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Passer du stockage à la valorisation

LA RÉDACTION, LE 1er JUIN 2008
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Chaque année, environ 6millions de mètres cubes de sédiments sont transportés par les 525 000kilomètres de cours d'eau que compte le territoire français. Composés de particules minérales et organiques issues de l'érosion du bassin versant et des berges, les sédiments se déposent au fond des rivières, canaux et plans d'eau. Plusieurs facteurs conditionnent la sédimentation, comme l'influence de la topographie des lieux, la vitesse d'écoulement et la densité des particules. Quand le courant ralentit suite à l'élargissement des cours d'eau ou quand la charge solide est supérieure à la capacité de transport, les particules décantent et sédimentent, ce qui provoque un envasement. Le curage constitue alors une opération de restauration, d'entretien, voire d'assainissement, indispensable pour prévenir les risques d'inondation, pour rétablir le tirant d'eau nécessaire à la navigation, mais aussi pour préserver le bon état écologique du milieu. Avant les années 1990, les sédiments issus d'opérations de curage étaient principalement déposés à terre dans des décharges de matériaux inertes ou remis à l'eau en aval, sans qu'aucune analyse environnementale ne soit demandée. Or, une grande partie de ces particules présente une contamination due à l'activité humaine, via les rejets industriels et urbains. Les analyses ont mis en évidence deux grands groupes de contaminants que sont les éléments organiques (hydrocarbures, PCB, pesticides...) et les éléments métalliques. La présence de ces polluants rend plus difficiles les opérations de curage et complique le devenir de ces particules. Les solutions traditionnelles ne sont alors plus applicables car elles transféreraient les contaminants vers l'écosystème. Dans une logique de développement durable, les maîtres d'ouvrage doivent donc organiser une politique de gestion de ces sédiments. Mais en l'absence d'une réglementation précise et surtout spécifique à ces particules, la mise en place de filières de traitement et de valorisation est difficile. grand flou réglementaire Selon le décret n°2002-540 du 18avril 2002 relatif à la classification des déchets, les sédiments sont considérés comme des déchets à partir du moment où leur filière de destination est terrestre. Le décret qui reprend la nomenclature européenne a classé les sédiments en deux rubriques: les boues de dragage contenant des substances dangereuses (référence 17 05 05*) et les autres (17 05 06). Pour savoir si un déchet est dangereux, on utilise le plus souvent le critère d'écotoxicité H14, bien qu'il ne soit pas défini et quantifié dans les réglementations européenne et française. « Il n'existe pas de critères opérationnels qui permettent de définir la dangerosité ; il existe seulement des concepts larges comme l'écotoxicité, mais, qui ne sont pas spécifiques des sédiments », confirme Charles Thiébaut, chargé d'études au Meeddat. À partir des normes sols et boues utilisées dans le domaine des boues de stations d'épuration, la réglementation française définit trois groupes: déchets inertes, déchets non inertes et non dangereux, déchets dangereux. En l'absence de valeurs guides, des acteurs de la gestion du curage, responsables du devenir des sédiments, ont établi leur propre méthodologie. Ainsi, Voies navigables de France (VNF) définit, dans sa circulaire de dragage, un indice qui est égal à la somme des rapports des concentrations de chacun des polluants présents dans le sédiment sur la concentration à partir de laquelle cet élément a un effet probable sur son environnement. Cet indice a permis à VNF d'établir des consignes de caractérisation des sédiments continentaux en termes qualitatif, quantitatif et d'élimination. Par ailleurs, le mot déchet, utilisé pour caractériser les sédiments contaminés ou non, peut être un handicap à la mise en place de filières de valorisation, car cela amène beaucoup de réticence au niveau du grand public et des professionnels. « Le sédiment est systématiquement considéré comme un déchet. Il faut arriver à changer cette mentalité pour aider la mise en place de vrais débouchés industrielspour les sédiments non contaminés et pour les sédiments contaminés ayant subi un traitement », insiste Denis Drousie, directeur général de la société Extract-Écoterres, spécialisée dans la gestion et le traitement des sédiments de dragage. L'élimination des sédiments dragués va donc dépendre de plusieurs facteurs, comme leur dangerosité, le volume curé, leur origine et l'économie de la filière mise en oeuvre. Le devenir des particules Dans le cas de particules inertes, la mise en dépôt, le régalage le long des berges et le stockage en gravière peuvent être des solutions d'un point de vue environnemental et économique. Lorsque les