La disponibilité des différents acteurs de l’eau – fonctionnaires, universitaires, utilisateurs agricoles… – à entrer dans un processus participatif dépend de trois facteurs principaux : la culture du pays ; l’état démocratique de la société ; et la pression environnementale sur l’état des ressources. Ainsi, dans une région où le dialogue démocratique existe mais qui est très riche en eau, comme en Turquie, la motivation est faible. A l’inverse en Jordanie, pays où l’eau très rare, les acteurs sont « beaucoup plus motivés et très informés des enjeux liés à l’eau », résume Philippe Ker Rault, de l’Université de Technologie de Delft. Ce chercheur vient d’achever sa thèse sur la participation du public dans la gestion de l’eau en Turquie, en Syrie, au Liban et en Jordanie. Pour mener à bien ce travail, il a monté pendant quatre ans dans ces pays, avec des partenaires locaux et dans le cadre d’un projet européen, des ateliers de réflexion sur les motivations et les objectifs de la participation. AutoritarismePhilippe Ker Rault a notamment demandé aux acteurs quel est l’attitude actuelle de l’autorité compétente, et quelle devrait être cette attitude pour favoriser la participation. En Syrie et au Liban, les autorités ont été qualifiées d’autoritaires, donnant éventuellement une information sur les projets prévus dans le domaine de l’eau, mais n’envisageant pas la discussion. Dans ces deux pays, une attitude plus ouverte est souhaitée ; en Syrie, les représentants de l’administration centrale eux-mêmes voudraient plus d’ouverture. Autre question : quels sont les freins à la participation ? Au-delà des entraves souvent évoquées (manque d’argent, inculture de la population…), trois types d’obstacles réels se sont dégagés : l’autorité ne veut pas organiser de concertation, souvent par peur de voir son pouvoir traditionnel mis à mal ; elle s’avoue incompétente pour mener à bien de telles actions ; un manque de communication entre les différents échelons administratifs empêche toute concertation. "Vraie participation"C’est pourquoi « les institutions internationales ont un rôle à jouer pour démocratiser le processus de décision dans le domaine de l’eau. Elles peuvent jouer un rôle d’intermédiaire entre les différents acteurs, assurant que le dialogue se poursuit », recommande Philippe Ker Rault. Il ajoute : « Pour expliquer leur souhait de participer à un processus de concertation, les acteurs interrogés mettent rarement au sommet de leurs motivations la volonté de prendre les décisions. » Influencer cette décision finale n’est un motif de participation prédominant qu’en Turquie ; en Syrie, l’échange de vues sur l’eau est largement plébiscité ; en Jordanie, les participants voulaient donner leur opinion et échanger, mais aussi éviter les conflits. « Il m’est apparu que la « vraie participation » est plus un processus sur la durée, un exercice humain de rencontre de l’autre, qu’un processus permettant d’atteindre un objectif clair, comme une décision. La participation structurante est un moyen et une fin en elle-même. Dans les pays que j’ai suivi, j’ai noté une aspiration publique, une maturité et une volonté d’exprimer son point de vue », conclut le chercheur.C.K.Le travail de thèse de Philippe Ker Rault.Philippe Ker Rault