Depuis le XIXe siècle, des terres fertiles ont été gagnées sur la mer grâce à une poldérisation de la baie du Mont-Saint-Michel. La rivière qui débouche devant le Mont, le Couesnon, a été canalisée, et un premier barrage a été construit en 1969 pour limiter les inondations en amont. Cette action de l'homme a renforcé la tendance naturelle à l'ensablement autour du Mont-Saint-Michel. Résultat, aujourd'hui, ce dernier n'est entouré d'eau qu'un peu plus de 50 jours par an. Un projet de « rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel », d'un coût total de 200 millions d'euros dont 164 millions d'euros de fonds publics, doit lui rendre son aspect insulaire. L'objectif est qu'il soit à terme entouré par la mer dès le coefficient de marée 75, soit près de 150 jours par an.
RÉGULATION DES FLUX
Ce projet prévoit de réguler les flux naturels d'eau pour favoriser les phénomènes d'érosion des sédiments. Le nouveau barrage en est une pièce essentielle. Son principe est de renforcer l'effet naturel de la marée : lorsque la marée arrive à proximité, le barrage est fermé. Après décantation des sédiments apportés par l'eau, les huit vannes-secteur s'abaissent et la mer pénètre dans le Couesnon par surverse. L'eau s'accumule dans le lit du fleuve jusqu'à l'anse de Moidrey, à quatre kilomètres en amont. À l'eau de mer s'ajoute peu à peu celle du Couesnon, dont le débit peut varier de 2 m3/s en période d'étiage à 100 m3/s lors d'une crue centennale. Au maximum, 1 700 000 m3 d'eau pourront être stockés.
Puis l'ouverture des vannes se fait progressivement, six heures après la pleine mer, en commençant par une sous-verse - l'eau s'écoule sous la vanne. Le courant remet en circulation les sédiments arrivés lors de la marée montante. Les chasses sont contrôlées pour libérer un débit de 100 m3 d'eau à la seconde pendant plusieurs heures. « C'est la durée de la chasse qui fera son efficacité, et non la seule puissance du débit », précise François-Xavier de Beaulaincourt, directeur du Syndicat mixte Baie du Mont-Saint-Michel.
Un seuil de partage doit séparer le flux du Couesnon en deux, pour que l'eau s'écoule des deux côtés du Mont. « Les huit vannes étant autonomes, il sera d'ailleurs possible de réguler les flux de chaque côté du seuil, en fonction des effets observés », poursuit François-Xavier de Beaulaincourt.
Une partie du temps, le barrage sera naturellement franchissable par les poissons migrateurs : notamment lors du remplissage par surverse à marée haute, et à marée basse lors des chasses. En complément, des passes à poissons, qui fonctionneront de manière désynchronisée par rapport à l'ouvrage principal, ont été installées de chaque côté du barrage. « Le fonctionnement du barrage n'entraînera pas l'apparition de nouvelles espèces, puisque nous ne créons pas de nouveaux milieux. Il aura pour conséquence une redistribution spatiale des espèces, en fonction de la répartition des sédiments », explique Audrey Hemon, ingénieur environnement du Syndicat mixte Baie du Mont-Saint-Michel.
SUIVIS EN PLACE
Toutefois, le barrage étant un équipement lourd, « un programme de suivi environnemental a été mis en place, tant en phase travaux qu'en phase exploitation », poursuit Audrey Hemon. Est prévu également un suivi des sédiments, de la qualité chimique de l'eau, de la flore et de la faune ainsi que de l'impact des travaux sur leurs habitats écologiques.
OBJECTIF : 25 ANS
Les travaux annexes, tels le curage du Couesnon, le creusement de l'anse de Moidrey et la construction du seuil de partage, sont encore à mener. De même que la destruction de l'actuelle digue menant au Mont. Une nouvelle digue-route et un pont passerelle, sous lequel l'eau pourra s'écouler, doivent la remplacer. La fin des aménagements est prévue pour 2015.
Au-delà de ces délais liés aux travaux, Gilles Berrée, de la Mission Mont-Saint-Michel de la Direction départementale de l'équipement de la Manche, rappelle que, selon les prévisions, « 50 % des sédiments accumulés doivent repartir en deux ans et 80 % en huit ans. Un équilibre devrait être atteint localement autour du Mont-Saint-Michel en vingt à vingt-cinq ans ».