Née en juin 1988 de la volonté de l'association Hydroplan, organisatrice de salons internationaux à Marseille - dont le salon Hydrotop -, Hydroplus avait pour objectif, à l'origine, de compléter le dispositif mis en place par les industriels français du secteur de l'eau pour asseoir leur positionnement à l'international. « À l'époque, les entreprises françaises avaient déjà des positions fortes dans le monde, qu'il s'agisse des distributeurs d'eau, des sociétés d'ingénierie... Mais la filière française de l'eau avait besoin d'un support à l'export. C'est ainsi qu'est née l'idée d'Hydroplus, une revue française de l'eau à diffusion internationale dont la vocation serait de présenter l'offre globale de savoir-faire français », explique Erick Serre, qui pilotait le groupement Hydroplan et fut le premier éditeur d'Hydroplus.
L'ambition était de taille : créer un challenger de World Water, le magazine de référence anglo-saxon. Partant de zéro, il fallait tout inventer. C'est ce à quoi s'est employée Sud Reporters, une agence de presse de Marseille, nouvellement créée par Christian Apotheloz, à qui la rédaction du magazine avait été confiée. « Il faut reconnaître qu'au départ, nous n'étions pas des spécialistes, mais nous formions une équipe enthousiaste, énergique et pleine de bonne volonté, ce qui nous a permis de nous mettre à niveau peu à peu. Avec le recul, c'est drôle de penser qu'une modeste agence de presse régionale située à Marseille, loin des centres de décision et travaillant de manière assez artisanale, avec des moyens limités, pouvait produire une revue internationale de cette envergure.
En relisant les articles de l'époque, je constate que nous traitions d'enjeux qui sont toujours d'actualité : l'accès à l'eau dans le monde, les chantiers français
à l'international, les technologies de pointe, etc. », témoigne Christian Apotheloz, le rédacteur en chef.
Bimestriel pendant la première année, le magazine est par la suite rapidement passé à un rythme mensuel. Dès le départ, la structure rédactionnelle comportait une partie technologique et une partie plutôt économique, sur les marchés, les opportunités d'affaires et la demande internationale. Dans ses premières heures, le magazine ne disposait que d'un unique réseau d'information : celui des membres du comité éditorial, composé de représentants des huit entreprises qui finançaient le magazine. Ces experts faisaient bénéficier l'équipe rédactionnelle de leurs contacts à l'étranger et constituaient de précieuses sources pour identifier des enjeux, des sujets d'articles intéressants, rapatrier de l'information sur l'actualité, les nouveautés, les expériences intéressantes à l'échelon mondial, à une époque où Internet n'était pas développé et où l'accès aux moyens d'information était bien plus limité qu'aujourd'hui. Un réseau de journalistes correspondants en France et à l'étranger (Allemagne, Angleterre, Canada...) a ensuite été constitué, et il n'a cessé de se renforcer dans le courant de ces premières années.
La voix de son maître
Bien qu'elle soit clairement positionnée comme un outil de promotion des industriels français à l'étranger, l'indépendance de la revue a été, dès le départ, l'un des principes forts mis en avant par Hydroplan. Il est rapidement apparu que le fait qu'un ensemble d'industriels constitue les bailleurs de fonds directs du magazine portait atteinte à ce principe. « Pour qu'elle vive, il fallait que la revue soit indépendante et dégagée de toute pression industrielle, constate Erick Serre. Après un ou deux ans, il a été décidé de la retirer d'Hydroplan et je l'ai reprise, sur mes fonds propres, avec comme objectif de l'amener rapidement à atteindre l'autofinancement. » Libérée de son comité éditorial très présent, la revue a continué à mettre en avant la compétence et l'expertise française, mais elle a pris plus d'envergure et le traitement des thèmes a évolué pour couvrir de manière plus large l'offre et les marchés.
Une ambition internationale encore plus affirmée
Avec la professionnalisation de l'équipe rédactionnelle, la structuration du réseau de journalistes correspondants et la création d'une régie publicitaire, le magazine a commencé à voler de ses propres ailes. Mais il a alors eu besoin d'investissements pour monter en puissance. « J'ai recherché un acteur disposant de plus de moyens financiers, qui pourrait s'investir dans la revue de manière professionnelle », explique Erick Serre. C'est ainsi que la revue a été vendue à Jean-
Jacques et France Lemoigne.
