Faire de la prospective est un art d'autant plus difficile, dit-on, que l'on s'intéresse au futur. Malgré tout, plusieurs tendances peuvent être dégagées.
La première est la prise en compte locale de la capacité du milieu récepteur à recevoir les rejets urbains. Nous allons en effet passer de normes d'émissions (qu'a-t-on le droit de rejeter ?) à des normes « d'immiscions » (qu'est-ce que le milieu naturel peut accepter ?). Même si, sur le plan réglementaire, ce type d'approche est plus difficile à gérer, les obligations imposées par la directive-cadre européenne sur l'eau pour le retour au bon état écologique des masses d'eau, associées à la difficulté de mobiliser des ressources financières supplémentaires, vont rendre cette évolution obligatoire. L'ingénierie française, très en retard par rapport à celle d'autres pays européens, va devoir s'adapter.
Le modèle du réseau tentaculaire de collecte terminé par une énorme station d'épuration va exploser. Concernant les eaux usées, les solutions de traitement vont se diversifier (retour en grâce de l'assainissement non collectif, mais aussi développement de systèmes de traitement à des échelles intermédiaires : le lotissement, le quartier). L'utilisation des techniques alternatives va se généraliser pour gérer les eaux pluviales dans toutes les nouvelles opérations d'aménagement et les ouvrages vont être de mieux en mieux intégrés dans la ville. Le paradigme général sera d'optimiser le système global (réseau d'assainissement + station d'épuration + ouvrages complémentaires alternatifs de gestion des eaux usées et pluviales) dans l'optique d'améliorer, au meilleur coût, la qualité des milieux récepteurs.
Une conception urbaine plus respectueuse de l'eau et de l'environnement va se développer. Il ne s'agira plus seulement de construire des systèmes d'assainissement efficaces, mais d'adapter la ville elle-même pour qu'elle modifie le moins possible le fonctionnement des milieux naturels. Les approches de type développement à bas impact (Low Impact Development) initiées aux États-Unis ou de développement urbain respectueux de l'eau (Water Sensitive Urban Design) en Australie vont se généraliser.
Autre axe de développement : la récupération des eaux de pluie. Actuellement, il s'agit essentiellement de récupérer l'eau au plus près de son point de consommation et de la stocker dans les meilleures conditions pour bénéficier d'une ressource réputée gratuite. Très bientôt, cette récupération sera intégrée dans une vision générale de gestion du cycle urbain de l'eau et les modes de stockage vont se diversifier (citernes chez les particuliers, mais aussi stockage sous les rues pour alimenter la végétation urbaine, recharge des nappes phréatiques, etc.). Il s'agit d'une évolution de bon sens. L'eau est une ressource précieuse et il n'est pas raisonnable que les eaux pluviales ne soient pas valorisées chaque fois que cela est possible. Cependant, cette évolution doit être contrôlée. La récupération de l'eau « ressource » n'est en effet pas nécessairement compatible avec la gestion des flux d'eau et de polluants produits par le ruissellement urbain, l'intérêt du particulier qui souhaite recueillir son eau n'étant pas nécessairement le même que celui de la collectivité.
Par ailleurs, elle porte plusieurs risques qu'il faudra maîtriser : risque de dérégulation économique du système de
gestion de l'eau, risques sanitaires pour la population, risques de modifications du bilan hydrique des sols urbains.Les eaux de pluie vont également être utilisées pour améliorer le microclimat urbain (abaissement des températures en utilisant l'évaporation et l'évapotranspiration de l'eau). En période de changement climatique et d'économie d'énergie, cette idée ne peut que se développer, d'autant qu'elle se conjugue parfaitement avec d'autres aspects environnementaux : réintroduction de la nature en ville, amélioration de la qualité de l'air. Elle combine dans beaucoup de cas un intérêt collectif (action au niveau de la rue, du quartier ou de la ville) et un intérêt individuel (réduction de la température intérieure des immeubles en utilisant, par exemple, des toitures-terrasses).
L'une des difficultés à surmonter pour que ces évolutions se passent au mieux sera d'éviter le désintérêt des techniciens pour ces nouvelles solutions, et, par effet de balancier, leur appropriation unique par les urbanistes, les paysagistes ou les aménageurs. Si le développement de l'intérêt des acteurs de l'aménagement urbain pour la gestion des eaux urbaines est tout à fait positive et a été souhaitée et encouragée par beaucoup d'institutions, cette tendance peut constituer un risque à terme. L'hydrologie est en effet une science difficile et les implications des aménagements de l'espace sur le cycle de l'eau ne sont pas toujours faciles à prévoir.