« Tels qu'ils sont définis actuellement, les métiers de l'eau s'inscrivent dans une logique de gestion de l'eau dans la ville. Ils donnent l'impression d'avoir un côté immuable, d'être à l'écart des ruptures technologiques. Pourtant, le rythme d'investissement est important et les nouvelles technologies sont vite intégrées. Cela a été le cas il y a trente ans, avec l'apparition des premiers automatismes. On est ainsi rapidement passé d'usines mobilisant un personnel nombreux à un pilotage largement automatisé. D'autres évolutions majeures sont en cours, en premier lieu en ce qui concerne la gestion du patrimoine. Les nouvelles techniques d'investigation et de modélisation vont améliorer la connaissance du patrimoine et permettre d'établir des programmes de renouvellement, au-delà du seul critère d'âge des canalisations, pour combattre les gaspillages d'eau. La collecte des eaux usées va aussi évoluer pour sortir du « tout-à-l'égout » et rentrer dans une ère plus industrielle. Cela passera par un meilleur suivi des performances des stations d'épuration et un contrôle renforcé des rejets en réseau.
Dans les usines de production d'eau potable et les stations d'épuration, les innovations vont porter sur la récupération d'énergie, la gestion des émissions de CO2 et sur une meilleure valorisation des boues. De nouvelles compétences seront requises, avec, par exemple, des profils d'énergéticiens pour relever ces défis. Un autre volet concerne les relations avec le consommateur final. L'essor de la télérelève, qui répond à une forte attente des clients constitue ainsi une révolution. Cette technologie a beaucoup évolué et son coût est devenu plus abordable. Cela va apporter une information en continu sur les consommations et plus d'interactivité dans la relation avec le client. La télérelève va ainsi aider à réduire les problèmes liés aux fuites d'eau, en évitant les gaspillages et en réduisant les litiges liés aux dégâts des eaux.
Les attentes des clients portent aussi sur la dureté de l'eau. Pour y répondre, une offre de décarbonatation de l'eau en usine va se développer. L'adoucissement de l'eau ne sera plus individuel, mais collectif, avec un coût bien moindre .
Nos métiers vont évoluer pour prendre en compte ce qui se passe à l'amont et l'aval et qui a longtemps été un domaine réservé aux services de l'État. Nous sommes davantage impliqués dans la préservation du milieu naturel et la lutte contre les pollutions diffuses. Cela s'est caractérisé dans le Grenelle de l'environnement par l'identification des cinq cents captages les plus importants menacés par des pollutions diffuses et par la reconnaissance de l'importance de la politique en faveur de la biodiversité. L'idée est de travailler en concertation avec les propriétaires des terrains et les collectivités locales. Dans ce cadre, les opérateurs doivent être force de proposition et sortir de leur cadre traditionnel. Ce qui va dans le sens de la législation européenne, qui est passée avec la directive-cadre sur l'eau, d'une obligation de moyens à une obligation de résultats, en développant une gestion véritablement intégrée. Comment en effet travailler sur la qualité des eaux de baignade, sans s'interroger sur la question des eaux pluviales ? Pour atteindre un bon état des eaux, il sera fondamental d'arriver à gérer les chocs écologiques des rejets liés aux orages après des périodes de temps sec. Et cette évolution du métier est d'autant plus cruciale que le changement climatique va renforcer les épisodes de pluie et de sécheresse plus sévères.
Enfin, au niveau international, les besoins sont énormes en termes de construction, études et services. Cela concerne tant la problématique de l'accès à l'eau que le développement de pays comme ceux du Moyen-Orient ou le cas de la Chine qui est en train de réaliser que la pollution de ses rivières peut ralentir sa croissance économique. De par leur savoir-faire, les entreprises françaises ont un formidable potentiel de développement et doivent s'y préparer. »