Réalisé cette fois à Paris, avec une tout autre équipe rédactionnelle à partir de 1991, Hydroplus s'est positionné encore plus fortement sur l'international et a commencé à produire une série de numéros spéciaux sur le Maroc, le Liban, le Sénégal... Il accompagnait le déploiement sans précédent des entreprises françaises sur la scène mondiale et suivait l'actualité du marché international, marqué à l'époque par l'entrée de nouveaux acteurs, notamment anglais.
La revue conservait sa double vocation technique et économique, mais l'aspect business international prédominait, avec beaucoup de sujets sur les financements de projets, les partenariats public-privé qui montaient en puissance, les marchés dans les pays à risques, etc. « C'était une époque de dynamisme incroyable à l'export, avec une mentalité très conquérante des entreprises de l'eau : les Français allaient planter le drapeau tricolore partout dans le monde. Cette période a aussi été marquée par un grand bouleversement culturel chez les géants français de l'eau : la prise de pouvoir par des hommes issus du monde financier, avec une nouvelle mentalité très orientée sur la communication, sur les "coups" qui secouaient beaucoup ce monde s'inscrivant traditionnellement dans le sérieux et la rigueur des contrats de long terme... », note Christian Chesnot, rédacteur en chef de 1994 à 1999.
Hydroplus était alors sur tous les fronts. Un cahier spécial hydroélectricité avait été créé avec une rubrique à la fois technique et économique, accompagnée d'un dossier consacré au financement des grands projets de barrages dans le monde, aux problématiques de sécurité, etc. C'est aussi la période de la naissance d'Air Plus, un deuxième magazine consacré aux thèmes de l'air et de l'énergie, des premiers pas d'Hydroplus
sur Internet, de la création d'une bande dessinée... « Les Lemoigne étaient précurseurs dans de nombreux domaines, ils avaient une grande ambition pour le magazine et beaucoup d'idées. Nous produisions alors le haut de gamme de la presse professionnelle. Pourtant, au bout d'un moment, nous avons buté sur les moyens. Il y avait une forte montée en puissance au niveau éditorial, mais cela ne suivait pas au plan du développement de l'abonnement et de la publicité. Il aurait fallu des investissements pour mieux structurer ces deux volets, en développant des régies publicitaires à l'étranger, par exemple », détaille Christian Chesnot. C'était une époque assez luxueuse pour le magazine : des responsables globe-trotters, présents chaque année sur une quantité de salons dans le monde, un papier de qualité, une mise en page léchée, des coûts de fabrication élevés, de grands bureaux à Levallois-
Perret... Mais la revue vivait sans doute
au-dessus de ses moyens, ce qui a conduit à une impasse financière et, finalement, au dépôt de bilan.
Une troisième équipe
et tout à reconstruire
Hydroplus a alors failli disparaître. Mais la revue a finalement trouvé un deuxième souffle après sa reprise, en 2001, par le groupe Victoires Éditions, société éditrice
d'Environnement Magazine, dirigée par Charles-Henry Dubail. Tout était à reconstruire : l'équipe rédactionnelle, qui s'était réduite mais conservait Yves Leers, rédacteur en chef ayant repris le flambeau en 1999 ; la confiance des abonnés car, pendant quelques mois, seul un numéro spécial Agences de l'eau était paru ; la crédibilité pour les annonceurs car il n'y avait plus qu'une seule page de publicité dans le magazine fin 2001 ! « C'était un véritable pari que de faire renaître la revue de ses cendres. Sur les chapeaux de roues, nous avons recruté une rédactrice technique, relancé la machine et remis le magazine sur les rails », témoigne Yves Leers.
Cette période a été marquée par des décisions parfois difficiles. Le bilinguisme français-anglais était un élément constitutif de l'ambition internationale originelle de la revue, qui comportait en outre, depuis le milieu des années 1990, un cahier en espagnol. Après la reprise par le groupe Victoires Éditions, un bilan sur l'abonnement international et l'intérêt du bilinguisme pour les lecteurs et les annonceurs a conduit à l'abandon du cahier espagnol en 2001 ; puis, en 2005, à la fin du bilinguisme. Une part des freins au développement était en effet liée à la présence des traductions, jugées inutiles par les acteurs de terrain qui ne souhaitaient pas payer pour une revue dont ils ne lisaient que la moitié.
