L'humanitaire est sa passion. Mais Fariborz Livardjani ne l'exerce pas seulement à l'autre extrémité de la Terre. Ce toxicologue iranien de 48 ans, « Alsacien d'adoption depuis l'enfance », a imaginé le concept du « Samu de l'environnement », dont la structuration en une association a consacré la légitimité fin avril. Dépêcher sur les lieux d'une pollution eau, air ou sol une unité mobile équipée pour effectuer les premiers prélèvements et mesures, dresser un diagnostic toxicologique et adresser les recommandations immédiates : son idée originale s'est concrétisée durant une phase expérimentale de cinq ans par une centaine d'interventions autour de Strasbourg auprès de particuliers, d'administrations et d'industriels. Poissons morts, déversements de produits chimiques dans la rivière, émanations de colle, indispositions suite à de mauvaises odeurs..., ce Samu a rencontré les cas les plus divers.
L'idée lui est venue dès les années 1990. Un déversement de solvant sur la chaussée lui a fait prendre conscience de l'impréparation générale des services de secours et de la population quant à la conduite à tenir face à une pollution environnementale : « Ce qui m'intéresse, c'est l'impact sur l'être humain. »
Mais l'histoire de ce Samu relève aussi de l'humanitaire. Fariborz Livardjani lui a réservé son « baptême du feu » au début des années 2000 au Kosovo, où il s'est rendu pour le compte du Comité international de la Croix-Rouge. « Les routes étaient détruites, les hôpitaux aussi. L'état des réseaux d'eau potable
et d'assainissement provoquait moult maladies. Je me suis alors dit que c'était à l'hôpital
d'aller vers les gens. » La camionnette d'urgence aménagée à Strasbourg s'est donc déplacée de village en village. « En trois mois, nous avons réduit les pathologies hydriques de 70 %, un score qui a dépassé toutes nos espérances », témoigne le toxicologue. De retour au bercail, Fariborz Livardjani s'est attaché à consolider le concept, en y agrégeant ceux qui en partagent l'état d'esprit, qu'ils soient pêcheurs ou médecins du travail.
La transformation en une association, surtout si elle s'accompagne de la reconnaissance d'intérêt public, ouvrira la porte aux subventions de collectivité. Elle permettra d'élargir le réseau des « urgentistes » scientifiques afin de mieux évaluer, puis de réagir aux appels qui se sont déjà multipliés depuis la médiatisation de fin avril. Autres objectifs : intervenir sur toute l'Alsace, faire passer le nombre de paramètres mesurés de 150 à 400, intensifier les recherches en médecine environnementale.
De cette nouvelle étape, Fariborz Livardjani en sera, mais pas au premier rang. « Il faut bien marquer qu'une page se tourne. » Le toxicologue siège au conseil d'administration, mais il transmet le flambeau à Fabielle Angel. Cette chercheuse de l'Inserm a pris la présidence, poste que l'association veille à réserver à un scientifique, au moment où elle suscite l'intérêt des pouvoirs publics locaux et nationaux.
Lui-même continuera à se consacrer à l'enseignement et à ses travaux au sein d'un centre d'études privé en toxicologie de l'environnement. Ils portent sur les déchets dentaires qui partent dans le réseau d'assainissement. « Je planche
sur ce qui sort de l'ordinaire. » On n'en sera pas étonné.