Dans les années 1990, les chercheurs du Cemagref de Lyon ont remarqué le rôle que pouvaient jouer les zones humides dans la réduction du transfert des pesticides. Des mesures effectuées dans les fossés d'assainissement agricoles ont mis en évidence la capacité épuratrice de ces bassins : les fossés emplis de végétaux en décomposition parvenaient à abaisser jusqu'à 50 % le transfert des pesticides. Fort de ce constat, le Cemagref a alors mis au point un pilote expérimental pour isoler les facteurs intervenant dans ce phénomène.
Pour observer et optimiser les conditions d'épuration, les chercheurs du Cemagref se sont penchés sur les zones humides artificielles. « Nous insistons sur ces zones tampons "construites", explique Julien Tournebize, membre de l'unité de recherche Hydrosystèmes et Bioprocédés du Cemagref, à Antony (Hauts-de-Seine). C'est par l'aspect aménagement compensatoire de l'activité agricole que nous étudions ces zones. Leur rôle premier est de piéger les pesticides afin de limiter leur transfert dans l'environnement à la sortie d'une ou plusieurs parcelles agricoles. Aujourd'hui, dans nos travaux expérimentaux à l'échelle de petits bassins versants ruraux, nous tablons sur un ratio de 0,1 à 1 % de surface agricole sacrifiée pour reconstruire des zones épuratoires. »
En plus de leur rôle dans l'abaissement des phytosanitaires, ces zones humides artificielles jouent les mêmes rôles que leurs pendants naturels. Dans ces bassins, la hauteur d'eau est volontairement inférieure à 1 mètre, et la végétation est typique des zones humides naturelles. « Ces aménagements peuvent contribuer à générer des hétérogénéités dans le paysage et à être favorable à une biodiversité, confirme le chercheur. Mais pour nous, ces avantages sont secondaires, par rapport à l'intérêt qu'ils peuvent avoir pour limiter la contamination des eaux de surface et souterraines dans le cadre de la DCE et du bon état écologique des cours d'eau. »
Les équipes du Cemagref ont pour objectif de caractériser les transferts sur leurs bassins expérimentaux et d'optimiser leurs performances. Leurs travaux s'inscrivent dans le cadre du projet européen Life ArtWet (ci-dessus, site expérimental Life Artwet à Bray, en Indre-et-Loire), qui vise à reconsti-
tuer les zones humides artificielles pour lutter contre la pollution phytosanitaire (voir Hydroplus n° 171, p. 17).