Une meilleure adéquation
aux attentes des lecteurs
Cette décision pragmatique a marqué un tournant dans l'histoire d'Hydroplus, l'ambition de faire un magazine international de référence ayant toujours été portée et défendue avec beaucoup de coeur par les trois équipes successives. Mais il était cette fois nécessaire d'assurer un repositionnement.
Une profonde mutation a été engagée en parallèle, en plusieurs étapes. La double approche technologique et sur les enjeux économiques et stratégiques du secteur a été maintenue. Mais l'accent a été mis sur l'aspect technique : veille technologique et industrielle davantage développée, apparition d'une rubrique « L'avis du technicien », d'un guide des produits... Le mode de traitement des sujets a évolué vers une approche plus concrète, répondant aux attentes des différentes catégories de lecteurs et notamment des acteurs de terrain, des opérationnels. L'international est resté présent, mais il s'est progressivement recentré pour ne relayer que les éléments marquants concernant les grands débats à l'échelon mondial. Ceux dans lesquels les acteurs français se sont fortement positionnés dès le Forum mondial de l'eau de Kyoto en 2003, concernant l'essor des leaders français sur de nouveaux territoires, notamment en Chine... « Les changements marquants durant les années 2000, ce sont les frontières sur le marché de l'eau qui se sont déplacées et sont devenues moins nettes. Les délégataires ont commencé à proposer des services allant au-delà de la simple gestion du service d'eau ou d'assainissement. Les ensembliers qui ne vendaient traditionnellement que des process ont élargi leur offre, notamment en rachetant des équipementiers. De leur côté, les équipementiers, qui ont connu une vague de concentration, se sont positionnés sur le service (assistance, formation...) et, pour certains, sont allés jusqu'à proposer des stations clés en main... Puis, récemment, des collectivités ont commencé à répondre à des appels d'offre étrangers, faisant ainsi concurrence aux sociétés privées. L'autre tendance de fond des années 2000 est la montée en puissance de l'assainissement, tant au niveau français et européen
(conformité DERU) qu'au plan mondial. Il est apparu comme un thème majeur lors du Forum mondial de Mexico, poussé en avant par le Partenariat français pour l'eau, au sein duquel tous les acteurs français sont fédérés sous une même bannière. Hydroplus s'est attaché à décrypter ces évolutions », analyse Pascale Peignen-Séraline, rédactrice en chef de 2002 à 2007.
20 ans : une révolution
qui s'achève
Au fur et à mesure de ces changements, le magazine a retrouvé la confiance de ses lecteurs et des annonceurs et a renoué avec le développement. La synergie avec les autres revues éditées par le groupe Victoires Éditions constitue un atout supplémentaire pour le magazine. En vingt ans, le magazine a su, malgré les difficultés et les ruptures qu'il a connues, à la fois assurer une certaine continuité éditoriale et faire sa révolution pour s'adapter au contexte des marchés de l'eau et aux besoins des acteurs, offrir un support plus utile et géré de manière rigoureuse, produire un véritable outil au service des professionnels.
« Après une première période où le magazine était la vitrine des industriels français, une deuxième période marquée par un positionnement très géopolitique à l'international, la revue a su évoluer pour être aujourd'hui plus en phase avec un marché réel, qui est plutôt de nature nationale, et apporter un vrai service aux lecteurs. Ce qui reste de la grande époque internationaliste du magazine est un lien avec la Méditerranée et le monde arabe, qui se traduit par la parution chaque année d'un numéro spécial Pays arabes diffusé au Maghreb et au Moyen-Orient », estime Arnaud Garrigues, rédacteur en chef depuis 2007. Un hommage doit être rendu aux équipes qui ont rêvé, pensé et fabriqué le magazine, aux hommes et aux femmes qui en ont été les chevilles ouvrières et qui ont tous eu un attachement très personnel, presque filial, à la réussite de cette belle aventure et, bien sûr, aux fidèles, qui l'ont suivi et soutenu depuis ses débuts.