sédiments sont pollués, leur utilisation, que ce soit en stockage ou en valorisation, doit prendre en compte leur taux de contamination et leur dangerosité. Le caractère très hétérogène des polluants est une réelle difficulté qui implique une analyse approfondie avant la mise en place d'un traitement. Seules ou en combinaison, plusieurs techniques de traitement, proches de celles utilisées dans la dépollution des sols, ont été développées. Ces procédés sont classés en trois catégories, selon qu'ils concentrent, dégradent (voie chimique ou biologique) ou neutralisent (stabilisation ou incinération) les polluants. Le coût du traitement, lié à la technique choisie et aux quantités de sédiments à traiter, peut varier du tout au tout. La valorisation des sédiments traités peut diminuer les coûts, mais il faut s'assurer que la création d'une filière industrielle est viable en termes de coût, de débouchés et d'acceptabilité par le consommateur. Pour réduire le volume sédimentaire à traiter ou à stocker, il est possible de réaliser un tri granulométrique. De manière générale, les polluants, qu'ils soient organiques ou minéraux, se fixent sur les particules fines, c'est-à-dire inférieures à 63µm. Cette technique va donc permettre de séparer la partie sableuse valorisable de la fraction fine qui concentre l'essentiel de la pollution. Parfois, le sable peut présenter une contamination, due à l'enrobage des grosses particules minérales par des fines polluées. Résultat, les entreprises privées refusent d'utiliser cette matière, de peur d'être rendues responsables de la dissémination de polluants. « Cela n'est pas réellement un problème, car après quelques analyses, il est facile de détecter ces agglomérats et de les éliminer par différentes techniques », ajoute le professeur Nor Edine Abriak, de l'École des mines de Douai (EMD). Le principe de l'attrition conduit à la désagrégation des substances organiques nocives et au nettoyage des surfaces minérales sans concassage excessif des composants cristallins. Considéré comme une matière noble, le sable propre servira pour la construction de routes ou la fabrication de ciment, mortier ou béton. Mais la séparation granulométrique qui est un prétraitement n'est réellement rentable que dans le cas où la partie sableuse est importante. Des procédés, mais pas de débouchés Selon le degré de pollution et les caractéristiques physiques des particules, plusieurs procédés de valorisation et de décontamination ont été testés en laboratoire ces dernières années. Développé depuis une dizaine d'années par Solvay, le procédé Novosol consiste à stabiliser les métaux par phosphatation acide, puis à détruire les composés organiques par calcination. L'objectif est de disposer de matériaux en sortie pouvant être valorisés pour la réalisation d'assises routières, de remblais, de briques ou de bétons. Pour l'instant, la licence du procédé, d'un coût total de quelques dizaines d'euros par mètre cube, a été achetée en Belgique et en Italie. En France, Eurovia a réalisé une section expérimentale de route, construite à partir de 30 % de sédiments mélangés avec du sable et du ciment. La Briqueterie du Nord a également travaillé en laboratoire sur la conception et la fabrication d'une brique incluant 35 % de sédiments. Toutefois, des améliorations restent à prévoir sur la phase de calcination, et des études devront s'assurer de la durabilité de l'innocuité du matériau (usure, perçage, recyclage...). Autre méthode de stabilisation, le procédé de la société VBC 3000 a pour objet de valoriser les sédiments de dragage en les transformant en matériaux céramiques de construction. Après des opérations de stockage et de séchage, les sédiments mélangés à des boues de stations d'épuration (respectivement 70 % et 30 %), vont subir plusieurs phases de traitement: le façonnage, la déshydratation et la cuisson à une température d'environ 1 000°C. Lors de cette dernière étape, la minéralisation de la matière organique crée de la porosité dans les matériaux, ce qui les allège, voire les expanse. Les métaux lourds sont bloqués dans la matrice céramique. Avec des propriétés d'isolation thermique et phonique, ces granulats expansés sont des matériaux valorisables présentant l'avantage de ne pas entrer en concurrence avec des produits naturels. Après plusieurs essais concluants, la société Baudelet, spécialisée dans la valorisation et le stockage des déchets, a négocié une cession de licence d'exploitation du procédé, mais a dû y renoncer, surtout à cause du prix demandé. Un textile d'avenir Les solutions de stabilisation ou d'inertage ne dépolluent pas les métaux lourds présents dans la partie fine, mais les emprisonnent par des procédés chimiques et thermiques. Même si ce moyen est jugé sûr, cela peut créer une réticence pour la mise en place de véritables débouchés industriels, notamment en raison d'un vide juridique. Pour