sur un droit à l'assainissement, ne retient pas explicitement la discrimination tarifaire « positive », fondée sur des motifs sociaux. La législation permet cependant aux collectivités de fixer des tarifs progressifs et dégressifs, mais il ne s'agit que d'une faculté.
Demeure l'aide financière telle qu'elle se pratique déjà dans le cadre du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) des départements. Ce fonds vient au secours des ménages dotés de compteurs individuels éprouvant des difficultés à payer leur loyer et leurs factures d'électricité, de téléphone ou
d'eau. Mais ce fonctionnement en approche globale tout comme les moyens financiers doivent être revus, ont estimé la plupart des intervenants au colloque. Henri Smets en tête : « Trente départements n'ont pas de FSL digne de ce nom. L'eau ne représente que 5 % des montants attribués. Ceux-ci représentent 0,12 centime par habitant en France, c'est moins que l'Angleterre (20 centimes) et la Wallonie (50 centimes). Le montant devrait doubler pour suivre l'augmentation du prix du service de l'eau depuis dix ans et les besoins d'aide. »
En effet, seuls 50 000 ménages ont bénéficié du FSL « eau » en 2006, alors qu'ils sont six fois plus à éprouver des difficultés à payer leur facture et trente fois plus à être classés pauvres. Or, la corrélation semble réelle. Dans le département de la Loire, 94 % des demandeurs se situent sous le seuil de pauvreté national. L'équivalence statistique est notable entre les bénéficiaires de l'aide et les Rmistes du département : 2 % de la population totale à chaque fois. Autre risque d'inadaptation du FSL : « Il a été conçu comme un soutien ponctuel, alors que nous constatons que le problème touche des foyers de façon durable : 45 % des demandeurs en 2006 nous étaient déjà connus et 16 % ont fait une demande tous les seize mois entre 2003 et 2006 », a souligné Bertrand Lapostolet, chargé du logement des défavorisés de la Loire.
responsabiliser
Une solution qui fait l'économie d'une explosion budgétaire pourrait consister à concentrer les moyens sur le public effectivement « vulnérable ». Catégorie définie dans les pays anglo-saxons comme celle des ménages qui consacrent plus de 3 % de leur budget aux dépenses d'eau. Il importe aussi d'identifier les gaspilleurs, de développer les compteurs individuels salués comme « responsabilisants ». Et de distinguer les mauvais payeurs des insolvables honnêtes. Reims Métropole commence à y parvenir par son mécanisme d'étalement du paiement et surtout par son dialogue constant avec le distributeur, la régie locale en l'occurrence, et les Centres communaux d'action sociale.