résoudre cette problématique, la société Intissel Technologies et le groupe Chargeurs ont conçu le textile échangeur d'ions (TEI), un procédé de dépollution des métaux lourds. Après une séparation granulométrique, la fraction fine concentrant les contaminants est placée sur ce tissu synthétique où ont été greffées des molécules avec une polarité spécifique afin de capter les métaux lourds à traiter. Lors d'épisodes pluvieux, les métaux lourds qui possèdent une certaine mobilité, vont être entraînés par l'eau dans la terre. La couche de géotextile mise en situation dans le sol est ainsi capable de capter les métaux lourds contenus dans l'eau de ruissellement, grâce à un phénomène d'échange d'ions. « L'avantage du TEI réside dans le fait qu'il est spécifique au sédiment. Par conséquent, si les particules sont plus fortement polluées au chrome, le TEI est adapté de façon à ne traiter que celui-ci. Ce géotextile activé permettra ainsi de diminuer le taux de pollution dans des normes acceptables », explique Nor Edine Abriak. Il ajoute que la dépollution totale de tous les contaminants n'est pas nécessaire, le but étant d'abaisser le taux de contamination pour que le matériau soit valorisable. « Le problème est la dispersion des métaux lourds. Certains se situent juste au-dessus de la norme, mais pas assez pour mettre en place des solutions lourdes et onéreuses comme l'inertage », ajoute Sébastien Paillet, chef de projet TEI chez Intissel Technologies. Ce procédé, pour qu'il soit intégré dans une solution globale dynamique, doit être couplé à des techniques d'élimination de la matière organique comme la bioremédiation. Testé sur des sédiments mis à disposition par VNF et par la société Baudelet, les résultats de ce procédé sont jugés très prometteurs pour les matériaux dont les polluants sont facilement mobilisables par l'eau. En l'absence de filières industrielles de valorisation techniquement et économiquement viables et compte tenu du coût prohibitif des traitements de dépollution, les maîtres d'ouvrage qui doivent gérer l'élimination des sédiments, choisissent souvent des solutions de stockage. Mise en dépôt Avec ses centaines de kilomètres de voies navigables, la Région Nord-Pas-de-Calais est confrontée à une pollution importante en raison de son fort passé industriel et de sa topographie plane. Responsable des opérations de curage, VNF a choisi la mise en dépôt confiné pour le traitement des sédiments contaminés. « Actuellement, la mise en dépôt est la seule solution technique sûre et économique. Propriétaire de ces sites, VNF a donc mis en place une procédure pour l'aménagement et la gestion des terrains de dépôt pour s'assurer de l'absence d'impact sur l'eau, la santé des populations et l'environnement », témoigne Olivier Prévost, ingénieur divisionnaire chez VNF. Pourtant certifiés ISO 14 001, ces sites de mise en dépôt cristallisent de plus en plus de réticence de la part des riverains et des associations écologiques, même si cela permet parfois la réhabilitation de friches industrielles. « Avec la difficulté de trouver de nouveaux terrains, VNF a une réelle volonté de trouver des filières de valorisation en participant à la recherche aux côtés des scientifiques et des entreprises. Mais rien, pour l'instant, ne dépasse le stade expérimental », conclut Olivier Prévost. Pour dépasser le stade expérimental, le projet Sedimateriaux, qui coordonnera une trentaine d'opérations en Europe et en Afrique, a pour but de développer les bonnes pratiques relatives à la gestion des sédiments contaminés. Cela permettra de définir des lignes guides pour le dragage et la valorisation de ces particules en fonction de leurs qualités techniques et environnementales. « Ce guide donnera aux maîtres d'ouvrage des solutions environnementales aux meilleurs coûts. L'expertise scientifique sur ces différentes opérations sera essentielle pour savoir quelle méthodologie ou combinaison de méthodologie donne les meilleurs résultats », précise Nor Edine Abriak. Pour qu'il soit efficace, le projet Sedimateriaux devra être accompagné d'une démarche de communication destinée à expliquer la nécessité de valorisation à terre des sédiments. L'absence d'une réglementation spécifique au sédiment et à leur devenir est un frein à la mise en place de filières de valorisation. Pourtant, avec l'interdiction européenne de créer de nouvelles carrières, les enjeux d'incorporation de ces matériaux dans les travaux publics seraient appréciables. Par ailleurs, avec l'obligation d'atteindre le bon état écologique des masses d'eau en 2015, la tendance à l'amélioration de la qualité et à la diminution de la quantité des sédiments doit continuer. Des problématiques qui seront abordées à Lille, lors du symposium international sur le management des sédiments (9-11juillet 2008), co-organisé par l'EMD et CD2E.


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